Le détective Garand est tancé par le juge Bazin
Si les détectives, déclare le juge Bazin, hier après-midi, se conformaient au Code Criminel, l’administration de la justice s’en porterait mieux. – La validité des déclarations volontaires d’un accusé.
Détective tancé : Le juge Bazin, en acquittant trois accusés qui avaient comparu devant lui aux Sessions, a tancé, hier, après-midi, le détective Garand, de l’agence Thiel. « Si ces détectives, a dit le juge, suivaient les dictées du code criminel anglais, l’administration de la justice serait beaucoup plus avancée. »
Les trois prévenus, Berhtash, Lewis et Rossi étaient accusés d’avoir commis un vol avec effraction au magasin #3 de la Commission des Liqueurs, angle de la rue Windsor et Saint-Antoine. Le vol avait été commis le 4 janvier 1922, dans la nuit. Les voleurs avaient enlevé 50 caisses de scotch – whiskey, qu’ils avaient transportées dans une voiture automobile. La marchandise volée est évaluée à $2,500,00. La recherche des voleurs avait été confiée au détective Garand, de l’agence Thiel. Le 17 janvier, les trois accusés furent arrêtés par le détective Garand qui amena les prévenus à son bureau. Le détectives Garand les mit alors sur leurs gardes d’une manière irrégulière et illégale, a dit le juge Bazin. Garand déclara aux accusés : « Ce sera beaucoup plus simple pour vous de vous dire coupables. »
Garand fit venir alors un avocat et lui demanda de défendre les accusés. L’avocat aurait alors conseillé à Berthash de signer une confession impliquant ses deux compagnons. C’est ce qu’il fit. Plus tard, dans le mois de janvier, les trois accusés subirent leur enquête préliminaire. Le magistrat demanda à Berthash s’il était coupable et celui-ci répondit oui par l’entremise de son avocat. Cette manière de procéder était complètement irrégulière. En outre, Berthash rendit témoignage sans en être tenu, dénonçant ses deux compagnons.
Au cours du procès, hier après-midi, des témoins ont dit que les accusés s’étaient acheté des habits neufs depuis le vol. Un témoin a même dit que Lewis avait offert dix caisses de boisson à un hôtelier. Un témoin a prétendu que l’un des accusés lui avait dit qu’ils projetaient de faire un voyage à Hamilton.
Me Dagenais, qui occupait pour les accusés, a fait témoigner la mère de l’un des accusés. Sa mère a juré que son garçon était entré à bonne heure le soir du vil, et n’était pas sorti après son entrée.
Dans son argumentation, Me Dagenais a présenté une motion de sans lieu. Il a fait ressortir les irrégularités commises par le détectives Garand. Le juge Bazin ne laissa pas même le temps à l’avocat de poursuite de présenter son argumentation.
Il tança vertement le détective Garand. « Le prisonnier, d’après le Code Criminel, est innocent jusqu’à conviction devant les tribunaux. Il doit être traité comme tel et garder toute sa liberté d’agir. Si les détectives le comprenaient une fois pour toutes, l’administration de la justice en profiterait beaucoup. Je ne crois pas que, dans la grande majorité des cas, la mise sur leurs gardes des accusés soit valable. On leur dit : « Vous êtes libres de parler, mais si vous le faites ce que vous direz pourra servir contre vous. Et qu’avez vous à dire?, dit-on à l’accusé. Celui-ci ne comprend pas la portée de cette formule et croit qu’il est obligé de déclarer ce qu’il sait. Je rejette donc, continue le juge, la déclaration volontaire de l’accusé. »
Quant au témoignage, a dit le juge, il a été obtenu sus de fausses représentations. Il était contraire à l’article 668 du Code Criminel qui stipule qu’on ne peut forcer un accusé de plaider coupable ou non coupable avant son examen volontaire. De plus, Berthash n’avait pas le droit d’impliquer deux autres personnes sans leur consentement. J’acquitte donc les deux accusés. »
(C’est arrivé le 17 février 1922).