Histoire de la rivière Richelieu dès l’arrivée des Français jusqu’à nos jours
Le nom de la rivière Richelieu se rattache à la mémoire d’Armand Jean du Plessis, cardinal de Richelieu (1585-1642), ministre de Louis XIII et fondateur de la Compagnie des Cent-Associés qu’il chargea d’administrer la colonie naissante de la Nouvelle-France.
Le Richelieu, dans la toponymie de 1642, désigne un fort dont le nom s’étendra tardivement à la rivière. La Relation des Jésuites souligne, en 1655, que ce cours d’eau « se nomme la rivière de Richelieu, à cause du fort du même nom qui y fut basti à son embouchure, au commencement des guerres, pour s’assurer de l’entrée de cette rivière ». Cette identification semi-officielle n’a pas empêché que la rivière soit désignée depuis, en partie ou dans son entier, sous diverses appellations : rivière des Iroquois, des Ingierhonons, Saint-Louis, Chambly, Sorel, Lac Champlain, Saint-Pierre et Saint-Jean. Il faut attendre le XXe siècle pour que « rivière Richelieu », ou « le Richelieu », s’impose à l’usage pour l’ensemble du cours d’eau. Le toponyme fut appliqué subséquemment à un grand nombre de lieux; à plusieurs municipalités des environs, on a en effet ajouté « sue-Richelieu ». La rivière a donné son nom à la municipalité de Richelieu vers la fin du XIXe siècle.
À la tête de la rivière Richelieu s’étend le lac Champlain, ainsi nommé en l’honneur de Samuel de Champlain, premier explorateur à l’avoir décrit au cours d’une expédition en 1609 :
« À l’entrée de la rivière des Yroquois (le Richelieu), où nous sejournasmes deux jours, et nous rafraichîmes de bonnes venaisons, oiseaux et poissons, que nous donnaient les Sauvages, où il s’esmeut entre eux quelque différend sur le sujet de la guerre, qui fut occasion qu’il n’y en eut qu’une partie qui se résolurent de venir avec moi, et les autres s’en retournèrent en leur pays avec leurs femmes et marchandises, qu’ils avaient traitées. »
« Partant de cette entrée de rivière, fort belle, courant au sud… toute cette rivière depuis son entrée jusque au premier sault (les rapides de Saint-Louis, où il y a 15 lieues est fort plate et environnée de bois. Il y a neuf ou dix belles îles jusque au premier sault des Iroquois, remplies de quantité de chaînes et noyers. La rivière tient en des endroits près de demie lieue de large, qui est fort poissonneuse. Nous ne trouvâmes points moins de 4 pieds d’eau. L’entrée du sault est une manière de lac (le bassin de Chambly) où l’eau descend et y a quelques prairies où il n’y habite aucun sauvages, pour le sujet des guerres. Aucuns Chrétiens n’étaient encore prévenues jusques en ce-dit lieu, que nous, qui eux-mêmes assez de peine à montrer la rivière à la rame. »
« À l’entrée du lac yi y a nombre de belles îles qui sont basses remplies de très beaux bois et prairies où il y a quantité de gibiers et chasses d’animaux comme cerfs, daims, faons, chevreuils, ours et autres sortes d’animaux qui viennent de la grande terre aux dites îles. Nous en primes quantité. Il y a aussi grand nombre de castors tant dans la rivière qu’en plusieurs autres petites qui viennent tomber dans icelles. »
(Les Voyages du sieur de Champlain Xaintongeois, capitaine ordinaire pour le Roy, en la marine, 1613).
Champlain découvre à peine le territoire, mais le Richelieu fournit depuis longtemps une voie de passage aux bandes amérindiennes, qui l’utilisent pour la chasse, la pêche et la cueillette. C’est au milieu du XVIIe siècle que la rivière deviendra un carrefour stratégique en tant que voie de pénétration et route d’invasion. Pour défendre la colonie contre les Iroquois, plus tard pour freiner les troupes anglaises, les Français érigent une série de fortifications le long de la vallée, sur le lac Champlain jusqu’à Tisconderoga : fort Chambly, fort Saint-Jean, fort Saint-Frédéric, fort Carillon s’y succèdent. La guerre d’indépendance américaine et la guerre de 1812 transforment le lac Champlain en une zone d’affrontement où s’opposent l’Angleterre et les États-Unis. Des combats navals époques s’y déroulent, dont les batailles de Valcour Island (1776) et de Cumberland Bay (1814).
Deux forteresses, fort Lennox et fort Montgomery, témoignent éloquemment de la fin de cette époque. L’établissement des bourgades éparpillées de part et d’autre du Richelieu souligne la vitalité du rôle de la rivière, axe de communications et de commerce.
On conçoit que les rapides échelonnées entre Saint-Jean et Chambly aient imposé aux voyageurs de laborieux portages et fait naître le rêve d’une voie navigable outillée pour contourner ces obstacles naturels. On attendra jusqu’au milieu du XIXe siècle l’ouverture du canal de Chambly qui s’affirme dès lors comme le pôle commercial des échanges canado-américains et le restera jusqu’au début du XXe siècle. La Première guerre mondiale et la crise économique de 1929 marquent le commencement de la fin pour le transport marchand sur le canal, touché par la concurrence du rail et de camionnage. Au cours des années 1970, les barges auront disparu au profit des yachts, des voiliers et des pontons. La navigation de plaisance définit à présent l’avenir d’une rivière qui montre les stigmates tenaces de l’envahissement humain, encouragé par l’installation des écluses. Quoique dénaturé et démodulé, le Richelieu dégage toujours le charme du cours d’eau paisible traversant une contrée agreste, piqué de jardins et de vergers, un des visages qui ont séduit le visiteur d’autrefois et attirent celui d’aujourd’hui en Montérégie.
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