La quête de El Dorado
El Dorado… Du temps de la Renaissance, les pays lointains reçurent la visite tant de voyageurs isolés que des marins, chefs d’expédition, et ces deux types d’hommes ont chacun leurs caractères particuliers. Toutefois certains navigateurs, tel Christophe Colomb, conservaient un peu de ce côté romanesque propre aux voyageurs sans attaches. Inversement quelques isolés – comme le jésuite Bénédicte de Goes qui visita la Chine – étaient mus par le souci d’accroître les connaissances humaines de leur époque.
Ce mélange d’attitudes n’était pas rare et il explique à la fois les réactions des voyageurs et des explorateurs devant leurs propres découvertes et l’influence de celles-ci sur l’état d’esprit des Européens.
Le comportement des explorateurs se modifia durant l’Âge des Découvertes ; en premier lieu, la simple vérification céda la place à une observation objective. Plutôt que d’obliger les faits observés à s’accorder avec des idées préconçues – et Vasco de Gama fournit un exemple type de cette attitude lorsqu’il s’obstine à prendre un temple hindou de Calicut pour une église, et les Hindous pour des Chrétiens -, on s’efforça par la suite d’examiner et d’admettre les faits tels qu’ils étaient observés sans se soucier de leur contradiction avec les vieilles croyances.
En second lieu, les hommes de la Renaissance changèrent d’attitude à l’égard des étranges peuples qu’ils découvraient ; la condescendance qu’ils leur manifestaient céda la place à un souci de comparaison. Cessant de mépriser systématiquement les civilisations indigènes, ils comprirent qu’ils avaient quelque chose à apprendre de l’étude comparée des coutumes locales et des mœurs européennes.
Ces changements constituent une des plus importantes caractéristiques de la transition entre la façon de penser du Moyen Âge et celle des Temps modernes. Fort heureusement pour la postérité, il existe de nombreux documents qui retracent cette évolution de la pensée. Ainsi, un mémoire, rédigé en 1554 par l’écrivain anglais Richard Chancellor, fait montre d’une liberté d’esprit très éloigné de la condescendance manifestée par les premiers explorateurs. C’est en ces termes que Chancellor, qui faisait office de commandant en second dans l’exploration menée par Hugh Willoughby à la recherche du passage du Nord-Est, s’adresse à ces concitoyens: «Il est nécessaire et séant que tous ceux qui entendent diriger un voyage dans des pays lointains et étranges s’efforcent non seulement de comprendre les régimes, les possibilités et les richesses de ces pays, mais aussi qu’ils les exposent dans les comptes rendus desdits voyages, ce qui permettra peut-être d’encourager les autres à entreprendre des voyages semblables ».
Il ne faut évidemment pas en déduire que des préjugés vieux de plusieurs siècles s’effacèrent du jour au lendemain. De nombreuses légendes, que les faits ne contredisaient pas, persistèrent pendant de longues années à exercer une influence continue et parfois salutaire. Le mythe du Prêtre Jean, par exemple, stimula puissamment divers hommes à s’enfoncer en Afrique.
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