L’esprit encyclopédiste

L’esprit encyclopédiste en Europe au XVIII siècle

L’esprit encyclopédiste : Parallèlement à Voltaire et Rousseau, les encyclopédistes jouent un rôle important dans le développement de la pensée rationaliste et critique.

Un nouvel état d’esprit

Après la disparition de Louis XIV, un relâchement de l’autorité se produit et les difficultés militaires à l’extérieur du pays viennent altérer l’image de la monarchie : ainsi se crée l’espace politique qui permet l’expression d’auteurs critiques vis-à-vis de l’Ancien Régime, mais qui ne sont pas nécessairement révolutionnaires pour autant.

Bernard Le Bovier de Fontenelle (1657-1757). C’est l’un des précurseurs. Il se destine d’abord au barreau, avant d’écrire des comédies et des tragédies. Il polémique contre La Bruyère et les Anciennes dans sa « Digression sur les Anciens et les Modernes » (1688), mais s’illustre surtout par son ouverture d’esprit, son intérêt pour les progrès de la science et de l’observation du monde qui lui valent de devenir secrétaire perpétuel de l’Académie des Sciences (1699-1740). Ses ouvrages principaux son les « Entretiens sur la pluralité des mondes » (1686), l’«Histoire des Oracles » (1687) et sa « Préface » à l’Histoire de l’Académie.

Denis Diderot (1713-1784). C’est le maître d’œuvres de l’«Encyclopédie ». Né dans une famille de couteliers assez aisée, il étudie chez les Jésuites, puis à Paris c’est là que sa curiosité intellectuelle l’amène à s’intéresser à la philosophie et aux diverses disciplines scientifiques.

En 1746, il publie les « Pensées philosophiques » qui le font connaître tout en le rendant suspect. Il entre alors dans une période d’intense activité littéraire, menant de front la préparation de l’«Encylolopédie» et la publication de nombreux ouvrages empruntant à tous les genres : « Les Bijoux indiscrets » (1747), la « Lettre sur les aveugles » (1749), pour laquelle il séjourne plusieurs mois en prison, les « Pensées sur l’interprétation de la nature » (1754), « Le fils naturel » (1757), « Le père de famille » (1758).

Les 28 volumes de l’Encyclopédie paraissent, non sans mal, de 1751 à 1772. Commandé à Diderot en 1745, par le libraire Le Breton, ce « Dictionnaire raisonné des sciences, des arts et des métiers » bénéficie néanmoins d’une souscription de cinq mille adhérents, de l’appui de Madame de Pompadour, de Malesherbes, du marquis de L’Argensen, et de la collaboration de d’Alembert, de Montesquieu, de Voltaire, de Condillac, de Turgot, de Quesnay, de Daubenton… De cette œuvre énorme et nouvelle se dégagent la croyance dans le progrès des sciences et de l’esprit humain et le rejet du dogmatisme et des interdits. Elle provoque bien sûr des attaques violentes, surtout de la part des milieux religieux conservateurs.

Après cette publication, Diderot répond à l’invitation de Catherine II de Russie (1773), puis, rentre en France et écrit encore « La Religieuse » (1775), « Jacques le Fataliste », « Le Neveu de Rameau », et « Le Rêve de d’Alembert ».

Diderot est à la fois l’illustration d’un esprit nouveau, avide de connaissance, critique et impertinent, un promoteur de la diffusion du savoir, mais aussi un romancier et un auteur dramatique de qualité; de plus, ses essais philosophiques en font, par certains côtés, un précurseur des idées révolutionnaires.

Charles de Secondat, baron de la Brède et de Montesquieu (1689-1755). Il étudie le droit à Bordeaux, où il devient avocat en 1708, puis conseiller au Parlement en 1714. Admis à l’Académie de Bordeaux en 1716, il écrit au cours des deux années suivantes une série d’opuscules relevant de la politique, de l’économie et des sciences.

Puis il publie en 1721 les « Lettres Persanes » qui remportent un grand succès, lui permettant de s’introduire dans les milieux littéraires, et de consacrer entièrement à l’écriture et aux voyages : il est élu en 1721 à l’Académie Française, il séjourne en Autriche, en Italie, en Allemagne, en Hollande et en Angleterre (1728-1731), où il étudie le fonctionnement de ces sociétés. Il en résulte plusieurs ouvrages importants, sa « Considération sur les causes de la grandeur des Romains et de leur décadence » (1734) et surtout « De l’Esprit des lois », publié anonymement à Genève en 1748. Ce livre connaît une grande audience, mais aussi de vives attaques, à tel point qu’il est condamné par la Sorbonne et par le pape.

Il continue d’écrire jusqu’à sa mort, rédigeant en particulier l’article « Le goût » de l’« Encyclopédie » et laisse de nombreuses œuvres qui ne seront publiées que longtemps après.

Montesquieu est considéré comme l’un des principaux inspirateurs des futures Constitutions françaises, séparant les pouvoirs législatif, exécutif et judiciaire, mais aussi comme l’un des fondateurs de la sociologie politique et même des sciences sociales en général.

Étienne Bonnot de Condillac (1715-1780). Il reste en marge du mouvement encyclopédiste. Mais il fait la connaissance de Rousseau et Diderot et écrit pour ce dernier avant d’entrer à l’Académie Française et 1768, et de se retirer ensuite à la campagne. Dans son « Essai sur l’origine des connaissances humaines » (1746), son « Traité des systèmes » (1749) et son « Traité des sensations » (1754), il évolue vers la philosophie sensualiste pour laquelle toute connaissance repose sur les sens, qui ne peuvent cependant expliquer la réalité des choses. Il s’intéresse également à l’Économie politique, et imagine une théorie subjective de la valeur dans « Le Commerce et le gouvernement considérés relativement l’un à l’autre » (1776).

Jean Antoine de Caritat, marquis de Condorcet (1743-1794). C’est une des personnalités les plus représentatives de siècle, car le seul des Encyclopédistes à vivre la fin de l’Ancien Régime. À la fois grand scientifique, acteur de la révolution et annonciateur des idées démocratiques, il a été le protégé et l’ami de d’Alembert, Voltaire et Turgot. Brillant mathématicien, il publie un « Essai sur le calcul intégrale» (1765) et entre à l’Académie des Sciences en 1769.

Proche de Turgot et partisan d’un impôt progressif, il écrit des articles économiques pour l’Encyclopédie dont il est l’un des derniers représentants. Il devient Inspecteur général des monnaies, et accède à l’Académie Française en 1782.

Anti-clérical, partisan résolu de l’égalité des droits, de l’émancipation féminine et de l’abolition de l’esclavage dans les colonies, il est élu en 1791 à l’Assemblée législative, puis à la Convention. Il élabore alors un grand projet de réforme démocratique et de l’instruction publique.

Hostile à la peine de mort, il refuse de voter celle du Roi. Ami des Girondins, il est décrété d’accusation en juillet 1793; il se cache et rédige un « Tableau historique des progrès de l’esprit humain », acte de foi dans l’avenir de l’humanité.

Mais il est découvert, arrêté et retrouvé mort quelques jours plus tard dans sa cellule.

André de Chenier (1762-1794). Attiré par les idées révolutionnaires, il s’oppose néanmoins – comme Condorcet – à la mort de Louis XVI et condamne la Terreur. Cela le conduira à l’échafaud. Il laissera de nombreux poèmes : « Éligies », « Bucoliques » et « Lambes », qui seront publiés après sa mort.

Les cafés et les clubs

Les salons jouent un rôle majeur dans le mouvement des idées des deux premiers tiers du XVIIIe siècle. Mais les philosophes et écrivains se rencontrent également au café Procope, au café Gradot ou au café Laurent : c’est en particulier le cas de Voltaire, Diderot, Fontenelle, Marmontel. De même, à l’imitation de l’Angleterre, les premiers clubs voient le jour (tel le Club de l’Entresol); mais c’est surtout au moment de la Révolution qu’ils connaissent une grande animation et jouent un rôle de premier plan.

La musique

Jean-Philippe Rameau (1683-1764) domine le XVIIIe siècle musical français. Il compose des tragédies lyriques, où la musique prend le pas sur le livret, des opéras – ballets, des opéras bouffes, des pastorales héroïques. Nommé compositeur de la Chambre royale, il écrit aussi un ouvrage de théorie musicale (« Traité de l’harmonie réduite à ses principes naturels »).

Ses œuvres principales sont « Hyppolyte et Aricie », (1733), « Les Indes galantes » (1735), Castor et Pollux » (1737), Zoroastre (1749), où se mêlent une grande somptuosité orchestrale et une hardiesse de style.

L’Encyclopédie

« L’Encyclopédie » ou « Dictionnaire raisonné des Sciences, des Arts et des Métiers » se compose de 35 volumes, parus entre 1751 et 1772. Elle est publiée par quatre libraires (Le Breton, Briasson, David, Durand) et bénéficie de 5 000 souscriptions. Environ 150 auteurs y collaborent. Elle nécessite le travail de 1 000 ouvriers pendant plus de 20 ans. Malgré les interdits du Parlement et l’hostilité de l’Église et de la Cour, elle connaît un grand succès en France et en Europe.

Les Encyclopédistes

Un certain nombre de philosophes moins connus participent à cette grande œuvre ou contribuent à propager l’esprit nouveau. Il en est ainsi du chevalier Louis de Jaucourt (1704-1779) qui a publié une « Histoire de la vie et des œuvres de Leibnitz » (1734); de Claude Adrien Helvétius (1715-1771), qui annonce le matérialisme, et publie en particulier « De l’esprit » (1758) et « De l’homme, de ses facultés intellectuelles et de son éducation » (1772); de Jean de Prades (1720-1771) condamné par le Pape pour une thèse mettant en doute la spiritualité de l’âme et la divinité de Jésus; du baron Paul Henri d’Holbach (1723-1789) qui dans son « Système de la nature » (1770) développe une philosophie matérialiste et mécaniste faisant de la matière le déterminant de toute chose, et de la religion la cause du despotisme.

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L'imagination ne saurait inventer tant de diverses contrariétés qu'il y en a naturellement dans le cœur de chaque personne. 
L’imagination ne saurait inventer tant de diverses contrariétés qu’il y en a naturellement dans le cœur de chaque personne. Photo d’Elena B.

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