La deuxième République française (1848 – 1852)
Entre le « parti de la rue » et le « parti de l’ordre ». Après le rêve populaire d’une « République sociale » et l’écrasement de l’insurrection parisienne de juin 1848, les forces conservatrices reviennent au pouvoir.
Dès son installation à l’Hôtel de Ville le 24 février 1848, le gouvernement provisoire proclame la république, institue le suffrage universel, abolit l’esclavage dans les colonies, assure la liberté de la presse et autorise les réunions publiques.
Du rêve populaire à la réalité
Mais ces mesures prises à l’instigation des libéraux du gouvernement (Lamartine, Ledru-Rollin) ne peuvent suffire à la fraction socialiste (Louis Blanc, « l’ouvrier Albert »), qui désire des réformes sociales et réclame l’adoption du drapeau rouge comme emblème national.
Les élection du 23 avril 1848 n’apportent pas de réponse aux difficultés économiques et sociales : les nouveaux électeurs 9 millions au lieu de 250 000) très influencés par les pressions locales, portent au pouvoir une majorité républicaine modérée, opposée à toute « aventure » et une minorité très conservatrice représentée en particulier par Falloux et Montalembert.
C’est en est fini des projets de la gauche d’accroître la pression fiscale et de développer la propriété publique pour relancer l’activité. Au contraire, à la manifestation ouvrière du 15 mai répond, le 23 mai, la dissolution des « Ateliers nationaux ». Un mois plus tard, le 23 juin, éclate l’insurrection ouvrière de Paris, soutenue par une partie de la Garde nationale.
L’Assemblée confie alors au général Cavaignac le soin d’écraser la révolte parisienne, ce qu’il fait après plusieurs jours de violents combats et à l’aide d’une armée de plus de 30 000 hommes : les morts et les fusillés se comptent par milliers. Le rêve d’une « République sociale », auquel ont pu croire les milieux populaires depuis février désormais s’évanouit. Ils sont prêts à faire confiance à celui qui bientôt renversera la République qui les a trahis. Mais pour l’heure, le pouvoir est entre les mains du « parti de l’Ordre », conservateur et catholique.
Une nouvelle Constitution est votée en novembre 1848 : elle prévoit l’élection au suffrage universel d’une Assemblée législative et d’un Président de la République élu pour quatre ans et formant le gouvernement; mais il n’est pas immédiatement rééligible et ne peut dissoudre l’Assemblée. Au-delà de cette apparence républicaine, le « parti de l’Ordre » envisage un retour à la monarchie; cela explique le choix de Louis-Napoléon Bonaparte comme candidat à la présidence de la République Celui-ci, en effet moins ouvertement républicain que Cavaignac, se dit partisan d’un pouvoir fort délégué par le peuple, mais professe également des idées socialisantes le rendant acceptable par le peuple.
De fait, Louis-Napoléon Bonaparte est élu largement le 10 décembre 1848 (il recueille 5,5 millions de voix, contre 1,5 million à Cavaignac et moins de 400,000 à Ledru-Rollin).
Le « parti de l’Ordre » au pouvoir
L’Assemblée nationale, élue le 13 mai 1849, dégage une écrasante majorité d’élus conservateurs (500), contre 180 aux « démocrates socialistes »; le « parti de l’Ordre » semble avoir désormais les mains libres.
Il obtient du président l’intervention française contre la république romaine (été 1849). Il fait voter la Loi Falloux (15 mars 1850), qui donne à l’Église Catholique la liberté de l’enseignement secondaire : elle permet la création de plein droit d’écoles privées, et dispense les enseignants de diplôme à partir du moment où ils appartiennent à un ordre religieux. A la suite d’élections partielles se soldant par le succès de candidats républicains à Paris, le parti conservateur pousse à la suppression du suffrage universel (loi du 31 mai 1850) : il faut désormais justifier de trois années de résidence fixe, ce qui réduit de 9 à 3 millions le nombre d’électeurs et touche surtout les milieux ouvriers.
Mais bientôt se profile l’échéance de 1852 qui doit décider de l’élection d’un nouveau président de la République, à laquelle, d’après la Constitution, ne peut se représenter Louis-Napoléon Bonaparte. Face à la division des royalistes, partagés entre les partisans du jeune comte de Paris (petit-fils de Charles X), Louis Bonaparte tente faire réviser la Constitution pour permettre sa réélection : l’Assemblée vote favorablement mais la majorité nécessaire des trois quarts n’est pas atteinte. De même, une proposition de rétablissement du suffrage universel échoue de fort peut.
La famille impériale
En 1852, le dernier frère vivant de Napoléon Ier est Jérôme, ancien roi de Westphalie. Son fils Napoléon-Jérôme sera auprès de Napoléon-III le défenseur de l’idée de démocratie autoritaire, et sa fille la princesse Mathilde se consacrera aux Arts et Lettres.
Afin d’assurer la succession, Napoléon-III épouse en 1853 Eugénie de Montijo : un fils naît en 1856 qui sera tué en 1879 en combattant au Zoulouland au sein de l’armée britannique.
Vers l’Empire
Sentant ainsi le climat favorable, mais la voie légale impossible, Louis Bonaparte passe à l’action : le 2 décembre 1851, date anniversaire du couronnement de Napoléon Ier et de la victoire d’Austerlitz, le Président décrète la dissolution de l’Assemblée et le rétablissement du suffrage universel; il fait arrêter les opposants les plus fermes (comme Thiers) et les généraux les plus hostiles (tel Cavaignac); son demi-frère Morny devient ministre de l’Intérieur et le général Saint-Arnaud, ministre de la Guerre. L’armée, dont les chefs sont, dans l’ensemble, favorables au Président, soutient le coup d’État et réprime les manifestations populaires hostiles qui éclatent à Paris et en province. L’armée tire sur la foule, et environ 10 000 opposants sont condamnés et exilés en Algérie. Cette résistance républicaine contribue à faire accepter le nouveau régime par les partis conservateurs.
Pour assurer sa légitimité Louis-Napoléon Bonaparte organise aussitôt un plébiscite, qui par près de 7 millions de voix contre moins de 650 000 l’autorise à rester au pouvoir et à réformer la Constitution (21 décembre 1851). Celle-ci est promulguée le 14 janvier 1852. Elle prolonge de dix ans le mandat de Louis-Napoléon, qui n’est responsable que devant la nation consultée par plébiscite, à la discrétion du Président. Celui-ci choisit le gouvernement et concentre tous les pouvoirs. Il nomme à vie les membres du Sénat, gardien de la Constitution. Deux autres assemblées sont maintenues : le Conseil d’État, formé de fonctionnaires qui rédigent les projets de loi gouvernementaux; le Corps législatif, composé d’élus d’arrondissement, et qui ne peut qu’accepter ou refuser les projets de loi qui lui sont soumis, sans pouvoir les modifier.
L’année 1852 voit se développer per une propagande officielle pour le rétablissement de l’Empire. Hâtant les étapes, un sénatus-consulte du 7 novembre fait du « prince-président » l’Empereur Napoléon-III. Un nouveau plébiscite sanctionne favorablement cette décision, avec huit millions de Oui; mais 2 millions d’électeurs se sont abstenus. Le 2 décembre 1852, le nouvel Empereur descend les Champs-Élysées à cheval pour se rendre aux Tuileries.
Ce régime constitue une dictature de fait, seulement tempérée par l’existence du Corps législatif qui peut s’opposer aux projets de lois impérieux, et qui vote le budget. Mais la procédure du « candidat officiel », choisi par le préfet de département, soutenu par l’administration et pouvant seul organiser une véritable campagne électorale, de même que le contrôle étroit de la presse rendent très difficile l’élection de candidats d’opposition.
La période qui s’ouvre avec la naissance du Second Empire est celle de « la mise au sommeil » de la vie politique intérieure française.
Louis-Napoléon Bonaparte
Né en 1808, il est le fils de Louis Bonaparte, frère de Napoléon et roi de Hollande, et d’Hortense de Beauharnais, fille de Joséphine. Élevé en Suisse, puis emprisonné au fort de Ham pour avoir à deux reprises tenté de se faire reconnaître roi de France (en 1836 et en 1840), il s’évade en 1846, puis séjourne à Londres jusqu’en 1848. Ce personnage un peu fantasque, qui a rédigé en prison une brochure sur « L’extinction du paupérisme », semble à première vue, facilement manipulable par le « parti de l’Ordre ».
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