Les guerres sous le Directoire (1795-1799)
Bonaparte en Italie et en Égypte
La poursuite de la guerre contre l’Autriche et l’Angleterre est marquée par de multiples campagnes qui ne modifient pas les rapports de force en Europe.
Si la période du Directoire est celle de l’incertitude à l’intérieur, il en est de même pour la politique extérieure. La paix de 1795 est en effet fragile. Si le peuple est la de la guerre, et si aucun danger immédiat ne menace la France, la puissance continentale de l’Autriche, celle, économique et maritime de l’Angleterre, sont vécues par le pouvoir comme autant d’ennemis du rayonnement français.
La campagne d’Italie (1796-1797)
Le bellicisme des directeurs trouve l’occasion de s’exprimer en Italie, agitée par un mouvement à la fois républicain, nationaliste et unificateur. Les Autrichiens, présents dans le Nord, doivent en être chassés pour permettre de consolider les frontières du sud-est de la France et favoriser l’installation d’un régime favorable au pays.
Bonaparte, nommé à 27 ans général de l’armée d’Italie (et secondé par Masséna, Berthier, Augereau, Séruzier, Saliceti), passe à l’action au printemps 1796. Si les troupes sont peu nombreuses et mal équipées, elles bénéficient d’une grande mobilité et des qualités de stratèges et de meneurs d’hommes de leurs chefs.
Les Français battent les Autrichiens et les Piémontais à Montenotte, Millesimo et Dego (12-15 avril), puis à Mondovi (21 avril). Le duc de Savoie et roi de Sardaigne Victor-Amédée III, allié des Autrichiens mais désireux de réduire les forces révolutionnaires dans son pays, signe la paix de Cherasco avec la France (28 avril 1796) ; il lui cède Nice et la Savoie, et le droit de maintenir une garnison au Piémont.
Bonaparte s’attaque alors à la Lombardie autrichienne. Après la difficile victoire de Lodi (10 mai), il entre en triomphateur à Milan, tenue par les révolutionnaires. Mais des soulèvements populaires anti-français éclatent en raison des excès de l’armée d’occupation; la répression est sévère et Pavie livrée au pillage.
Puis, délaissant pour un temps les Autrichiens, l’armée française occupe Bologne, Ferrare, Longo, puis Livorne (juin 1796). Il s’agit d’obliger les princes italiens à se rapprocher de la France, et de leur accorder la paix en échange d’indemnités et de paiements en nature. La campagne militaire tourne en opération de pillage, dont bénéficient largement les troupes de Bonaparte. Celui-ci a d’ailleurs pris la décision de payer directement à ses soldats la moitié de leur solde en numéraire (20 mai), ce qui lit attire la fidélité personnelle de ses hommes. Début août, il repousse une offensive autrichienne en l’emportant à Lomato et à Castiglione, puis à Roveredo et à Bassano (8 septembre).
Le recul français en Allemagne durant l’été permet aux Autrichiens de reprendre l’offensive en Italie. Début novembre 1796, l’armée de Bonaparte, épuisée, doit reculer, malgré le fait d’arme de son chef au pont d’Arcole (17 novembre).
Après l’échec d’une expédition en Irlande en décembre 1796, la situation militaire évolue au début de 1797. Si les Français perdent les dernières places qu’ils tiennent sur le Rhin, Bonaparte, Massena et Joubert battent les Autrichiens à Rivoli (14 janvier) et obligent Mantoue à capituler (2 février). Recevant des renforts importants, l’armée d’Italie reprend l’offensive vers le Tyrol et l’Autriche. Victorieux au Tagliamento (16 mars) les Français poursuivent leur offensive dans les Alpes et poussent jusqu’à Leoben.
Mais l’avancée de l’armée française la rend vulnérable et Bonaparte cherche à obtenir une paix qui lui garantisse le maintien de ses conquêtes italiennes, malgré le désaccord du Directoire. Il obtient finalement gain de cause, après avoir aidé le coup de force parisien anti-royaliste du 4 septembre. Le traité de Campoformio (17 octobre 1797) reconnaît à la France la possession de la Belgique et de la rive gauche du Rhin, ainsi que la formation d’une République italienne Cisalpine pro-française, constitué du Milanais et des régions de Mantoue, Ferrare, Modène et Bologne.
La campagne d’Égypte (1798 – 1799)
Si ce traité règle provisoirement la question autrichienne, et permet au général Bonaparte d’être à la fois vainqueur et pacificateur, il ne met pas un terme au conflit avec l’Angleterre. Après l’échec des négociations de Lille de juillet 1797, Bonaparte est nommé commandant de l’armée d’Angleterre, et un projet d’invasion est mis sur pied. Mais après s’être rendu en février 1798 dans le Nord pour superviser les préparatifs, Bonaparte se rend compte qu’un débarquement en Angleterre est impossible. Il est décidé en mars que le coup serait porté en Égypte, afin de s’en prendre aux intérêts anglais, d’y créer une colonie française, et de menacer les Indes anglaises. Le 19 mai 1798, la flotte française, commandée par Bonaparte quitte Toulon et atteint le 1er juillet Alexandrie, qui se rend aux Français. L’armée française se dirige alors vers le Caire et bat les Mameluks le 21 juillet à la bataille des Pyramides. Mais pendant que les Français conquièrent les terres, leur flotte est détruite par Nelson, à Aboukir (1er août).
Après avoir réprimé une révolte anti-française au Caire, Bonaparte décide de prendre l’offensive : pendant que Desaix remonte le Nil jusqu’à Assouan, il entreprend une expédition vers la Syrie où se forme une armée turque aidée par les Anglais (février 1799). Il s’empare d’El Arish, puis de Gaza et de Jaffa (7mai) qui est pillée, et dont les 3000 défenseurs qui se sont rendus aux Français, sont exécutés.
Puis, le 19 mars, débute le siège de Saint-Jean-d’Acre. Efficacement soutenue par les Anglais, la ville résiste, et, malgré son succès au mont Thabot sur une armée de secours (16 avril), Bonaparte doit lever le siège le 17 mai en raison de l’état de son armée touchée par la peste, et des menaces sur l’Égypte. Il fait transporter les pestiférés à Jaffa et empoisonner les plus atteints, puis revient au Caire dans des conditions très difficiles (juin 1799).
Bonaparte doit alors affronter une armée turque qui a débarqué près d’Alexandrie. Il l’écrase à Aboukir le 25 juillet. Mais les nouvelles venant de France et d’Europe le décident à rentrer au plus tôt. Il quitte l’Égypte le 23 août en confiant à Kléber le commandement de l’armée. Débarqué le 9 octobre à Fréjus, il peut un mois plus tard participer au coup d’État du 18 Brumaire.
La seconde coalition
Pendant la campagne d’Égypte, et alors que des troubles éclatent en Belgique et en Italie occupées par les Français, ont lieu les pourparlers avec l’Autriche, concernant la cession de la rive gauche du Rhin (prévue par une clause secrète du traité de Campoformio). Mais sans attendre leurs résultats les Français s’installent déjà en Rhénanie et aident à la création des Républiques romaine et helvétique. L’Autriche est ainsi poussée à la guerre. Elle s’allie à l’Angleterre, à la Turquie et à la Russie, inquiète de l’expansion française en méditerranée (2e coalition, 29 décembre 1798).
Les Français qui ont déclaré la guerre à l’Autriche le 12 mars 1799, et développé la conscription, veulent passer à l’offensive. Mais les coalisés disposent de forces importantes en Italie (Autrichiens et Russes), et en Hollande où débarque une armée anglo-russe. Ainsi Jourdan est battu à Stokach (25 mars 1799), Schérer en Italie (Maquano, 5 avril), l’armée russe de Souvorov chasse les Français de Milan (28 avril) et prend Turin (27 mai). Masséna doit se replier devant Zurich (début juin), puis Moreau et Macdonald échouent dans leur contre-attaque en Italie (La Trébie, 19 juin). Le 15 août, Joubert, à la tête de l’armée d’Italie, est battu et tué à Novi. Seul Brune résiste en Hollande.
Mais les rivalités entre les coalisés vont permettre aux Français de renverser la situation : Les Autrichiens, voulant éviter la présence anglaise en Hollande, se portent plus au nord, les Russes devant les remplacer en Suisse. Massenat en profite pour attaquer l’armée de Korsakov avant l’arrivée de Souvorov, retardé par Lecourbe. Les Russes sont écrasés à Zurich le 25 septembre 1799, et Souvorov doit se replier. En Hollande, les Anglo-Russes, d’abord victorieux à Alkmaar (2 octobre), sont ensuite arrêtés à Castricum (6 octobre), et contraints de réembarquer le 18 octobre.
Quand Bonaparte prend le pouvoir un mois plus tard, la situation militaire est rétablie en Europe, mais aucun problème n’est définitivement réglé : chacun conserve ses ambitions et les puissances autrichiens et surtout anglaises n’ont pas été véritablement entamées.
Bonaparte au pont d’Arcole
La légende a immortalisé le geste de Napoléon brandissant le drapeau français pour entraîner ses troupes à l’assaut des Autrichiens. Si Bonaparte fait preuve d’une bravoure certaine en cette circonstance et si ses 15.000 hommes réussissent à contenir les 40.000 soldats d’Alvinczy, ce n’est qu’un simple sursaut permettant de dégager l’armée française en difficulté.
Bonaparte en Égypte
Prisonnier de ses succès, Bonaparte entreprend de créer l’infrastructure d’une colonie française en Égypte, en réformant l’administration, en cherchant à améliorer les voies de communication, en développement l’hygiène, les cultures tropicales et l’étude de la civilisation locale. Mais malgré une politique tolérante, les Français demeurent des occupants et pratiquent les réquisitions indispensables à l’entretien de l’armée. Le sultan d’Égypte ayant proclamé la guerre sainte contre les Français, un soulèvement éclate au Caire le 21 octobre 1798, qui est écrasé après de rudes combats (mort du général Dupuy).
Des soulèvements anti-français
Durant la campagne d’Égypte, des événements graves se produisent dans les territoires occupés par les armées françaises. Les contributions financières (ou le pillage) sont mal supportés, en Belgique comme en République Cosalpine. Ainsi, quand est décrétée la conscription en Belgique, éclate une guerre des paysans, le 12 octobre 1798, soutenue par les forces catholiques. Elle est écrasée en deux mois. Puis, en Italie Championnet aide à la création d’une république napolitaine. (26 janvier 1799), mais mène aussi une politique personnelle qui conduit à une insurrection paysanne.
La guerre à l’Est
Alors que Bonaparte attaque en Italie, l’armée française de Sambre et Meuse franchit le Rhin le 31 mai 1796, et Kléber bat les Autrichiens à Altenkirchen (4 juin), puis Moreau l’emporte à Ettlingen (9 juillet). Mais les Français ne peuvent aller plus loin vers Vienne, et se contentent, comme en Italie de monnayer l’armistice avec les villes et régions occupées, où ils doivent faire face à des soulèvements populaires, puis à la contre-attaque autrichienne. Moreau et Jourdan, d’un zèle républicain « modéré », ne sont pas à la hauteur de la situation. Les Français sont battus à Neumarkt et Amberg (23 – 24 août) puis à Altenkirchen (19 septembre) où Marceau est tué. Malgré les exhortations de Carnot, les armées françaises se replient sur le Rhin.
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