Histoire de la rivière des Outaouais

Portrait général de la rivière des Outaouais

Géographiquement et économiquement, le plus important affluent du Saint-Laurent, la rivière des Outaouais draine un bassin hydrographique de plus ou moins 146 000 kilomètres carrés. De nombreuses rivières tributaires, dont les principales sont la Gatineau, la Lièvre, la Kipawa, la Rouge, la Madawaska, la rivière Montréal, la Blanche et la Petwawam gonflent son cours dont le débit moyen s’établit à près de 2 000 mètres cubes par seconde. L’Outaouais prend sa source très discrètement au nord de la ville d’Ottawa, dans un fouillis de plans d’eau comprenant le lac Capimitchigama et le lac des Outaouais. Elle se fraie d’abord un chemin vers l’ouest à travers une chaîne de lacs longue de 500 kilomètres, puis s’incurve vers le sud-est en dessinant le lac Témiscamingue. Elle baigne l’agglomération d’Ottawa – Gatineau avant de filer en direction de Montréal. Après un plongeon d’environ 360 mètres et une course de plus de 1 200 kilomètres, dont la moitié à cheval sur la frontière de l’Ontario et du Québec, la rivière s’évase pour former le lac des Deux-Montagnes d’où elle sort taquiner les îles de Montréal, Jésus (Laval) et Île Perrot en se jetant dans le fleuve.

On conçoit que l’Outaouais, d’abord nommée Kitchisippi ou Katche-sippi, ait joué un rôle crucial dans le développement du Canada en traçant la plus ancienne route des Grands Lacs jusqu’à la baie d’Hudson. Samuel de Champlain, le premier Européen à la décrire sous le nom de Rivière des Algommequins, en remonte le cours pou visiter les Algonquins de l’île aux Allumettes en 1613. Six ans plus tard, il opte pour Grande Rivière, traduction libre de la dénomination amérindienne. La Relation des Jésuites rapporte en 1667 que les Outaoüacs, originaires du lac des Hurons, se sont approprié la grande rivière et interdisent qu’on y circule sans leur consentement. L’appellation « Rivière des Hurons ou des Outaouais » fait son apparition en 1680. Le manuel des Indiens du Canada, paru en 1915, confirme que les Outaouais imposent leur nom à cette rivière qu’ils utilisent largement et furent les premiers, parmi les tribus de l’Ouest, à descendre pour faire la traite avec les Français.

La provenance la plus uniformément admise du mot « Outaouais », dont l’orthographe a connu plusieurs variantes (Ottiwa, Ottawas, Outaouas, Outaouaks, Ottawak, Ottaouets, Andatawak, Andatahouots), est le terme algonquin adawe qui signifie « acheter en vendre ». En Ontario, le cours d’eau porte officiellement le nom anglais d’Ottawa River.

Jusqu’au milieu du XVIIe siècle, la rivière des Outaouais représente la route des « Indiens », des pelleteries et des premiers explorateurs. Elle n’a cependant rien d’une piste facile : on franchit ses dangereux rapides en effectuant de longs et durs portages, comme ceux du Long-Sault dont les 14 mètres de dénivellation s’étendent sur près de 10 kilomètres entre Grenville et Greece’s Point. Plus sournoise, que ces obstacles naturels, la menace iroquoise pèsera sur la navigation et la traite des fourrures durant le régime français. Les guerres et les interventions militaires commandent la construction d’avant-postes; on érige les « forts », celui de Pointe Fortune, Fort Coulonge, Fort William et celui de Mattawa.

Vers 1650, les Algonquins, décimés et dispersés par les conflits et les épidémies, cessent peu à peu de servir d’intermédiaires entre les autochtones et les négociants européens. Cette période marque le début de la route des voyageurs ; les pionniers français se risquent dorénavant sur la rivière avec l’ambition d’atteindre les Pays-d’En-Haut. La flotte de canoës, transportant plusieurs centaines d’hommes, remonte péniblement l’Outaouais et rentre quelques mois plus tard, chargée des précieuses peaux de castor.

Voyageurs, aventuriers et coureurs des bois dominent la circulation jusqu’au début du XIXe siècle, alors que la traite des fourrures cède la place à l’industrie du bois d’œuvre. Des colons s’établissent graduellement dans la vallée et les premières « cages », ou trains de pin équarri, empruntent l’Outaouais et les cours d’eau tributaires en route vers Québec. Les « cageux » feront rouler l’économie du Canada pendant tout un siècle, jusqu’à ce que le dernier convoi de bois quitte le lac Témiscamingue au début des années 1900.

Au même moment, la navigation sur l’Outaouais se diversifie et se modernise. Contrariés par les affrontements de 1812 avec les États-Unis, les Britanniques conçoivent le projet d’une nouvelle voie de communication avec les Grands Lacs.

Dirigés par le colonel By, les travaux sont amorcés en 1827 et s’achèveront par la jonction de l’Outaouais et du lac Ontario en 1832 et par l’ouverture du canal Rideau à Bytown (aujourd’hui Ottawa). On creuse à cette époque des voies de contournement pour faciliter le passage des principaux rapides de la rivière.

Au fil du temps, le canoë d’écorce est remplacé par les bateaux Durham que l’on manœuvre à la rame, à la perche et à la voile, et finalement par les navires à vapeur au cours de la décennie 1820.

Le chemin de fer offre une solution de rechange dès la fin des années 1870.

L’Outaouais va connaître une phase commerciale florissante. Le rapport du ministère des Chemins de fer et des Canaux de 1894 précise que 2358 navires canadiens (à vapeur et à voile) et 309 navires américains ont utilisé les différents canaux de la rivière des Outaouais. Les marchandises transportées cette année-là sont surtout le bois d’œuvre et de chauffage, l’argile, la chaux, le sable et une variété de céréales. Le nombre de passagers s’élève à 13828.

Le XXe siècle sera celui de la construction, sur la majorité des grandes cataractes de la rivière, des barrages hydroélectriques qui changeront pour le bon le visage de l’Outaouais.

Les ouvrages majeurs d’Otto Holden (La Cave), de Rapides-des-Joachis, des Cheneaux et de Chats voisinent avec des projets plus modestes réalisés à Quinze, à Bryson, à Chutes Chaudière et à Rivière Noire. Les promoteurs respectent néanmoins certains d’entre eux, dont le caractère sauvage des rapides du Rocher Fendu, à l’ouest de l’île du Grand Calument, devenus un paradis pour le rafting en eaux vives.

L’ancienne activité commerciale ayant fait long feu sur la rivière des Outaouais, on la remplace par la navigation sportive et de plaisance. Arnprior, à 50 kilomètres d’Ottawa, marque le début d’une voie navigable de plus de 500 kilomètres qui rejoint l’extrémité nord du lac Témiscamingue. Les paisibles aventuriers du XXIe siècle qui prennent la rivière Outaouais d’assaut n’ont plus à craindre pour leur sécurité.

Voir aussi :

Rivière des Outaoauis
Vue sur la rivière des Outaouais depuis une tour de la ville d’Ottawa. Crédit photo : Andrijko. https://commons.wikimedia.org/wiki/File:River_Ottawa_(view_from_the_Peace_Tower_of_Parliament_Centre_Block).JPG.

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