Des élections à la fin de l’été: King relève le défi de Bennett

Pandémonium indescriptible aux Communes, quand les députés apprirent cette nouvelle – La date des élections n’est pas encore fixée

Ottawa, 8 mai 1930 – Il y aura des élections générales cette année. La date en sera connue prochainement, après une conférence entre Mackenzie-King, R. B. Bennett et Robert Gardiner.

Depuis plusieurs semaines des experts s’ont fait un devoir de tenir les nombreux lecteurs des journaux au courant de la manœuvre de coulisse. Il n’était pas facile de prédire ce qui se passerait. Tantôt on prévoyait un appel au
peuple cet été: tantôt, les personnages les mieux renseignés affirmaient ferme que Mackenzie-King tenait tellement à se rendre à Londres qu’il ne prendrait pas de chance de faire des élections avant de partir.

Il relève un défi

Mardi après-midi à la reprise du débat sur le budget Dunning, l’honorable R. B. Bennett en son nom et au nom de tous ses partisans en Parlement et d’un bout à l’autre du Canada lançait – à la suite d’un discours violent, serré — un défi à Mackenzie-King de faire des élections immédiatement sur le budget devant le Parlement.

La réponse ne se fit pas attendre: “Nous aurons des élections générales dès cet été,” dit-il, aux applaudissements de ses partisans, suivis de démonstrations tumultueuses de la part des oppositionnistes défiant le premier ministre, de se présenter devant le peuple.

Scènes inoubliables

Les galeries de la Chambre des Communes étaient remplies à déborder lorsque M. Bennett prononça son discours accusant les libéraux de manquer à leur parole, de changer de politique, de n’être que des opportunistes qui ne s’occupaient pas des principes, de la parole donnée, des traités signés, des engagements pris, — mais qui assaillent tout ce qui était humainement possible de faire pour conserver le pouvoir.

Les conservateurs n’applaudissaient plus, ils étaient dans un état d’excitation indescriptible. Lorsque Bennett lut son vote de non confiance dans le gouvernement et qu’il demanda des élections générales, ce furent des cris, et les papiers, les journaux, tout ce qui leur tomba sous la main furent jetés en l’air.

Des paroles provoquantes furent en même temps adressées à leurs adversaires de l’autre côté de l’allée centrale qui sépare les deux groupes politiques

Une répétition tapageuse

Lorsque Mackenzie-King, l’air contrarié, visiblement de mauvaise humeur, se leva pour répondre, on comprit qu’il y avait du tonnerre dans le ciel parlementaire: “Vous voulez des élections, dit-il, hé bien! vous en aurez et sans tarder.” Les cris des libéraux dépassèrent en volumes ceux des conservateurs. Ce fut, pendant quelques minutes, un tumulte indescriptible.

La guerre était déclarée

La guerre était déclarée et les moins enthousiastes, ceux qui aspirent à devenir sénateurs, ceux qui cherchent des places, ceux qui ne se présenteront plus devant leurs électeurs, comme ceux qui sont les idoles de leurs comtés, tous étaient debout, hurlant, vociférant, dans un geste d’enthousiasme qu’ils refuseront d’admettre lorsqu’on leur rappellera les excès auxquels ils se sont livrés.

La galerie silencieuse

Les milliers de personnes entassées dans les galeries suivirent ces démonstrations froidement. Ceux qui s’étaient rendus à bonne heure furent bien récompensés. C’était en quelque sorte une répétition de la fameuse fin de session de 1926.

Les galeries, au Canada, ne sont pas comme en France. Elles entendent. Elles voient, mais elles n’ont pas le droit de manifester leurs émotions.

L'honorable Mackenzie-King, qui fut poussé par le parti conservateur à faire des élections. Celles-ci auront lieu à la fin de l'été.
L’honorable Mackenzie-King, qui fut poussé par le parti conservateur à faire des élections. Celles-ci auront lieu à la fin de l’été.

Tout est prêt

Il y à déjà quelques semaines que la machine électorale est prête à entrer en mouvement. Les officiers rapporteurs sont nommés. Ils sont en possession de leurs documents et de toutes les instructions requises à la tenue des élections. Les partis politiques se disent en grande forme.

La course aux places

D’ici à quelques semaines, nous allons assister à la course aux places. Tous les favoris de l’administration vont chercher à se tailler une part du gâteau. Comme los faveurs ne sont pas nombreuses et que les aspirants sont légion, il y aura bien des désappointements, des mécontentements.

Quelle est la meilleure tactique?

Est-ce que la discussion va se prolonger sur le budget? Il y deux courants d’opinion à c sujet. Beaucoup pensent que les conservateurs ne prolongeront pas la discussion en parlement se réservant pour la bataille devant le peuple.

D’autres croient que les libérux vont chercher à découvrir les secrets de leurs adversaires sur le parquet du Parlement, afin de dérouler plus facilement devant l’électorat.

Encore quatre semaines de session

Il n’est pas probable que la session prenne fin avant le commencement de juin. Il reste encore de nombreuses lois à discuter. On a à peine commencé à voter les crédits et on n’est pas certain que les conservateurs ne laisseront partir leurs adversaires pour la campagne politique avant d’avoir provoqué des débats longs et ennuyeux sur plusieurs actes de l’administration Mackenzie – qui toucheraient au scandale.

Tout cela prendra bien encore cinq où six semaines, à moins que Mackenzie-King se fâche un bon matin et demande la dissolution des Chambres, ce qui veut dire des élections générales.

Le sort est jeté

En avant les élections !

Voir aussi :

Colline parlementaire à Ottawa. Photo d'Histoire du Québec.ca.
Colline parlementaire à Ottawa. Photo d’Histoire du Québec.ca.

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