Le 3ième emprunt de la Victoire : Seul l’emprunt peut combler « l’écart » entre nos dépenses d’armements et les taxes
Les souscriptions au 3ième emprunt de la Victoire vont bon train, puisque plus de la moitié du montant demandé a été souscrit dans un espace de dix jours. Espérons, maintenant que l’objectif de $750,000,999 sera dépassé d’ici à la fin de la présente campagne de souscription et, une fois de plus, les Canadiens auront fait preuve d’un réel patriotisme.
Les taxes ne sauraient suffire à payer nos armements
Nous disons ci-dessus qu’il importe que l’objectif soit dépassé. Rien de plus vrai, puisque personne n’ignore que nos dépenses d’armements excèdent de beaucoup les montants reçus en taxes, en emprunts, etc. Sait-on que, d’après le dernier exposé budgétaire, notre effort de guerre nous coûtera environ $3,900,000,000 durant le présent exercice fiscal, et que les nouvelles taxes, tout élevées qu’elles soient, ne rapporteront qu’approximativement $2,150,000,000? Il faut donc que l’impôt, les certificats d’épargnes de guerre, les timbres de guerre rapportent, de leur côté, quelque $1,750,000,000 pour prévenir tout déficit. Que l’émission actuelle soit souscrite, au point de rapporter au Trésor public $1,000,000,000 et ce sera fort beau pour le moment. Point n’est besoin d’insister longuement sur le fait, qu’à mesure que les hostilités se prolongeront que nos dépenses de guerre augmenteront et pour cause… n’importe-t-il pas de produire le plus possible afin de venir à bout au plus tôt de l’ennemi?
L’ampleur de notre effort de guerre, un facteur de confiance
Incidemment nous tenons, ici à dire qu’en ce qui concerne notre production d’armements, il y a progrès constants. C’est ainsi qu’au cours du mois dernier, la fabrication de certains types d’armements accusait une telle expansion qu’elle dépassait la production de toute l’année 1941. En effet, durant ce mois, la production des armes portatives a été de 37,225 unités, au lieu de 24,943 durant toute l’année 1941; celles des canons, 3,118 contre 2,411; et celle des affûts, 1803 contre 1,261. De même, à la fin de septembre, les chantiers navals canadiens avaient livré durant les 3 premiers semestres de l’année, 50 navires marchands océaniques de 10,000 tonnes, et ils construisent actuellement un navire de ce type tous les 5 jours. Il va sans dire que de tels rendements représentent des frais énormes. On peut en juger par le fait qu’au 30 septembre 1942, la valeur globale des contrats adjugés et des engagements pris atteignaient le chiffre énorme de $5,496,512,000.
Tout lev que soit le chiffre de nos dépenses de guerre à date, il faut bien reconnaître que les résultats obtenus jusqu’ici ont été très impressionnant et que le Canada joue maintenant un rôle de tut premier plan comme arsenal et grenier, non seulement de l’Empire Britannique, mais encore des Nations Unies. Sait-on même que notre effort de guerre ne le céderait à aucune nation belligérante alliée et qu’il se comparerait même avantageusement avec celui des États-Unis?
Il est de notre propre intérêt, comme de celui de la Patrie de souscrire à l’emprunt actuel
Il va sans dire que le Canada n’y est pas parvenu, toutefois, sans qu’il en coûte fort cher – qu’est-ce qu’une dépense pécuniaire, si élevée soit-elle en regard de la perte de nos libertés? – et, c’est pourquoi, malgré la hausse des nouveaux impôts décrétée lors du dernier budget, il n’en est pas moins vrai qu’il y aura un écart de $275 par tête entre ce que ces mêmes impôts rapporteront au gouvernement fédéral durant le présent exercice fiscal et ce que ce dernier dépensera en armements durant la même période. Point n’est besoin d’insister longuement sur le fait que nos autorités gouvernementales comptent donc sur les emprunts pour combler cet écarté Puisque ce ne sont pas les fonds qui manquent, que l’on s’empresse donc de souscrire au 3ième emprunt de la Victoire.
Nous venons de dire que ce ne sont pas les fonds qui manquent. Rien de plus vrai, puisque le dernier rapport sur les dépôts bancaires indiquait que ces derniers se chiffraient au chiffre record de $3,122,800,000, soit même $185,000,000 de plus que le total existant avant le 2ième emprunt de la Victoire, lancé en février de cette année. Comme le gros de cette somme représente des dépôts d’épargnes, il importe donc que les épargnants n’hésitent pas à souscrire à l’emprunt actuel, d’autant plus qu’ils ne doivent pas perdre de vue que « si l’argent est nécessaire à la victoire, qu’il ne vaudrait pas grand chose au cas de défaite ». Dans de telles circonstances, que chacun fasse donc en sorte que son argent travaille pour la victoire. Elle y travaillera, si elle est prêté à l’État.
En plus du motif patriotique, l’on ne doit pas perdre de vue, qu’il est de l’intérêt même des déposants de souscrire aux obligations de la Victoire. N’est-il pas préférable de retirer du 3,66% pour les obligations, 3%, échéant en 1956, mais remboursables par anticipation à 1%, dès 1953, que de ne retirer que du 1 1/2% sur ses dépôts bancaires? Puisqu’il y va du propre intérêt des déposants de prêter leurs fonds à la patrie par le temps qui court, que ces derniers, – nous pourrions dire les retardataires, puisque près des 70% de l’objectif aurait été atteint dans notre ville et la province – n’hésitent donc pas à s’empresser de donner leur commande quelle qu’elle soit. Comme les obligations actuelles sont offertes en coupures de $50 à « 25,000, l’on a donc que l’embarras du choix.
Quant à ceux qui n’ont pas d’argent en dépôts à la banque, nous tenons à leur rappeler que l’on a prévu l’achat par versements périodiques, ou encore au moyen de déductions régulières sur les salaires ou traitements, de la part des employeurs.
À la suite de toutes ces facilités et, aussi, si l’on tient compte des motifs pécuniers (un rendement de 3,06% n’est-il pas intéressant à cette époque d’avilissement du loyer de l’argent) et patriotiques *en aidant à accroître notre production d’armements, on assure la sauvegarde de ses biens, de sa vie et même de son argent), l’on ne saurait donc entretenir de doute sur le fait que tous les Canadiens s’empresseront de souscrire au 3ième emprunt de la Victoire, soit à même leur revenu courant ou, encore, à même leurs épargnes accumulées.
Par Marcel Clément
Texte paru dans le journal Le Canadien, le 29 octobre 1942.