Le dernier météore
Dernier météore : Vendredi dernier 17 octobre (1834), dès le matin, le temps qui depuis quelques jours s’était montré beau, mais sec et froid. S’est tout à coup résolu en une atmosphère doux et chaud.
À 11 heures, le ciel semblait surchargé de vapeurs, qui, à chaque instant, augmentaient d’épaisseur et descendaient graduellement vers la terre. On eut dit que la teinte enfumée, qui si souvent plane sur la ville de Londres, s’était étendue jusqu’à nous.
De temps à autres, des reflets rougeâtres perçaient les nuées. C »étaient des espèces d’éclairs prolongés, mais sans éclats de foudre. Ou plutôt, le spectacle qui s’offrait aux yeux, ressemblait à un immense incendie, dont la lueur traverse à peine l’épaisseur de la fumée. Un vent assez violent soulevait la poussière. On ressentait des nausées pareilles à celles apportées par les exhalaisons de la suie brûlée.
Cet état d’obscurité argentée se prolonge jusqu’à trois heures et demi, époque à laquelle il s’est tellement épaissi qu’il devient nécessaire de prendre des lumières dans plusieurs maisons, pour continuer les travaux.La clarté ensuite revient graduellement. Le tout s’est résolu en une pluie chaude sans violence. Pourtant dont l’eau, même reposée, était mêlée d’une poussière de même nature que celle du noir de fumée.
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Beaucoup de personnes ont pensé que ce météore était produit par une éclipse de soleil et que la science de nos astronomes était en défaut. En fait, un simple raisonnement suffira pour détruire cette croyance et prouve que jamais, dans l’ordre ordinaire des choses, une éclipse de soleil ne pouvait arriver en pleine lune.
Pour qu’il y ait l’éclipse du soleil il faut que la lune soit placée entre cet astre et la terre. Or la pleine lune est l’une des phases où la terre se trouve entre le soleil et la lune. Il n’existe qu’un seul exemplaire d’un éclipse dans la situation où elle aurait eu lieu pour notre pays. Mais il est regardé comme un miracle qui se rattachait au divin sauveur qui en fut l’objet et l’ouvrir.
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Il convient mieux de croire que ces événements atmosphériques ont une cause plus naturelle. Qu’ils proviennent de vapeurs volcaniques amenées de loin et condensées avec les airs.
Le 8 novembre 1819, une semblable apparition météorologique eut lieu. Elle fut même plus longue et plus intense. L’obscurité fut telle qu’à 2 heures il devint impossible d’y voir. Divers événements en furent les résultats et la foudre a frappé la croix de la paroisse de Montréal. Peu de temps après on apprit qu’un volcan ignoré jusqu’alors, avait jeté des laves, dans une partie éloignée de l’Amérique et que des secousses de tremblement de terre s’étaient fait ressentir, dans une autre. C’est aux même événements qu’il faut sans doute attribuer ce que nous venons d’éprouver.
(La Minerve, 20 octobre 1834).