Guerres indiennes : Départ des guerriers à la guerre
Le jour du départ, tous les guerriers dans leurs plus beaux atours, et armés de toutes pièces, s’assemblent dans la cabane du chef du parti, lequel est toujours noirci et armé à son ordinaire. Pendant ce temps-là les femmes chargées de leurs provisions prennent les devants, et vont les attendre à une certaine distance hors du village. Lorsqu’ils sont assemblés, le chef les harangue courtement, et sort le premier chantant seul sa chanson de mort au nom de tous les autres qui le suivent à la file un à un sans dire mot. Hors de la palissade, ils font une décharge de leurs fusils, s’ils en ont, ou décochent une flèche, en l’air, et le chef continue à chanter en marchant jusqu’à ce qu’il soit hors de la vue du village. Il fait tous les jours la même chose, et ne manque jamais en décampant tous les matins à chanter sa chanson de mort, jusqu’à ce qu’il soit entièrement hors de danger, et même de retour dans son village, où il est obligé de faire un nouveau festin, pour remercier l’esprit qui l’a favorisé dans son entreprise, et l’a ramené en le délivrant de tous les périls.
Les guerriers, étant arrivés où les femmes les attendent, se dépouillent de toutes leurs parures, et s’équipent en voyageurs, remettant à leurs épouses, ou à leur parents, tout ce qui ne leur est pas absolument nécessaire, et ne se chargeant que le moins qu’ils peuvent.
Les Iroquois et les Hurons nomment la guerre n’ondoutagette et gaskenrhagette. Le verbe final gagetrron, et qui signifie porter, marque bien qu’on y portait quelque chose autrefois, qui en était tellement le symbole qu’elle en avait pris sa dénomination.
Le terme ondouta signifie le duvet qu’on tire de l’épi des roseaux de marais, et signifie aussi la plante tout entière, dont ils se servent, pour faire les nattes sur quoi ils couchent, de sorte qu’il y a apparence qu’ils avaient affecté ce terme pour la guerre, parce que chaque guerrier portait avec soi sa natte dans ces sortes d’expéditions.
En effet, la natte est encore aujourd’hui le symbole qu’ils représentent dans leurs peintures hiéroglyphiques pour désigner le nombre de leurs campagnes. Pour ce qui est du terme gaskenrha, il est si ancien que le Sauvages eux-mêmes n’en savent plus la signification. Mais comme il serait inutile de courir après les étymologies, sur lesquelles les naturels du pays sont embarrassés eux-mêmes, il me suffit de dire que tout ce que les Sauvages portent dans leurs courses militaires se réduit à leurs armes, à quelques ustensiles nécessaires dans les campements, et à quelques provisions de farine préparée.
(Tiré du Mœurs des Sauvages Américains, comparés aux mœurs des premiers temps, par Joseph-François Lafitau).
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