Vers un nouveau programme au primaire.
Québec. 30 mars 1979. Attendu avec impatience depuis fort longtemps, le nouveau programme de français au primaire est presque terminé. Il pourrait bien redonner ses lettres de noblesse à un apprentissage. Dont les lacunes sont, à l’heure actuelle, sérieuses et nombreuses.
Le nouveau programme de français doit être officiellement lancé en mai ou juin. Il reste à être formellement approuvé par le ministre de l’Éducation, M. Jacques-Yvan Morin. Une édition de rodage existe cependant. À laquelle la revue Québec français publiée par l’Association québécoise des professeurs de français consacre la majeure partie de son numéro de mars.
Signalons tout de suite que la version actuelle du programme comporte près de 600 pages. Soit environ 590 de plus que le programme-cadre actuel de français lancé en 1969. Souvent décrié pour son manque de précision et dont le succès fut quelque peu compromis par une mise en application fougueuse et disparate.
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L’équipe de rédaction du nouveau programme travaille depuis août 1977. Il a cependant résisté à la tentation d’opérer un brusque mouvement de pendule. En fait, ce mouvement renierait les principes pédagogiques novateurs des dernières années. Cela ne l’a pas empêché de mettre l’accent sur la rigueur ainsi que la cohérence. Aussi d’inclure des objectifs généraux comme des objectifs de niveaux. Surtout, d’insister sur le soutien à l’enseignant, notamment par le biais d’une multitude de suggestions et d’activités types.
Selon les principes directeurs du nouveau programme, il faut mettre l’enfant en situation signifiante et pertinente. D’ailleurs, subordonner l’apprentissage des connaissances, du code, au développement de l’habileté.
Ces principes dynamiques sous-tendent l’enseignement des trois volets du français, la lecture, l’écriture et la langue orale.
Ainsi, en écriture il s’agira notamment d’inciter l’enfant à écrire, dès le début de son cours, des phrases complètes. Ainsi de mettre en veilleuse la panoplie d’exercices de répétition, de textes à trous ou de questionnaires objectifs qui rend possible un passage à travers le cours primaire sans avoir beaucoup écrit. « L’objectif spécifique de l’apprentissage de l’écrit au cours primaire est la maîtrise de l’habileté à rédiger un message. Cela pour réaliser une intention de communication », explique-t-on dans le programme.
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L’analyse grammaticale n’est plus un acte en soi. Mais le programme propose ni plus ni moins une pratique de remplacement qui n’existait pas dans le programme-cadre. Il devrait, si la réalité concorde avec les buts du nouveau comme, inculquer les notions essentielle à l’écriture. Le programme propose une masse d’activités et de sources d’information pour favoriser l’acquisition orthographique des mots usuels, selon les âges, le tout pour développer des habiletés dans un contexte pertinent et non pas comme un but en soi.
Le nouveau programme suggère de nouveaux modèles d’écriture tires de la théorie de Vinh Bang et qui repose sur un tracé continu de la lettre, ne nécessitant donc pas le lever le crayon. Cette théorie évite le double conditionnement que les plus vieux ont connu et qui consiste à concentrer quelques années sur la pratique de l’écriture script droite et quelques années sur celle d’une écriture cursive penchée.
Le volet langue orale vise à l’implant à corde, nous apprend la revue Québec français, la priorité à l’aspect visuel de la lecture. Cela implique que la lecture à haute voix reprendra une place plus modeste.
Conformément aux principes généraux du programme, l’accent est nus sur la quête de sens des textes, lesquels seront variés, pertinents, adaptés aux connaissances linguistiques des enfants et aux intérêts des groupes d’âge. Dans cette optique, les exercices formels ne constituent pas un but. On ne choisira pas les textes exclusivement pour leur qualités grammaticales.
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Il appert par ailleurs que les concepteurs ne mettent aucune méthode d’enseignement particulière sur un piédestal, pas plus qu’ils n’en condamnent d’autres systématiquement. On peut prévoir que I enseignant aura le loisir d’adapter son enseignement de plus d’une manière.
Il faudrait souligner ici que l’approche thématique est privilégiée dans le nouveau programme en vue d’amener l’enfant à se placer dans des situations signifiantes. « C’est en lisant qu’on apprend à lire », conclut un concepteur du programme dans Québec français.
L’objectivation est un concept largement encouragé dans le nouveau programme par lequel l’enfant pourrait prendre un certain recul face à une des activités à laquelle il s’est précédemment adonné.
Et si les trois volets de l’apprentissage du français au primaire peuvent être distingués ils sont de fait considérés davantage comme un tout planifié.
LE volet langue orale vise à l’implantation d’une pédagogie de la communication qui ne soit plus un petit frère de la langue écrite. « Le rôle au maître est de placer régulièrement l’écolier dans un grand nombre de situations de communications variées et d’assurer l’objectivation des éléments dont la connaissance et la maîtrise assurent une plus grande adaptation aux exigences de ces situations. »
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Les contenus d’apprentissage sont bien identifiés pour chaque niveau du cours primaire et ils englobent les quatre types de discours suivants: le poétique, l’informatif, l’incitatif et l’expressif. Les aspects -linguistiques de la communication ne sont pas laissés pour compte mais subordonnes à la compréhension.
Le nouveau programme de français est actuellement mis en application à quelques endroits et on peut supposer qu’il sera progressivement repris par les enseignants du Québec. Le manque de planification qui avait caractérisé la mise en oeuvre du programme-cadre devrait par ailleurs inciter a la prudence et à une préparation plus consistante.
Des aspects restent à être polis tels l’évaluation, le perfectionnement et le soutien à l’enseignant, c’est-à-dire le matériel didactique.
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On proposera des activités – types à l’enseignant. Une équipe de travail se penche actuellement sur la question du matériel didactique. Certains instruments devraient être disponibles en septembre. D ‘autres devraient suivre au fil des années, le vide à combler à ce niveau étant de taille. Cet aspect est tellement important d’ailleurs que trop de lacunes de ce côté suffiraient à compromettre le succès d’un programme novateur, consistant et prometteur.
Les maisons d’édition ne sont pas insensibles à cette opération. Le ministère de l’Éducation doit leur présenter des devis de production de matériel didactique répondant aux exigences du programme.
Le programme a fait l’objet d’une consultation auprès des enseignants, des conseillers pédagogiques et des spécialistes universitaires. Mme Pauline Pelletier est responsable du programme et les principaux concepteurs sont MM. Michel Pagé, Pierre Chamberland, Jean-Guy Milot, Gilles Primeau et Alain Vézina.
(Texte par Paule des Rivières, publié dans le quotidien Le Devoir, le 31 mars 1979).