Fortifications de Montréal (par Camille Bertrand)

Les Fortifications de Montréal

Par Camille Bertrand, Histoire de Montréal, 1935.

Quand on voit le nombre de forts construits à grands frais sur le territoire des pays d’en Haut, l’on constate avec surprise que Montréal, le principal établissement français en Amérique, n’était encore protégé, en 1716, que par une méchante palissade en bois.

Dès son entrée en fonction, en 1684, le gouverneur de Callières avait entrepris d’entourer la ville d’un simulacre de muraille, faite de pieux. Les habitants avaient fourni les matériaux et le gouvernement du roi s’était chargé des frais de construction. Une construction aussi précaire pouvait protéger la ville contre les incursions des sauvages, mais offrait peu de résistance aux attaques d’une force armée disciplinée. Sa nature inflammable obligeait à une surveillance de tous les instants, pour empêcher qu’on y mît le feu par négligence, calcul ou malice. D’un entretien constant et coûteux, elle croulait avec le temps.

On a prétendu que les habitants de Montréal s’étaient toujours montrés apathiques à des travaux d’enceinte plus solides. (( Dès qu’un danger apparaissait, dit un auteur, l’on discutait sur l’opportunité d’une enceinte, mais sitôt le péril éloigné, on l’oubliait.)) (Leblond de Brumath, « Histoire populaire de Montréal », p. 124. —2e édition, p. 161.)

Le grand public, le peuple prend-il généralement l’initiative d’aussi importants travaux ? Ces sortes d’entreprises relèvent plutôt des gouvernants, et Montréal n’avait plus que des fonctionnaires.

Officiers civils et chefs militaires n’exerçaient pratiquement aucune de leurs fonctions avec l’autorité que donne l’autonomie. Ils ne jouissaient plus d’aucune liberté d’action dans leurs sphères respectives. Le gouvernement central, en s’attribuant de fait la plupart des fonctions administratives, avait fini par briser toutes les initiatives locales.

Ce n’est qu’en 1716, après maints rapports et conseils pressants des ingénieurs Gédéon de Catalogne et Levasseur de Néré que le régent, le duc d’Orléans, approuva enfin la construction d’un mur de pierre avec revêtements, bastions et fossés. L’entreprise, évaluée à 200 000 livres, mais elle coûta plus de 445 000 livres.

Il devait être à la charge du gouvernement royal et des habitants de Montréal. Le public fut taxé à 6 000 francs annuellement, dont un tiers devait être versé par le Séminaire de Saint-Sulpice, un tiers par les institutions de mainmorte et un tiers par les habitants.

Les Seigneurs ne se soumirent pas volontiers à cette contribution forcée. Dans une série de mémoires, adressés au gouverneur général et à la cour, les Messieurs de Montréal firent valoir avec force développements les motifs qu’ils croyaient avoir d’être exemptés de la taxe imposée. Les travaux furent commencés quand même dès 1717 sous la direction et surveillance de l’ingénieur royal Chaussegros de Léry.

Fortifications de Montréal.
Fortifications de Montréal. Photo de Megan Jorgensen.

La nouvelle muraille suivait à peu près les mêmes tracés que l’ancienne palissade. A l’ouest, elle longeait la ruelle des Fortifications, à l’est, la rue des Commissaires. Elle s’étendait du faubourg des Récollets jusqu’à la Place Viger. Entièrement construite de pierre brute, elle avait une hauteur moyenne de dix-sept pieds, de quatre pieds d’épaisseur à la base et de trois pieds au sommet. Treize bastions et cinq portes en brisaient seuls la ligne continue. A l’extrémité nord-ouest il y avait un petit fort et des casernes.
Montréal devenait une ville fortifiée.

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