Manière singulière d’embaumer les corps des Indiens

Manière singulière d’embaumer les corps

Quelques peuples de l’Amérique septentrionale ont trouvé le moyen de préserver de la corruption les corps de leurs chefs, et des personnes les plus considérables de leur nation, sans y employer les baumes et les aromates qui étaient en usage chez les Orientaux, et qui ont rendu les mummies d’Égypte si célèbres. Ils écorchent habilement le cadavre, après en avoir fendu la peau tout le long du dos; ils décharnent les os proprement sans toucher aux jointures qui en font les liaisons, pour laisser le squelette dans son entier.

Ces os ayant été séchés pendant quelque temps, on les renferme de nouveau dans leur propre peau qu’on a eu soin d’adoucir et de préparer, et on la recoud en y insérant du sable fin, qui en remplit tous les vides, de manière qu’il ne paraît pas qu’on y ait touché. On porte ensuite ces corps sur une estrade, élevée au fond de la cabane, qui leur sert de temple. On met aux pieds du corps, dans des corbeilles bien fermées, les chairs qu’on a fait sécher et boucaner à la fumée ou à l’air : et la garde qui veille à la conservation du feu sacré veille aussi à la conservation de ces corps.

Dans les Indes espagnoles les Sauvages faisaient boucaner les corps de leurs caciques, d’après Francisco Lopez de Gomara (II, 18, Histoire générale des Indes occidentales, Paris, 1606, p. 234 recto). D’ailleurs, Pierre Martyr d’Anghiera et Gonzalo Fernandez Oviedo ont chacun écrit une « Sommario della Historia dell’indie occidentali » dans G.B. Ramusio, Delle naviationi et viaggi, vol. 3. Venise, 1556. Pour Oviedo, cf. ch. 10, p. 521). Ils les étendaient sur des treillis de bois, et les faisaient sécher à un feu lent. Les chairs et les graisses s’évaporaient à ce feu par la transpiration. Quand il ne restait plus que la peau sur les os, ils les portaient dans leurs temples, où ils les conservaient avec beaucoup de soin et de respect. C’est sans doute de cette manière qu’on conservait aussi les corps des Incas du Pérou, et des personnes dévouées qui se faisaient mourir avec lui.

Plusieurs peuples de l’Amérique, outre les Égyptiens et les Éthiopiens, avaient leurs manières de dessécher les corps, et de les embaumer, que les auteurs ne nous détaillent pas assez. Celle que je viens de décrire se pratiquait dans la Virginie, dans la Floride, chez les Natchez, chez les Oumas, chez quelques autres peuples de la Louisiane, et des Indes espagnoles, qui ont un État monarchique et des chefs absolus. Pour ce qui est des Hurons et des Iroquois, qui sont plus républicains, je n’ai pas lu ni ouï dire qu’ils aient jamais mis cette distinction entre leurs chefs et le commun peuple.

(Tiré du Mœurs des Sauvages Américains, comparés aux mœurs des premiers temps, par Joseph-François Lafitau).

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Un paysage lugubre. Photo: Histoire du Québec.ca.

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