Deux histoires criminelles

Bravoure d’un jeune Canadien

Histoires criminelles : Un jour dans un fort de l’extrême Nord, un jeune Canadien, M. Georges Fleury Deschambault, était resté tout seul avec un commis dans le magasin dont il avait la garde, pendant que le reste des hommes étaient à la chasse.

Ces portes du fort, par oubli, étaient restées ouvertes ; une bande, de sauvages en profilèrent pour venir demander de la boisson ou en prendre de force si on leur en refusait.

Au nombre d’une vingtaine, ils commencèrent par s’installer en maîtres dans le magasin.

Au premier coup d’œil, M. Deschambault devina leur dessein ; leur mine décidée, annonçait que l’affaire ne se réglerait pas à l’amiable,. Le jeune commis Anglais qui n’était pas la bravoure incarnée, commençait déjà à trembler. M. Deschambault s’en aperçut et tout en ayant l’air de lui donner un ordre il lui dit : « Descends dans la cave tout de suite, car si les sauvages s’aperçoivent que tu as peur, nous sommes perdus ».

Le pauvre commis ne se fit pas répéter l’ordre deux fois, il se hâta d’aller se cacher. Les Indiens, croyant que celui-ci allait leur chercher du rhum, se réjouissaient déjà du succès obtenu, quand tout à coup M. Deschambault, s’emparant d’une verge en bois dur dont il se servait pour mesurer sa marchandise, se mit à leur mesurer l’échiné à tour de bras. Cette brusque attaque, à laquelle ils étaient loin de s’attendre, les surprit tellement qu’ils se mirent à fuir comme des enfants. La porte n’était pas assez large pour leur donner passage, et cependant M. Deschambault continuait à les rouer de coups en leur disant: «Ah ! mes mauvais chiens».

En moins d’une minute le fort était délivré de leur visite, et ils ne songèrent pas plus à revenir qu’une bande de bœufs qu’on chasse d’un jardin à coups de gaule.

Quand les portes furent fermées, le commis remonta de la cave plus effrayé que les sauvages, ne comprenant pas comment un seul homme par sa bravoure pouvait mettre en fuite vingt sauvages.

(Légendes du Nord-Ouest. Par l’abbé G. Dugas).

Réception frappante

Un nommé William Rowand, bourgeois de la compagnie de la Baie d’Hudson, a été célèbre parmi les tribus sauvages par la crainte qu’il avait su leur inspirer et l’ascendant extraordinaire qu’il avait acquis sur eux.

Tous en avaient peur comme du diable.

Quoique de taille moyenne et un peu boiteux, il était doué d’une force musculaire peu commune. Il était assez rare que, d’un coup de poing, il n’étendit pas son adversaire sur le sol ; aussi, personne n’aimait à se trouver à la portée de son bras quand il était de mauvaise humeur. Plus d’un avait appris à ses dépens qu’il en coûtait de l’impatienter.

Un soir, une bande de sauvages Pieds-Noirs étaient campés auprès d’un fort dont M. Rowand avait la garde, et, celui-ci venait de se retirer dans sa chambre quand un serviteur vint frapper à sa porte pour l’avertir que le chef sauvage voulait le voir et lui parler. Le temps était mal choisi pour une audience. — Va lui dire, répond M. Rowand, que je ne veux pas le voir et qu’il peut s’en aller.

Le serviteur retourne, auprès du chef et s’acquitte de sa commission. « Mon maître ne veut pas te voir, dit-il, et il te fait dire de t’en aller ». — « Eh bien, répond le sauvage, retourne lui dire que je veux le voir absolument ».

Le pauvre serviteur hésitait de troubler de nouveau M. Rowand. Mais, d’un autre côté, il n’ignorait pas qu’il était imprudent de blesser l’orgueil d’un chef sauvage. Celui-ci, en retournant, auprès des siens, tout humilié, n’essaierait-il pas de leur inspirer l’idée de venger cette humiliation sur le personnel du fort ? Il surmonta donc sa répugnance et vint de nouveau frapper à la chambre de son maître.

« Le chef veut absolument vous voir, dit-il, et il paraît décidé à ne pas partir sans cela ». Il n’en fallut pas tant pour l’exaspérer.

«C’est bien, dit-il, va lui dire que j’y vais», et sans prendre le temps d’endosser un habit de tenue, il sort de sa chambre les poings fermés et se dirige droit vers son homme qui l’attendait près de la porte.

En l’abordant, il lui lance en pleine figure un coup de poing qui l’étend tout son long sur le plancher ; puis, sans lui donner le temps de se remettre sur ses jambes, il lui administre quatre ou cinq coups de pied, en lui disant : «Tiens ! tu voulais me voir, hein ! Va maintenant dire à tes gens que tu m’as vu».

Le chef, qui n’était pas accoutumé à ce cérémonial, trouva l’audience assez longue et s’empressa de filer.

Il retourna tout honteux auprès des siens, évitant, bien entendu, de leur raconter sa piteuse aventure. Il ne paraît pas que, dans la suite, il ait jamais insisté pour voir M. Rowand.

(Légendes du Nord-Ouest. Par l’abbé G. Dugas).

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Brouillard. Photo d’Histoire-du-Québec.ca.

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