Émigration et départs

Émigration et départs après la Conquête

Montréal, durant la dernière guerre, que la ville ait soufferte n’avait pas connu les horreurs d’un bombardement, ni subi les assauts d’un siège en règle.

Les milices de Montréal avaient été cependant mobilisées pour la défense de Québec, et elles avaient surtout donné à la bataille de Sainte-Foy. En outre, plusieurs de ses citoyens marquants avaient pris du service volontaire dans l’armée régulière, abandonnant des entreprises commerciales importantes. La vie économique, déjà affectée par les rapines de l’Intendance et la dépréciation des valeurs monétaires, était aussi grandement bouleversée par cinq années de guerre à travers tout le pays. Tout cela augurait assez mal pour l’avenir de la colonie française d’Amérique, passée par la violence sous la domination des Anglais.

Dans ces angoissantes conjonctures, l’éventualité d’un retour en France dut se présenter à un grand nombre comme une conséquence logique de la cession, et de suite se posa le problème de l’émigration vers la mère patrie.

On a prétendu que de nombreuses familles canadiennes étaient retournées en France, après la capitulation de Montréal. On sait que l’armée et les fonctionnaires français quittèrent alors le pays. Quant aux anciens habitants, il est difficile d’établir le chiffre exact des départs. Il est certain toutefois que ceux-ci se produisirent surtout, sinon uniquement, parmi la noblesse terrienne et non parmi les classes bourgeoise et prolétarienne.

Un tableau de la noblesse canadienne, dressé en 1767, montre que 79 seigneurs canadiens étaient, cette année-là, en France, et que 119 demeuraient en Canada, dont 87 dans le district de Montréal (Archives canadiennes: Série « Québec », vol. 5—1, p. 269). Ce qui laisse entendre que presque tous les émigrés étaient partis de Québec et des Trois-Rivières, en raison de leur carrière militaire, ou de leurs emplois dans l’administration civile. Montréal dut garder la grande majorité de ses familles seigneuriales.

Dans un rapport au ministère anglais (1762), le général Gage affirme, qu’à l’exception de ceux qui exerçaient des charges civiles ou militaires, personne n’avait quitté cette partie du pays. Il ajoute: (( Je n’en connais pas non plus qui s’y préparent, ou même en aient manifesté l’in tention. Quelques femmes, dont les maris sont déjà en France, se proposent peut-être d’aller les rejoindre à la conclusion de la paix, si leurs hommes ne préfèrent pas revenir au Canada. (Shortt et Doughty: Documents constitutionnels, p. 55.)

Après le traité de Paris (10 février 1763) il dut s’effectuer encore d’autres départs, plusieurs même; car l’ambassa deur français, à Londres, présenta au ministère anglais une note, se plaignant de ce que les capitaines de vaisseaux anglais exigeaient des prix exorbitants des Français qui repassaient en France. Lord Halifax demanda en conséquence au gouverneur Murray de prendre des mesures pour empêcher de tels abus. Archives canadiennes: Série Haldimand, vol. 37, p. 26. Lettre du 14 janvier, 1764.1760- 1770).

Enfin le droit de quint, que prélevait la couronne sur les échanges ou les ventes de fiefs et seigneuries, peut être un autre indice des départs définitifs pour la France.

En 1762, le gouvernement de Montréal encaissa de ce chef la somme de 9,000 livres, alors que, selon Gage, la moyenne précédente était de 3,000 livres. Ces transactions de propriétés seigneuriales, portées au triple de celles des années antérieures, autorisent à croire que plusieurs eurent lieu à cause du départ des propriétaires; mais on ne saurait en fixer le nombre, même approximatif. La plupart des seigneurs et le clergé restant à leur poste, le peuple pouvait compter sur leur influente protection et envisager l’avenir avec moins d’appréhension.

Émigration et départs
Vieux-Port de Montréal. Photo de Histoire-du-Québec.ca.

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