Désastreux incendies à Montréal

Désastreux incendies à Montréal au XVIII siècle

Incendies à Montréal : Au malaise provoqué par la nouveauté des tribunaux, les derniers incidents de justice et l’inconduite notoire de certains magistrats, s’ajouta la ruine d’un grand nombre par l’incendie d’une partie de la ville. Le 18 mai 1765, le feu éclata dans le réduit d’un nommé Livingstone, situé dans la rue St-Paul. Attisé par un vent violent, l’incendie se propagea rapidement aux bâtisses voisines et toute la partie ouest de la ville devint bientôt un immense brasier.

Les rues St-Paul, St-François, St-Louis et du Marché furent pratiquement rasées; celles de l’Hôpital, St-Eloi, St-Sacrement, St-Nicolas et Ste-Anne, éclaircies de plusieurs maisons. On évalua d’abord les pertes à la somme de £116,000; elles durent être bien plus élevées, parce que 182 bâtisses avaient été anéanties avec tout leur contenu et nombre d’autres endommagées. L’hôpital général des Sœurs Grises avait été complètement détruit. Dans un moment d’exaltation religieuse la mère d’Youville, entourée de ses religieuses récita à genoux le Te Deum laudamus.

Trois ans après, un nouvel incendie, allumé dans la maison d’un nommé Tison, se communiqua aux maisons voisines et ravagea une grande partie du faubourg St-Laurent. Le feu, quoique énergiquement combattu par les soldats de la garnison, dirigés par le colonel Jones, réussit pourtant à détruire une centaine d’habitations.

Ces deux calamités aussi rapprochées jetèrent dans la rue près de 300 familles indigentes. Pour venir en aide aux malheureux sinistrés, le clergé de Londres, secondé par des marchands anglais, organisa un comité de secours et lança une souscription publique. À cette occasion Benjamin Price, marchand de Montréal, fut envoyé à Londres pour recevoir les fonds recueillis de la charité publique. Vers 1770 il paraît y avoir eu dans la ville plusieurs tentatives d’incendie criminel, car le Conseil de Québec offre une récompense de 200 livres pour celui qui dénoncera ses complices. L’année suivante, il fait don de £100 à une société de protection contre le feu pour achever un réservoir, faire des conduites d’eau, ériger des bassins dans différentes rues). On voit que l’initiative des citoyens devait parfois suppléer à l’inertie des pouvoirs publics pour assurer quelque protection à la population des villes.

Deux mentalités

Les derniers désastres causés par l’incendie affectaient surtout les Canadiens, déjà très éprouvés par la perte de « leurs privilèges, de leurs lois, remplacées par un déluge de lois inconnues, synonymes de dépense, de chicane et de confusion ». (Archives canadiennes. Série Q. 5, 1, p. 260: Lettre de Carleton à Shelburne, 25 novembre, 1767). Il faut reconnaître que tous ces mauvais effets de la conquête étaient déprimants pour les caractères et produisaient le plus grand désarroi dans la vie économique de la métropole canadienne.

On comprend, qu’à une époque aussi troublée, les Anglais aient pu s’emparer des sources de la richesse nationale: commerce et industrie, au détriment de l’ancienne population. Ils ne le doivent pourtant pas à des moyens financiers supérieurs aux nôtres, ni même à leurs plus grandes aptitudes dans ce domaine.

Ils le doivent avant tout à leur audace, à leur confiance en eux-mêmes, ces deux qualités essentielles, dont nous a privés la conquête et que nous n’avons pas encore complète ment récupérées. Parler de la richesse des Anglais d’alors, c’est ignorer l’histoire et se complaire dans la légende.

C’étaient des gueux pour la plupart et très mal vus des autorités locales. En voici un portrait aussi vrai que peu flatteur.

« Les quelques anciens sujets de sa majesté qui demeurent dans la province (nous pourrions ajouter à Montréal surtout) y ont été pour la plupart laissés par accident. Ils se composent d’officiers, de soldats licenciés et de ceux que l’armée traînait à sa suite; gens, qui, ne sachant que faire en d’autres lieux, se sont installés ici lors de la reddition; ce sont des trafiquants de hasard ou des gens qui, ne pouvant plus demeurer en Angleterre, en sont partis pour essayer de refaire leur fortune; mais l’expérience leur a démontré que le commerce exige ici un rigide esprit d’économie auquel ils sont étrangers ou qu’il leur est impossible de mettre en pratique. (Shortt & Doughty: Documents sur l’Histoire Constitutionnelle du Canada, 1911, p. 172.)

Il faut dire que ce portrait d’aventuriers, que trace Carleton des premiers colons anglais, perdit vite de sa ressemblance avec ceux qu’il représente. Dix ans, quinze ans au plus après la cession, les quelques centaines d’Anglais, établis à Montréal, avaient entrepris avec succès la reconstruction économique de la ville et du pays presque à leur avantage exclusif. Profitant de leurs accointances avec les maîtres du commerce britannique et mettant à profit leur audace, leur courage, leur confiance en eux-mêmes, ils s’occupèrent activement de l’avenir, alors que les autres, tous les autres, s’attardaient à songer toujours avec regret au malheureux passé et laissaient bénévolement s’accomplir la conquête économique après la conquête du pays. De celle-là nous sommes en grande partie responsables. Nous avons perdu, parce que nous l’avons voulu, les sources de la richesse et de la prospérité nationales. Nous avons perdu cette grande bataille avec un effectif de cent contre un.

En ce temps-là, les citoyens français de Montréal, quand il s’agit de politique, de justice, de droits religieux ou civils, savent conduire la lutte avec vigueur et presque toujours gagnent leur point. Mais en économie générale, ils ont vite abandonné le morceau aux mains de leurs concurrents.

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Victime d’un incendie. Photo de Megan Jorgensen.

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