La guerre des Éteignoirs
La guerre des Éteignoirs : On appelait Éteignoirs les ennemis de la loi d’éducation de 1846 qui rétablissait, pour le soutien des écoles élémentaires, la contribution obligatoire, basée sur l’évaluation municipale. Le terme Éteignoirs définit les opposants à la réforme scolaire, considérés comme des éteignoirs qui étouffaient la flamme de savoir. Il s’agit d’un des épisodes les plus mouvementés de l’histoire de l’éducation au Québec qui a provoqué un soulèvement de masse.
En 1841, à la suite de l’union du Bas et du Haut Canadas, il devient nécessaire de modifier le système d’éducation, ainsi entre 1841 et 1849, quatre lois sur l’éducation son adoptées, mais c’est celle de 1846, qui mènera à la guerre des Éteignoirs.
Cette loi établissait une centralisation forte de même qu’à un système de taxation en bonne et due forme. De plus, les parents ayant des enfants âgés d’entre cinq et seize ans devaient payer des frais mensuels à l’année peu importe si leurs enfants fréquentent l’école ou non (l’école n’était pas obligatoire). Toute personne refusant de payer les taxes était passible de poursuite en justice. C’est cette loi qui a amené la séparation des systèmes municipal et scolaire.
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C’était Arthur Buller, un jeune homme de tendance réformiste fit enquête sur la situation de l’éducation au Bas-Canada et publia un rapport sur la situation, en 1838. Ses recommandations influencèrent les structures scolaires mises en place durant les années 1840 et dont bon nombre existent encore aujourd’hui. C’est Buller qui proposa un système d’éducation étatique, public donc, unique pour les deux parties du Canada-Uni. Buller recommanda de lier le destin des écoles à celui des institutions municipales. Le nouveau système scolaire reposait sur deux sources de financement : un octroi gouvernemental et des taxes scolaires foncières. Mais le principe de la taxe foncière est nouveau au Bas-Canada, même s’il y existait, la dîme qui était basée sur les récoltes et les revenus, mais cette fois-ci c’est la valeur des propriétés qui était imposée.
Par crainte de se voir imposer, plusieurs habitants boycottèrent le recensement de 1842 sur lequel devait reposer le partage des subventions. On accuse les conseillers de mal administrer les deniers publics et on accepte assez mal la venue des collecteurs de taxes.
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Soulevés par des protestataires, plusieurs habitants refusèrent d’abord de payer la taxe. Déjà en 1841, un réseau de protestations s’installe, mais la résistance se fait surtout de façon passive : la population se contente d’élire des commissaires faisant la promesse qu’ils ne taxeront pas.
C’est la loi de 1846 qui a soulevé le plus de protestations. La contestation populaire s’axe sur quatre points, notamment les taxes, le manque d’éducation des commissaires (selon Marcel Lajeunesse, cité par Andrianne Vieux, en 1846, sur 1025 commissaires, 502 ne savaient ni lire ni écrire), les contributions gouvernementales et la réduction de taxe des seigneurs qui, toutes proportions gardées, ne payaient que le quarantième des taxes imposées à la population.
Puis, en 1850, les mécontents en virent à des voies de fait. La situation se corse et dans les comtés de Nicolet et de Yamaska, ainsi que à Trois-Rivières, les contestations s’amplifient. Les éteignoirs s’en prirent aux estimateurs municipaux et aux commissaires d’école, tondirent la crinière et la queue de leurs chevaux, mirent le feu à leurs bâtiments. Ils brisèrent les fenêtres des écoles, incendièrent même quelques-unes des écoles afin de montrer au gouvernement et à ses représentants qu’ils ne s’en laisseront pas imposer plus. Des émeutes éclatent, on se révolte contre les commissaires et contre leurs représentants.
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La violence persistera pour un certain temps. Le gouvernement décide d’agir en envoyant des représentants et des militaires et la situation s’apaise peu à peu. La violence se éteint avec la loi sur l’éducation de 1851, et la situation revient à la normale avec la remise du rapport Sicotte sur l’éducation en 1853 et lorsque le Bureau d’éducation décida la reprise des subventions – accordées avant les insurrections de 1837-1838 pour la construction ou la rénovation des écoles. L’annonce de la nomination d’inspecteurs d’école contribua aussi beaucoup à l’apaisement des esprits.
Les habitants prirent conscience du fait que la taxe foncière était plus efficace pour recueillir des fonds pour les écoles et qu’elle était plus juste en ce sens que les plus fortunés assument la plus grande part du coût de l’instruction des enfants.
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Suite à des protestations, la loi sur l’éducation de 1846 a également été réformée, mais les réformes ont été minces : les frais mensuels devenaient obligatoires pour les parents ayant des enfants âgés d’entre sept et quatorze ans et seulement pendant les mois d’école. Les parents des enfants de cinq à sept ans et de quatorze à seize ans ne payaient les frais que dans le cas si leurs enfants fréquentent l’école. La nouvelle loi tenait compte des contraintes du calendrier agraire.
En fait, force est d’admettre que l’histoire de l’éducation au Québec est teintée de divers soulèvements, que ce soit de la part des enseignants, des étudiants ou de leurs parents, le dernier épisode d’importance nationale ayant lieu en 2012 et connu comme la grève étudiante.
On peut constater d’ailleurs que les oppositions aux taxes ne datent pas d’aujourd’hui.
Sources :
- Charland Thomas-M. Histoire de Saint-François-du-Lac, Collège Dominicain, 95 Avenue Empress, Ottawa 1942
- Dufour Andrée, andreedufourhistorienne.blogspot.ca
- Lajeunesse, Marcel, L’opinion canadienne-française et les problèmes d’éducation au Bas-Canada, 1840-1846. Thèse de D.E.S (histoire), Université de Montréal, 1968 (cité par Andréanne Viau)
- Viau Andréanne, Site Web prologue.qc.ca/edgon/universite/guerre.htm
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