Les grosses familles au Québec dans la première moitié du XXe siècle :
Une espèce en voie d’extinction
Amorcé au cours du XIXe siècle, la chute de la natalité au Québec persiste, de sorte que les Québécoises n’auront plus que trois enfants en moyenne vers 1940.
Mais le mythe des familles nombreuses n’en continuera pas moins d’avoir la vie dure pour plusieurs décennies à venir, et nous aurons pour longtemps l’impression que toutes les Québécoises avaient dix ou douze enfants. Si l’on sait que 20,5% des Québécoises mariées nées vers 1897 (vingt ans en 1917) ont donné naissance à plus de dix enfants, produisant de la sorte plus de la moitié des enfants nés des femmes de cette génération, on peut comprendre qu’il y aura des centaines d’enfants qui pourront se vanter de venir d’une grosse famille. Mais ces grosses familles ne seront le lot que d’une Québécoise sur cinq !
Natalité au Québec
Les femmes prolifiques sont donc une race qui s’éteint et, chez les femmes nées entre 1916 et 1921, seulement 7,6 % de celles qui se marieront auront plus de dix enfants, ce qui représente 24,3% du total des enfants. Cette tendance s’accentuera chez la génération suivante (femmes nées entre 1922 et 1926), alors que seulement 3,5% des femmes mariées auront plus de dix enfants et 19,2% plus de six. Ce sont donc ces groupes de femmes, vivant pour la plupart à la campagne, qui sont responsables de la reproduction du plus grand nombre d’enfants, ont pas du tout. Pour limiter les familles, on utilise le coït interrompu. L’usage des condoms et des pessaires « diaphragmes » se repend.
Lorsqu’une naissance vas se produire, on raconte aux autres enfants de la famille qu’un bohémien « le sauvage » viendra porter un bébé à leur mère et essaiera de le lui donner. Devant son refus, il lui cassera une jambe et lui laissera de force le b/b/, ce qui explique qu’elle soit couchée. Selon le sociologue Horace Miner, qui rapporte cette légende, le refus de la mère de prendre le bébé laisse entendre que les femmes appréhendaient les longues suites de grossesses. Il ajoute que c’est avant tout le mari qui désirait une grosse famille.
Travail des femmes et contrôle des naissances
Dans les années 1930, on relie souvent travail féminin, américanisation et contrôle des naissances. En 1935, un médecin, Joseph Gauvfreau, écrit : « C’est auprès des ouvrières que fut poursuivie avec le plus d’activité la propagande de l’union libre et inféconde. Sournoisement, mais systématiquement, commencèrent les campagnes de stérilité et la stérilisation par les rayons artificiels. Et, chose inouïe, jusque-là, l’on vit, chez nous, s’abaisser considérablement les taux des naissances. »
Dans Trente arpents, Ringuet décrit la visite de cousins américains qui n’ont que deux enfants. Le cultivateur demande à son cousin si sa femme est malade. Lorsque celui-ci réponde que non, qu’il ne voulait tout simplement pas une grosse famille, le cultivateur répond : « Mais, on ne mène pas ça comme on veut. » L’Américain rétorque « Damn it! Ma femme pi moé on a décidé de mettre les brékes… » Le cultivateur en conclut qu’il s’agit sans doute là « de quelqu’une de ces pratiques monstrueuses dont M. le curé avait parlé un jour à la retraite des hommes et qui ont pour but d’empêcher de s’accomplir les desseins de la Providence. » La femme ne pourra à la fois se donner à la recherche du plaisir et aux charges de la maternité.
(Tiré de L’histoire des femmes au Québec depuis quatre siècles).
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