Le Directoire (octobre 1795 – novembre 1799)
Un régime sans avenir : Le nouveau pouvoir est confronté aux mêmes problèmes que la Convention (crise économique, opposition de droite et de gauche, crise institutionnelle) et ne sait pas les résoudre.
Les cinq directeurs (Barras, Carnot, Reubell, Letourneur et La Réveillère-Lépeaux) ont à faire face à de multiples oppositions.
Une situation difficile
La situation économique reste mauvaise, et malgré le vote d’un emprunt forcé, l’inflation galope (les prix sont multipliés par 50 de 1790 à fin 1795), les assignats ne valent plus rien et sont supprimés en février 1796.
Si les acquéreurs de biens nationaux s’enrichissent, les détenteurs d’assignats sont ruinés, et les salariés souffrent de la baisse du pouvoir d’achat; une nouvelle « extrême gauche » tente de relever la tête avec Gracchus Babeuf.
Mais le Directoire a aussi à faire face à l’agitation royaliste. En Vendée, où la résistance des Chouans persiste, le départ pour l’Angleterre du comte d’Artois affaiblit leur position; un de leurs chefs, Jean Nicolas Stofflet, est capturé en janvier 1796, et fusillé le 27 février; puis François de Charette connaît le même sort le 29 mars. En juillet, Hoche parvient à réduire l’essentiel de l’insurrection.
Mais les partisans d’une restauration royaliste continuent leur action. Pichegru et Moreau, à la tête de leurs armées, mettent peu de cœur à l’ouvrage. Pichegru, rappelé à Paris, continue de comploter. Brottier tente d’organiser un soulèvement armé contre le Directoire, mais il est arrêté le 30 janvier 1797. Si le danger d’un coup d’État royaliste semble écarté, la montée des forces conservatrices est réelle : aux élections partielles de mars 1797, bien rares sont les « vrais » républicains élus, et 11 seulement des 216 conventionnels sortants sont réélus.
Les chambres ainsi renouvelées prennent alors diverses mesures remettant en cause les décisions de la Convention : l’interdiction des fonctions publiques aux parents d’émigrés est abrogée, la persécution contre les prêtres réfractaires cesse et le retour des émigrés s’accentue. Pichegru est élu président des Cinq-Cents et Barthélemy devient Directeur en remplacement de Latourneur.
Deux coups d’État pour rien
Face à cette montée contre-révolutionnaire, les trois Directeurs républicains (Reubell, Barras, La Réveillère) décident de réagir : après avoir tenté sans succès de placer Hoche au ministère de la Guerre, ils préparent un coup d’État avec l’aide de Bonaparte, dont la politique personnelle en Italie déplaît fort aux conseils. Bonaparte envoie Augereau et un corps d’armée à Paris. Le 4 septembre 1797 (18 fructidor an V), les hommes de Bonaparte occupent les deux Chambres, arrêtent 53 députés, ainsi que Pichegru et Barthélemy (l’un des directeurs hostiles, l’autre, Carnot, parvenant à s’enfuir).
Par les lois d’exception du 5 septembre, l’élection de 198 députés de droite est cassée, la répression reprend contre les émigrés de retour en France et les prêtres réfractaires (passibles de déportation), et un serment de « haine à la royauté et à l’anarchie » est exigé de tous les électeurs. Une vaste épuration est ensuite entreprise, qui transforme le Directoire en régime policier, permettant aussi le renouveau du jacobinisme.
Mais ce retour au premier plan des révolutionnaires, confirmé par les élections du printemps 1798, inquiète les Assemblées comme le Directoire, où Merlin de Douai et Neufchâteau ont remplacé Carnot et Barthélemy. Ainsi se produit un nouveau coup d’État, le 11 mai 1798 (22 floréal an VI), par lequel est décidée l’invalidation de l’élection de 106 députés de gauche. Après ce second coup de force, le Directoire achève de se discréditer.
Le choix de Sieyès. Les 18 et 19 brumaire
Après un an de confusion et d’indécision, l’entre de Sieyès au Directoire, le 16 mai 1799, va accélérer les choses.
Ayant choisi Bonaparte pour l’aider dans son entreprise de « réforme » des institutions, Sieyès organise avec ses proches le coup d’État qui met fin au Directoire.
Voulant mettre fin au Directoire pour lui substituer un pouvoir fort qu’il rêve d’assumer, Sieyès, avec l’appui des milieux financiers, se met en quête d’une personnalité énergique et populaire susceptible de l’aider à réaliser son projet. Après s’être adressé à Joubert (tué en Italie), à Macdonald et à Moreau, il trouve en Bonaparte, rentré d’Égypte et débarquant à Fréjus le 9 octobre 1799 le « sabre » qu’il cherche. Arrivé à Paris le 16 octobre, porté par l’enthousiasme populaire, il est contacté par Talleyrand, et rencontre Sieyès qui lui expose son projet de coup d’État, destiné à imposer ses idées constitutionnelles. Mais c’est Bonaparte qui impose les siennes, en formant un gouvernement provisoire constitué de trois consuls. Le coup d’État est celui de Bonaparte.
Le 23 octobre 1799, Lucien Bonaparte est élu président des Cinq-Cents; et les Conseils sont convoqués pour le 9 novembre (18 brumaire au VIII). Prétextant un complot jacobin, les vrais comploteurs obtiennent des Conseils leur déplacement à Saint-Cloud et nomment Bonaparte commandant des troupes de Paris; les directeurs Sieyès et Roger-Ducos démissionnent; Barras fait de même sous la pression, les deux autres (Gohier et Moulin), qui refusent de céder, sont retenus prisonniers par Moreau.
Le lendemain, 10 novembre 1799, les Conseils se réunissent au château de Saint-Cloud. Mais les députés entendent garder l’initiative de la séance : ils se présentent en gardiens de la Constitution, alors que ceux que l’on a « oublié » de convoquer la veille protestent. Devant l’annonce de la démission de trois directeurs, il est simplement proposé d’élire leurs remplaçants. Bonaparte prend la parole mais se heurte à l’hostilité générale; il est pris à parti par les Jacobins qui réclament sa mise hors la loi. Lucien Bonaparte décide alors de jouer le tout pour le tout : Il crie à la tentative d’assassinat et fait chasser els Cinq-Cents pour les troupes de Murat. Sous la contrainte, les Anciens votent le remplacement des directeurs par trois consuls : Bonaparte, Siyès et Roger-Ducos, et la création d’une commission législative. Pour sauver les apparences, Lucien Bonaparte réussit à réunir une trentaine de députés du conseil des Cinq-Cents et obtient leur accord.
Ainsi, un homme fort et prestigieux a su profiter de l’incapacité du Directoire à appliquer ses propres règles (puisqu’il a dû avoir recours à deux coups de force pour survivre) et utiliser les divisions entre ceux qui veulent poursuivre l’œuvres révolutionnaire, ceux qui souhaitent le retour à l’ordre monarchique, et ceux qui cherchent simplement à défendre leurs nouveaux privilèges.
Gracchus Babeuf
Le mécontentement populaire et les aspirations égalitaires s’expriment dans le mouvement animé par Gracchus Babeuf qui édite un journal, le Tribun du Peuple et développe ses idées au club du Panthéon. Décrété d’arrestation en décembre 1795, Babeuf passe à la clandestinité et organise la « conspiration des Égaux », afin d’établir la communauté des biens et l’égalité sociale. Les idées babouvistes jusque dans l’armée, la répression s’abat sur les comploteurs. Arrêté avec ses amis le 10 mai 1796, Babeuf est condamné à mort après un long procès, et exécuté le 27 mai 1797.
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