Contexte historique dans lequel naît le mouvement coopératif Desjardins
Vers la fin du XIXe siècle, la grande majorité de la population du Québec, soit environ 64% est encore rurale. Les dernières décennies du siècle ont été marquées par une série de mauvaises récoltes et les agriculteurs vivaient une situation très difficile.
En effet, les approvisionnements coûtaient cher et les revenus des paysans étaient maigres. En plus, en raison du fort taux de natalité les paroisses rurales de la vallée du Saint-Laurent étaient surpeuplées. En résultat, la plupart d’entre les familles rurales ont accumulé de lourdes dettes. Les nouvelles zones ouvertes à la colonisation au Nord du Québec (dans Abitibi) ne suffisaient pas à absorber le surplus de main-d’œuvre, qui fuit alors vers les villes ou la Nouvelle-Angleterre. Mais dans les usines, les salaires sont bas et le travail est incertain. Les ouvriers habitent pour la plupart des logements insalubres.
À l’époque, Montréal est considéré l’une des villes les plus malsaines du monde et affiche un taux de mortalité infantile élevé. De surcroît, l’accès à l’épargne et au crédit pour les travailleurs est incroyablement difficile, parce que les banques ne font affaire qu’avec les industriels, les commerçants et les familles fortunées.
Pour les gens du peuple l’accès à l’épargne et au crédit est très restreint, voir inexistant. Les prêteurs usuraires sévissent et beaucoup des familles tombent victimes de ces agents peu scrupuleux. Libres de toute contrainte ces « requins » finissent souvent par mettre la main sur les biens de leurs malheureux clients. En avril 1897, Alphonse Desjardins, sténographe français à la Chambre des communes du Parlement canadien, est sensibilisé à ce phénomène au cours d’un débat, quand un député fait état d’un cas où les intérêts ont atteint 3 000 %.
Scandalisé par tant d’injustice, M. Desjardins conçoit l’idée d’une coopérative d’entraide financière des gens de peuple et il décide de se documenter sur les moyens pris ailleurs dans le monde pour contrer ces pratiques. Au cours de ses recherches, il découvre le livre People’s Banks, de Henry W. Wolff. Cet ouvrage porte sur les banques populaires et sur les caisses rurales existant en Europe. Alphonse Desjardins écrit à M. Wolff qui le met en relation avec les dirigeants des caisses rurales européennes. Au fil des échanges, Desjardins élabore le projet d’un nouveau modèle de coopérative d’épargne et de crédit. Cette coopérative doit permettre à la classe laborieuse de devenir son propre banquier.
Ainsi Desjardins entend combattre l’usure et donner aux gens un instrument d’organisation économique. Il poursuit plusieurs objectifs, dont celui de généraliser l’épargne pour parer aux effets du chômage, de la maladie et autres imprévus de la vie; constituer à même cette épargne un système de crédit populaire, accessible aux ouvriers, aux cultivateurs et à toute personne honnête et travailleuse; favoriser la consolidation des entreprises familiales et artisanales; enrayer les ravages de l’usure; initier les leaders de la communauté française-canadienne à l’organisation économique et aux affaires; améliorer les conditions matérielles des classes laborieuses canadiennes.
De retour à Lévis, où il possède une maison, Desjardins réunit un petit groupe de concitoyens, auxquels il expose l’idée de la coopérative et avec qui il définit les statuts de la future caisse populaire. Les participants de la réunion approuvent l’idée. C’est le 6 décembre 1900 que la première caisse populaire est fondée et c’est le début du mouvement coopératif Desjardins. Plus d’un siècle plus tard, l’idéal d’Alphonse Desjardins anime toujours le vaste réseau des caisses: offrir des services financiers populaires sur la base de l’épargne populaire.
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