France anglaise et le règne de Charles VI

La France anglaise et le fou règne de Charles VI : L’État Bourguignon

Charles VI : Alors que Louis d’Orléans se préoccupe surtout de bien vivre aux frais du Trésor, et d’acheter une clientèle en France et à l’étranger, Philippe le Hardi cherche à s’étendre vers le nord et mène une politique de conciliation avec l’Angleterre; il a reçu de Jean le Bon, en 1363, le fief de Bourgogne, mais son duché comprend aussi la Franche-Comté et l’Artois, pis la Flandre dont il hérite en 1384. Malgré l’hostilité des Flamands, Philippe le Hardi s’impose par la force ; une paix est signée à Tournai en 1385, qui reconnaît aux Flamands la liberté du commerce, en échange de l’intégration des Flandres au nouvel État bourguignon. Dorénavant la Bourgogne et l’Angleterre se retrouvent économiquement liées.

La guerre reprend autour de Paris entre Armagnac et Bourguignons; en 1417 la flotte française est détruite devant la Hougue, et une nouvelle armée anglaise prend Caen, Argentan, Alençon, puis Falaise, Evreux, Louviers en 1418. À Paris, l’agitation recommence et les Bourguignons reprennent le contrôle de la ville, les bouchers se livrant à de nouveaux massacres.

Jean sans Peur rentre à Paris, mais laisse Cherbourg puis Rouen aux mains des Anglais. Pourtant, une tentative de réconciliation a lieu le 10 septembre 1419 à Montereau entre le Duc de Bourgogne et le dauphin Charles (le futur Charles VII), le pauvre Charles VI étant totalement incapable de décision. Elle se transforme en rupture : Jean Sans Peur est assassiné par les Armagnacs qui vengent (au bien mauvais moment) la mort de Louis d’Orléans.

Dès lors, les choses se précipitent : les Bourguignons du nouveau duc Philippe (le Bon) s’allient aux Anglais, et le 20 mai 1420 est conclu avec le roi d’Angleterre le traité de Troyes, qui prévoit le mariage entre Catherine (fille de Charles VI et d’Isabeau de Bavière) et Henri V, et fait de celui-ci le régent de France jusqu’à la mort de Charles VI. Le trône doit alors revenir à Henri V ou à ses héritiers. Ainsi le Dauphin Charles est exclu de la succession. Mais Henri V ne pas ceindre la couronne : il meurt le 31 août 1422, trois mois avant Charles VI et la légitimité de son fils, Henri VI, né en 1421, et qui ne sera pas sacré à Reims, selon la tradition, sera aussitôt contestée.

Jean sans Peur et Louis d’Orléans

Après la mort de Philippe le Hardi (1404), Jean sans Peur, le nouveau duc de Bourgogne, auréolé de sa participation héroïque à la « croisade » de Nicopolis, n’est pas décidé à céder devant les tentatives de Louis d’Orléans pour l’évincer du conseil du roi. Cette lutte pour le pouvoir a aussi pour enjeu le contrôle des revenus fiscaux, que les différents princes utilisent sans vergogne pour leur propre compte. Jean sans Peur peut ainsi facilement apparaître comme le défenseur de la réforme fiscale, et devenir populaire aux yeux de ceux qui sont las de la légèreté de Louis d’Orléans.

L’irrémédiable se produit le 23 novembre 1407, quand le duc d’Orléans est assassiné par les hommes de Jean sans Peur, au sortir de l’hôtel Barbette résidence d’Isabeau de Bavière.

Attendez qu'on vous en demande plus d'une fois, et vous ressouvenez de porter toujours beaucoup d'eau. (Molière L’Avare). Paris vu des cieux par Megan Jorgensen.
Attendez qu’on vous en demande plus d’une fois, et vous ressouvenez de porter toujours beaucoup d’eau. (Molière L’Avare). Paris vu des cieux par Megan Jorgensen.

Le fou règne de Charles VI

Un roi fou et un royaume divisé (1380 – 1422)

Après le retour de la paix sociale, la folie du roi fait sombrer le royaume dans la guerre civile qui favorise la reprise de la guerre et l’occupation anglaise.

Dès la mort de Charles V (1380), l’agitation sociale va prendre le relais avec une révolte fiscale générale en France, l’insurrection des Flandres écrasée par l’armée française, à Roosebeke (1382), et la même année le soulèvement parisien des Maillotins, puis l’extension des troubles en Languedoc et à Rouen.

Le gouvernement du jeune Charles VI ne va pas donner dans le sentimentalisme : il réprime durement tous ces mouvements. D’autre part, s’il prescrit la restitution aux Juifs des biens dérobés lors des agitations anti-fiscales de 1380, il publie en 1381 une ordonnance leur retirant le droit de propriété et limitant le taux d’intérêt (la persistance de l’antisémitisme amène l’expulsion des Juifs du royaume en 1394).

Un court répit

Pourtant, la paix sociale revenant, une ère plus prospère aurait pu voir le jour, d’autant plus qu’en 1388 Charles VI, jusque-là sous la tutelle de ses oncles (le duc de Berry et le duc de Bourgogne Philippe le Hardi, frères de Charles V), prend réellement le pouvoir (il a alors vingt ans). Il rappelle aussitôt les anciens et les sages conseillers de son père, qui ont contribué au redressement de la France (Jean Le Mercie, Bureau de la Rivière, Jean de Montagu) et que les ducs évincés surnomment les Marmousets.

 La folie du roi

Mais un événement imprévisible va rallumer les rivalités et provoquer une crise politique qui à nouveau incendie la France : En 1392, Charles VI connaît la première poussée d’une folie qui le rend de plus en plus incapable de gouverner. La vacance du pouvoir permet aux princes de se l’approprier, mais les rivalités d’ambitions personnelles qui opposent les oncles et le frère du roi (Louis d’Orléans) vont faire connaître au pays de nouvelles épreuves.

Face aux fêtes permanentes de la cour du roi, aux frivolités de Louis d’Orléans, et de la femme de Charles VI, Isabeau de Bavière, le poids du duc de Bourgogne s’en trouve augmenté. Il favorise le mariage de la jeune fille de Charles VI et d’Isabeau, Isabelle, avec le roi d’Angleterre, Richard II; on le célèbre dans le faste en 1396. La paix les fêtes et l’essor commercial prennent encore le pas sur la guerre.

Armagnacs et Bourguignons

Mais après l’assassinat de Louis d’Orléans par Jean sans Peur, fils de Philippe le Hardi, et plusieurs années d’incidents divers, la guerre éclate en 1411 entre les deux clans (Bourguignons et Armagnacs, du nom de Bernard d’Armagnac, allié du nouveau duc Charles d’Orléans et du vieux duc de Berry).

Chacun cherche une alliance avec l’Angleterre : cela ne conduit qu’au débarquement d’une armée anglaise dans le Cotentin, qui se contente de ravager la région, alors qu’Armagnac et Bourguignons, incapables de remporter une victoire décisive, signent la paix d’Auxerre le 22 août 1412. Mais, l’année suivante, le conflit rebondit : la révolte des bouchers parisiens, Bourguignons extrémistes menée par Simon Caboche, se produit à Paris. Trouvant le travail des États Généraux réunis en janvier trop lent et pas assez radical, ils suscitent un climat insurrectionnel qui conduit à des exécutions sommaires. Débordé, Jeans sans Peur quitte Paris, qui est prise par les Armagnacs; ils font à leur tour régner la terreur dans la capitale. On finit par signer une nouvelle paix en février 1415, alors que l’année précédente Jean sans Peur a conclu un accord de neutralité avec le roi d’Angleterre, pour le cas où il chercherait à reconquérir ses territoires français.

La révolte des Maillotins

L’annonce d’un nouvel impôt sur la vente des marchandises provoque en 1382 une révolte parisienne : la foule s’empare de maillets de plomb et pourchasse les collecteurs d’impôts avant de s’attaquer au Châtelet.

Azincourt

En Angleterre les choses ont en effet évolué : Richard II a été renversé en 1399 par son cousin Henri IV de Lancastre, dans un contexte de révoltes sociales et d’un conflit entre princes qui ressemble fort à celui que connaît la France. Si le règne d’Henri IV reste dominé par les problèmes internes, Henri V, qui lui succède en 1413, sera tenté par l’aventure extérieure. Contestant la légitimité des Valois et revendiquant la couronne de France, il stigmatise la rupture du traité de Brétigny par Charles V (qui a conquis des terres reconnues anglaises), et débarque en août 1415 en Normandie. Après avoir pris Harfleur, il tente de rejoindre Calais, mais est rattrapé par l’armée française à Azincourt. Cette armée ne comprend pas de Bourguignons : Bernard d’Armagnac ayant refusé à Jean sans Peur le droit de se joindre en personne à l’armée royale, Jean sans Peut interdit alors à tout Bourguignon d’en faire partie. Cette fois, ce sont les Anglais qui chargent, alors que les Français ont passé la nuit à cheval, sous la pluie, et se retrouvent le matin fourbus, embourbés et incapables de réagir. Le massacre est effroyable, les Anglais ne faisant pas de prisonniers (sauf le duc Charles d’Orléans, qui aura le temps d’écrire des poèmes en prison, et le duc de Bourbon.

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