Ferdinand Magellan

Ferdinand Magellan et son rôle dans l’histoire de l’humanité

Balboa avait amoindri les espoirs des Espagnols d’atteindre les richesses de l’Orient ; Ferdinand Magellan, un gentilhomme portugais, leur rendit toute leur force. Il avait brillamment servi les intérêts de son pays aux Indes mais, par suite d’une dispute avec un de ses supérieurs, il était tombé en disgrâce. Sans emploi et comme rien ne lui laissait présager un changement d’attitude du roi du Portugal à son égard, il décida d’offrir ses services à l’Espagne.

Le roi donna immédiatement son accord, mais son soutien s’avéra plus que tiède lorsqu’on en vint aux préparatifs de l’expédition. Pour entreprendre son long voyage, Magellan ne se vit offrir que cinq vieux navires, armés par des matelots déguenillés. L’Espagne avait de bonnes raisons de limiter les risques financiers; même en admettant que Magellan réussisse à atteindre les célèbres îles aux Épices, celles-ci se trouveraient-elles dans la zone définie par le traité de Tordesillas, sur laquelle les Espagnols pouvaient faire valoir leurs droits?

Appareillant d’Espagne à la fin de septembre 1519, Magellan, non sans ménager ses vieux vaisseaux, atteignit la côte nord-est du Brésil, puis mit cap au sud à la recherche d’un passage. Successivement, il s’engagea dans la baie de Janeiro et dans le Rio de la Plata et, malgré ces déconvenues, il poussa ses équipages à poursuivre ; l’hiver l’obligea à se réfugier pendant cinq mois au fond d’une baie de la Patagonie. Au cours de cette longue et épuisante attente, un de ses navires fit naufrage, un autre l’abandonna et une mutinerie faillit l’obliger à renoncer à la suite de son voyage.

Avant de remettre à la voile, Magellan attira à son bord deux Patagons. Ils étaient plus grands et plus forts que les marins espagnols et c’est en ces termes qu’Antonio Pigafette, le chroniqueur de l’expédition, décrit leur capture : La façon par laquelle il les retint fut qu’il leur donna beaucoup de couteaux, des ciseaux, miroirs, sonnettes et de la verrerie, et ils tenaient toutes ces choses en leurs mains. Alors le capitaine fit apporter des fers qu’on met aux pieds des malfaiteurs. Et ces géants prirent plaisir à voir ces fers. Mais ils ne savaient où il les fallait mettre, et cela leur faisait mal de ne pouvoir les prendre avec leurs mains, empêchés par les autres choses qu’ils tenaient… ils commencèrent à hurler et à écumer comme des taureaux en criant fort haut « Setebos », c’est-à-dire le grand diable, pour qu’il les aidât.

À la fin du mois d’août 1520, Magellan reprit la mer. Ce ne fut que par 52 degrés 30 minutes de latitude sud qu’il découvrit le détroit qui portera son nom. Le détroit était semé d’écueils, balayé par le mauvais temps, mais, à grand renfort de flatteries et de coups de gueule, Magellan réussit à entraîner ses équipages épuisés entre les falaises de ce passage qui zigzague sur 320 milles. Cette traversée. Effectuée en trente-huit jours, constituait une prouesse maritime. La sortie de Magellan du détroit à hauteur du cap Pilar confirma la théorie qu’il avançait. Il existait un passage sud-ouest et le continent américain possédait une extrémité sud, contrairement à l’opinion de nombreux géographes qui le croyaient relié aux terres encore inexplorées de l’Antarctique, ou Terra Australis Incognita.

Cap au nord, Magellan remonta la côte du continent américain sur 1 000 milles et, chemin faisant, il glana de nombreuses informations, précieuses aux cartographes, pour déterminer la largeur, la forme et partie de la superficie de l’Amérique du Sud. Profitant des alizés, il piqua vers l’ouest avec ses navires qui faisaient eau. Déjà terriblement à court de vivres, et sans la moindre idée de la longueur de la traversée qui lui permettait d’atteindre son objectif, Magellan interdit à ses hommes, sous peine de mort, de discuter des aléas du voyage. La route choisie le faisait passer pratiquement au large de toutes les îles; avec un peu plus de chance et en obliquant légèrement vers le sud, il aurait abouti aux îles idylliques de Tahiti, des Fidji, des Samoa. Ses hommes eurent donc à affronter trois terribles mois de famine et de maladies. Les îles du seul archipel que Magellan rencontra étaient si désolées que, contrairement à son optimisme de règle, il leur donna le nom de Desaventuradas (Îles du Désappointement). Il ne put se réapprovisionner qu’en atteignant Guam, le 6 mars 1521. Enfin, la chance semblait lui sourire à point nommé. Le 16 mars, Magellan mouillait aux Philippines et la vue des bijoux en or que portaient les indigènes l’emplit d’intérêt. Cathay et les richesses qu’il cherchait étaient sûrement à sa portée. Explorant les îles pour évaluer leurs ressources, il arriva le 7 avril à Cébu. Il y signa avec un chef indigène un traité d’amitié qui eut des conséquences malheureuses ; pour satisfaire aux dispositions du traité, Magellan participa à une expédition guerrière contre un autre chef indigène dans l’île de Mactan et périt dans l’aventure. Le destin lui refusait la gloire d’achever la première circumnavigation et le droit de savoir avec certitude qu’il avait ouvert la route des Indes orientales par l’ouest, autrement dit de remplir la mission dans laquelle Christoph Colomb avait échoué.

Pour les survivants, le reste du périple ne fut qu’une lugubre succession d’infortunes. Les effectifs étaient si réduits qu’un bâtiment fut brûlé et son équipage réparti entre la Victoria et la Trinidad. La Trinidad était en si piteux état que son commandant, redoutant le passage du cap de Bonne-Espérance, rebroussa chemin et tenta de gagner Panama; les vents contraires l’obligèrent à faire demi-tour. À son arrivée aux Molluques (Indonésie), il fut emprisonné, ainsi que les hommes de son équipage, par les Portugais installés dans ces îles depuis 1512.

Entre-temps, le dernier vaisseau de la flotte de Magellan, la Victoria, sous le commandement de Sébastien del Cano et avec à son bord un important chargement de clous de girofle et d’épices, embarqué aux Indes orientales, avait doublé le cap de Bonne-Espérance et, vaille que vaille, était arrivé à Séville le 8 septembre 1522 ; ce navire achevait ainsi un remarquable voyage qui avait duré trois ans.

Trois ans plus tard. Trois hommes de la Trinidad, rescapés des geôles portugaises, parvinrent à regagner l’Espagne, portant ainsi à 35 le nombre des survivants de l’expédition de Magellan, qui comptait 280 au départ.

Détail ironique, la vente de la cargaison d’épices de la Victoria couvrit tous les frais du voyage des navires de Magellan et cette preuve de la rentabilité de la route de l’ouest incita les Espagnols à monter deux nouvelles expéditions pour exploiter la découverte du passage au sud du continent américain. Garcia de Loaysa périt au cours d’une expédition en 1525 et seuls quelques-uns de ses matelots en piteux était atteignirent les Moluques. L’année suivante, Sébastien Cabot renonça à franchir le détroit de Magellan. Il était clair que les difficultés du voyage dépassaient les avantages commerciaux.

Le rude tableau que Pigafette brosse du voyage de Magellan est rempli d’effroyables récits décrivant la détérioration des vivres, des ravages du scorbut, de la famine, sans compter les histoires de voiles emportées par le vent. Magellan s’était trouvé dans des circonstances mettant à si rude épreuve ses qualités de chef et son sens marin que la réussite de son voyage constitue un miracle. À partir de 1527, les tentatives espagnoles pour traverser le Pacifique prirent comme point de départ la côte mexicaine.

Lire aussi :

Magellan
À la mémoire de Magellan. Photo de Megan Jorgensen.

Laisser un commentaire