Les cloches de l’armistice
Le 8 mai 1945, dans une école de Reims, l’armistice a été signé et l’Allemagne hitlérienne a dû capituler.
La nouvelle est diffusée sur les ondes et toutes les postes de radio répètent le même message quatre ou cinq fois par heure : la guerre est finie. D’un bout à l’autre du Canada, c’est l’allégresse. C’est vraiment fini, puisque peu de Canadiens se préoccupent de la guerre qui se continue dans le Pacifique, parce ça, s’est surtout l’affaire des Yankees.
C’est de San Francisco, au micro de la BBC que Mackenzie King annonce la Victoire.
La fin d’une guerre qui a duré plus de cinq ans et demi, ne peut se célébrer que dans le délire. L’heure est à la fête et au défoulement. Plusieurs patrons ont donné congé à leurs employés et des autres travailleurs ont quitté leur poste sans la permission des supérieurs.
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Le gouvernement annonce le congé public pour le lendemain et le jour de prière dimanche prochain.
Au Québec, c’est vers 18 heures que commencent les premières manifestations de l’euphorie populaire. À Québec, Montréal, Victoriaville, Sherbrooke, dans toutes les villes et villages, des gens trouvent les endroits où se rassembler pour crier leur allégresse, chanter et danser. On s’attroupe, on marche dans les rues, on donne l’accolade à un parfait inconnu…
Dans la Vieille Capitale, c’est la basse-ville qui accueille le plus de monde : le tutoiement y est de rigueur, les bourrades amicales y sont tolérées…
Ce qu’il a de frappant dans cette liesse générale, c’est sa véritable spontanéité. Rappelons qu’à cette époque, l’alcool était rationné et un citoyen adulte recevait une bouteille par mois. Donc cette célébration de la Victoire ne doit son éclat qu’à un enthousiasme naturel – c’est la joie à l’état pur. Que tout s’arrête, la fête commence ! L’ambiance est celle d’un immense carnaval. Bref, la fin de la guerre annonce des lendemains meilleurs.
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Aucun vandalisme, aucune brutalité. Chez tous ceux qui vécurent l’armistice en parcourant eux-mêmes les rues de leur localité au soir du 8 mai 1945, subsiste un même souvenir : le Canadien d’alors, peu importe francophone ou anglophone, n’était pas un violent.
On ne peut prétendre que la célébration de la fin de la guerre n’a pas été marquée par certains incidents, mais les jeunes adultes d’alors en témoignent : l’atmosphère était à la fête, non à la violence.
Au-delà des mers, chez les combattants canadiens, les troupes ne réagissaient pas avec le même enthousiasme. Le sentiment général s’apparente plus au soulagement des gens fatigués, voir épuisés qu’au délire joyaux. D’ailleurs plus que quelques unités canadiennes durement éprouvées, continuent à se battre et à perdre des hommes pendant la journée du 8 mai, tel est le cas du Queen’s Own Riffles of Canada, par exemple.
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Ensuite, la démobilisation se fait sur le principe du « premier enrôlé, premier démobilisé ». On remet un questionnaire aux soldats pour qu’ils indiquent leur préférence : Armée d’occupation en Europe, Forces du Pacifique ou démobilisation? Environ dix mille des 55 mille optent pour les forces d’occupation et près de 5000 choisissent le Pacifique.
Le 22e Régiment Royal embarque à bord du New Amsterdam, d’autres arrivent à New York à bord du luxueux Queen Mary… une croisière bien méritée après ces années de cauchemar… Un grand nombre de navires rapatrient graduellement les troupes au Canada, mais finalement, plusieurs unités seront maintenues jusqu’en avril 1946, puis retirées par palier.
À Montréal, à la gare Windsor, chaque train de rapatriés qui arrive constitue un événement.
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Les derniers contingents canadiens embarqueront en décembre 1946, malgré les instances du gouvernement britannique qui voulait les garder en Europe jusqu’au printemps 1947. Ainsi, c’est seulement un an et demi après la signature de l’armistice que le Québec tournera définitivement cette page triste et glorieuse de son histoire.
Merci à vous, les gars… qui nous apportez la Victoire. Vous venez d’écrire l’une des pages les plus glorieuses de notre histoire. Nous nous en souviendrons !
(D’après Le Mémorial du Québec, tome VI, 1939-1952, les Éditions du Mémorial Inc. 666 ouest, rue Sherbrooke (1608), Montréal H3A 1E7, 1979.)