Les équipages des navires de l’Âge des Découvertes
Le meilleur des navires ne vaut que par son équipage
Au fil des siècles, les nations maritimes de l’Europe s’étaient forgées de rudes traditions. Ainsi, vers le 15e siècle, elles disposaient de bons marins et habiles manœuvriers. Mais les grandes explorations présentaient des périls, imprévisibles même pour les excellents marins habitués aux tempêtes de la Manche ou aux périlleuses navigations dans les mers glacées, s’étendant de la Scandinavie au Groenland.
Compte tenu de l’ensemble de la période des explorations, un matelot avait une chance sur deux de revenir au port. La mortalité était surtout due à la maladie, au scorbut et aux diverses déficiences imputables à la mauvaise alimentation. Il fallait aussi compter avec les tempêtes. Les cannibales, les écueils, l’inconnu…
Rappelons que des 280 hommes qui accompagnaient Magellan en 1519 au départ du premier tour du monde, 35 seulement survécurent à des épreuves de ce long périple, dont la longue traversée du Pacifique qui se prolongea pendant trois mois et vingt jours sans autre nourriture que des débris de biscuits souillés par les rats.
Et pourtant, une expédition après l’autre trouvait toujours ses équipages ; on se demande donc pourquoi ces hommes s’enrôlaient.
L’appât du gain ne jouait pas : la richesse découverte, allait au gouvernement, et il n’y avait guère de butin à attendre, de part de prise de galion à espérer. Illettré et se désintéressant de la théologie, le matelot ne s’engageait pas non plus par esprit de croisade.
Faute de disposer de documents relatant les raisons de semblables engagements, nous en sommes réduits à des suppositions.
On croit que supérieure à celle qu’on touchait habituellement dans le commerce, la paye était sûre parce garantie par un groupe de riches marchands ou par le gouvernement.
À cette époque, tout voyage maritime était très périlleux. Des navires, reliant d’une façon courante les mers nordiques et le Levant, entreprenaient des traversées moins dangereuses, mais tout aussi longues que celle de Christophe Colomb.
La vie, dont la durée moyenne était d’une cinquantaine d’années, s’avérait rude, même pour le terrien. La peste tuait plus de commerçants et de paysans que le scorbut de marins. Le contraste entre les risques de l’aventure et l’existence sédentaire n’était donc pas aussi frappant pour le navigateur d’alors qu’il peut nous sembler.
Certes, ceux qui s’enrôlaient n’étaient pas parfaits. Magellan, Cabot, Francis Drake ne furent pas les seuls, et de loin, qui eurent à mâter des mutineries.
Henri Hudson fut abandonné dans une embarcation par les hommes de son équipage et trouva la mort. D’autres histoires peuvent être citées…
Les histoires de désertion sont innombrables. Pour empêcher leurs hommes de virer cap pour cap et de regagner le port, les capitaines se voyaient obligés d’user tour à tour de leur charme, de menacer et de ruser : ils trichaient sur les distances parcourues, montraient à leurs marins les cartes sur lesquelles certaines îles n’étaient pas représentées, ceci de peur que dans un accès d’humeur l’équipage ne forçât les pilotes à y faire relâche.
Dans la plupart des cas les plaintes des matelots portaient non sur les périls encourus ou la dureté du travail, mais sur la longueur du voyage et les chances qu’ils avaient de revoir un jour les leurs.
Aussi, lorsqu’ils organisèrent le voyage de Guillaume Barents, à la recherche d’un passage vers la Chine par le Nord-Ouest, à travers l’Arctique, les armateurs d’Amsterdam donnèrent-ils la préférence aux célibataires.
Parfois, faute d’avoir une claire vision de l’exploration projetée, l’équipage se désespérait et refusait de travailler.
Lors d’une des expéditions de Queiros, un matelot confia au maître pilote qu’il était las de sa fatigue et qu’il préférait mourir une fois pour toutes. « Nous ferions aussi bien », ajouta-t-il, « de fermer les yeux et de laisser le bateau aller pour le fond ». Certains remarquaient : de retour de la première expédition de Christophe Colomb, un matelot rengagea et fit de même pour le troisième et pour le quatrième voyage.
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