Déluge du Saguenay

La baie des Ha ! Ha ! ne riait pas ce jour-là

Déluge du Saguenay : Qui ne se souvient avec horreur des 19 et 20 juillet 1996, alors que plus de 250 mm de pluie s’abattaient en 48 heures sur la région du Saguenay, une quantité d’eau généralement reçue en un mois dans le secteur ! On calcule que les précipitations, survenues durant l’hiver, auraient couvert la région de près de 3 mètres de neige ! En l’occurrence, plusieurs cours d’eau majeurs n’ont eu d’autres choix que de sortir de leurs lits. Désormais gravé dans les mémoires, le déluge du Saguenay, un événement sans précédent dans l’histoire du Québec, fut le résultat d’un éventail de facteurs liés aux conditions météorologiques, au type de sol, au relief, à l’hydrographie et à l’occupation humaine du territoire.

En effet, la région repose sur le Bouclier canadien, un sol granitique peu perméable, déjà gorgé d’eau à la suite des averses fréquentes de la première moitié de juillet. Si l’on considère la topographie montueuse des Laurentides qui favorise le développement de fortes pluies, un relief qui repousse les nuages vers le sommet des montagnes, une accumulation qui en augmente la condensation, l’air y étant plus froid, les précipitations apportent d’avantage de pluie en amont qu’en aval des rivières. Par conséquent, l’eau dévale obligatoirement vers les bassins récepteurs situés plus bas. Finalement, l’utilisation du territoire par l’Homo sapiens aura largement contribué au désastre.

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On sait que les premiers colons s’établissaient de préférence sur la berge des cours d’eau, lesquels constituaient les voies de communication les plus accessibles. Ils ‘accommodaient des humeurs inégales et des crues printanières des rivières. Peu à peu, l’exploration de l’eau et du bois, couplée avec le développement urbain, contribua à remplir, à dévier et à canaliser le lit naturel de plusieurs affluents. Même après la construction d’ouvrages de retenue et la formation de vastes réservoirs, on ne jugea pas nécessaire de s’en éloigner. Résultat : ce sont les riverains de certains réservoirs et de cours d’eau remodelés et gérés par l’activité humaine qui ont subi la dure leçon du déluge le plus mémorable de notre histoire.

On assite alors, dans l’arrondissement de La Baie, la ville la plus touchée par les inondations de 1996, au retour de la rivière Ha! Ha! dans ses droits et son lit primitifs, au balayage du secteur de Grande-Baie, au déferlement d’une formidable vague de boue jusqu’à la sorte de la baie des Ha! Ha!. Plus de 50 millions de dollars plus tard, les infrastructures publiques (routes, ponts réseaux d’aqueduc et d’égouts) étaient restaurées. Il fallut 30 millions de plus pour stabiliser et réaménager les berges de la rivière Ha! Ha! et la rivière À-Mars.

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Comment l’écosystème de la baie des Ha! Ha! et du Saguenay s’en est-il sorti? Bien que le bilan soit difficile à dresser, on estime que les eaux en furie ont transporté d’énormes quantités de débris, dont certains à potentiel toxique : contenants et réservoirs de propane, de mazout, d’essence, d’huile, de BPC, etc. Par contre, la rudesse du débit à probablement contribué à diluer et à lessiver ces produits nocifs. Les scientifiques n’ont pas trouvé trace de tels contaminants dans l’échantillonnage de la rivière Saguenay effectué pendant les mois consécutifs à la catastrophe.

Outre les débris, plus de 9 millions de mètres cubes de sédiments furent charriés, laissant entre 10 à 50 centimètres de boue dans la baie de Ha ! Ha ! Et dans la région limitrophe du Saguenay, des chiffres qui correspondent à plus de 100 ans de sédimentations. Beaucoup d’organismes qui vivent sur les fonds où ils forment le benthos se sont donc retrouvés ensevelis brusquement sous des tonnes de sédiments. Ces vers, crustacés, mollusques et autres animaux benthiques servent généralement de nourriture aux poissons. Fort heureusement, la plupart d’entre eux possèdent une motilité qui aura permis, soit de leur éviter l’ensevelissement complet, soit de les propulser à la surface pour en coloniser ultérieurement le substrat.

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Somme toute, la région et son patrimoine faunique se remettent mieux que mal du fameux déluge. On trouvera peut-être un effet positif aux inondations : Après le déluge, le lit de la rivière des Ha! Ha! A été entièrement réaménagé, une nappe de sédiments nouveaux recouvre désormais le fond de la baie des Ha! Ha!, scellant l’ancien substrat contaminé par les alumineries et les papeteries au cours des années 1950, 1960 et 1970. La baie présente aujourd’hui en quelque sorte une belle page blanche où reprendre l’écriture de son histoire. Pour combien de temps encore?

(Source : Rivières du Québec, Découverte d’une richesse patrimoniale et naturelle. Par Annie Mercier et Jean-François Hamel. Les éditions de l’Homme, une division du groupe Sogides).

Voir aussi :

Déluge du Saguenay
Déluge du Saguenay. Photographie de l’époque, libre de droit.

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