Explorations et découvertes après Magellan
Magellan avait dressé la carte du littoral occidental de l’Amérique du Sud jusqu’à la latitude du Pérou. Dans les vingt années qui suivirent, les Espagnols achevèrent le tracé de cette côte en explorant le littoral entre le Pérou et la Colombie. En 1526, Bartolomé Ruiz franchit la ligne au cours de son exploration des côtes de la Colombie et de l’Équateur. Sébastien de Belalcazar, en 1539, et Pierre de Valdivia, en 1540, rassemblèrent des informations détaillées sur la côte du Pérou et sur une partie du littoral chilien. La quête persistante des conquistadores, lancés à la recherche de trésors fabuleux, fut à l’origine de cette moisson de renseignements.
L’établissement de la carte du continent nord-américain prit bien plus longtemps. Antérieurement à la découverte de l’Amérique par Christophe Colomb, les marins anglais s’étaient lancés pendant quelques années à la recherche d’une des nombreuses îles mythiques de l’océan, afin d’en faire une base pour les navires de leurs expéditions de pêche. On lit dans une chronique contemporaine anglaise que « le 15 juillet 1480, un navire de 80 tonneaux, appartenant à John Jay le jeune appareilla de Bristol, sous le commandement de Lloyd, le plus savant marin d’Angleterre. On apprit à Bristol, le 18 septembre, que le bâtiment avait navigué pendant neuf semaines sans rencontrer d’île et que le mauvais temps l’avait poussé sur les côtes d’Irlande… »
Ce voyage et d’autres similaires ne permirent pas de localiser les îles recherchées mais contribuent à développer les conjectures et hypothèses, avancées entre 1490 et 1500 par les armateurs et les commandants, sur ce qu’ils seraient amenés un jour à découvrir de l’autre côté de l’Atlantique. Vers 1495, Jean Cabot arriva en Angleterre. Il apportait d’Espagne des informations relatives aux voyages de Colomb et il projetait de suivre la route ainsi ouverte. Ce navigateur, sans doute né à Gênes, rencontra l’adhésion enthousiaste des marchands de Bristol. Nanti d’une patente du roi Henri VII, Cabot appareilla en mai 1497 à bord du trois-mâts Mathew. Il redécouvrira l’Amérique du Nord, pour le compte de la Renaissance. Son journal de bord, ses cartes ne nous sont pas parvenues et l’on ne sait au juste quelle partie des côtes américaines il reconnut au cours de ce voyage. En Angleterre, on annonça qu’il avait découvert « deux grandes îles et, qu’ayant mis cap au nord, il était ensuite arrivé à la terre ferme, sur laquelle il avait planté le pavillon royal. »
Selon une autre relation, la « mer était couverte de poisson ». Il semble que les expressions « îles », « poissons », « route au nord » prouvent que Cabot ait fait un atterrissage sur Terre-Neuve, ou dans les parages de la Nouvelle-Écosse.
Aussi optimiste que Colomb, Cabot fit courir le bruit qu’il avait atteint les abords de Cathay, aux soies si prisées. Sans doute réussit-il à convaincre ses commanditaires, car il remit à la mer en 1498, dans le but probable d’approcher davantage des côtes de la Chine proprement dite. On ne sait rien de ce voyage et, faute d’avoir trouvé la Chine, Cabot tomba dans l’oubli. Bien qu’il eût réellement découvert l’Amérique du Nord, plus tard on ne se souvient de lui pendant de longues années qu’en tant que père d’un autre explorateur, Sébastien Cabot.
Dieu et Mammon
Un grand nombre de premiers explorateurs étaient guidés dans leurs entreprises par l’esprit de croisade et le désir de plaire à Dieu, en convertissant des païens. Ce saint zèle engendre la croyance en une mission d’inspiration divine.
Dans une missive à l’intention du régent de Calicut (Indes), le roi Manuel 1er de Portugal explique que les hommes ont toujours souhaité se rendre aux Indes mais « tant que Dieu ne l’a pas voulu, leurs entreprises sont demeurées vaines ». Le roi continue : « À présent, Il le veut, aussi résister à sa volonté manifeste constitue un tort et lui fait injure ».
Les gouvernements européens et beaucoup d’individus pensaient sincèrement que la conversion des infidèles incombait aux Européens.
Cet esprit, tout sincère qu’il fût, avait également un côté utilitaire pour les marchands. En effet, converti, l’indigène devenait docile et coopératif. Pourtant, parfaitement conscient du fait que l’on évaluerait la réussite de son voyage en fonction des richesses en épices et en or qu’il apporterait, Christophe Colomb n’en était pas moins sincère lorsqu’il écrivit : « … ce que je considère comme étant le souhait le plus fervent de mon Roi Sérénissime, à savoir la conversion de ces indigènes au très saint nom du Christ »
Bref, dès premières expéditions de la Renaissance, Dieu et Mammon travaillèrent de conserve. Les gouvernements européens soulignèrent toujours le double but de la mission à remplir (quoique faute d’ordres missionnaires, la conversion intéressait moins les nations protestantes – mais Richard Hackluyt, principal avocat de l’influence anglaise et de l’accroissement, associait quand même « la possibilité d’agrandir les dominions de sa Très Excellente Majesté la Reine, d’accroître ainsi sa grandeur, ses revenus, sa puissance » et « la gloire acquise à Dieu en propageant la religion parmi ces infidèles).
En tout cas, force est d’admettre que l’exploration du globe terrestre ne représentait pas pour les gouvernements de la Renaissance un moyen d’accroître les connaissances sur l’Univers ; ainsi, se désintéressèrent-ils du processus dès que leurs explorateurs et voyageurs eurent découvert suffisamment de mines d’argent et d’or et des terraines à épices. Le mouvement s’est arrêté dès que les Européens installés sur place furent assez nombreux pour assurer la garde des routes maritimes, celle des terres occupées et l’exploitation de ces richesses. Déjà en 1602, on répondit à Pedro Fernandez de Queiros qui sollicitait de la cour d’Espagne un appui financier pour son voyage dans le Pacifique : « les terres déjà découvertes pour le compte de sa Majesté sont suffisamment vastes … il importe de les coloniser plutôt que d’en découvrir de nouvelles ».
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