Le décès du duc de Guise et la France

Le duc de Guise est mort au Maroc – Son fils, le comte de Paris, lui succède à la tête de la maison de France

Tanger, 26 août 1940. Le duc de Guise, prétendant au trône de France, est mort hier soir à son château de Larache (El-Araich), au Maroc espagnol. Lui succède son fils Henri de Guise, prince d’Orléans, comte de Paris, âgé de 32 ans, qui depuis plusieurs années était de fait prétendant à la couronne de France. La loi républicaine interdisant aux princes de la maison de France de résider en territoire français, le comte de Paru s était vu refuser la permission de servir dans l’armée française au début des hostilités en septembre 1939. En octobre dernier, le comte se rendait a Londres afin d’offrir ses services a l’armée britannique.

Le duc de Guise était né à Paris le 4 septembre 1874 Sa vie a suivi le cours de celle de la Troisième République, proclamée en 1870, dotée de sa constitution définitive en 1875, et dont le maréchal Pétain a annoncé la fin à Vichy il y a 6 semaines.

Depuis 1809 le duc de Guise vivait dans son vaste domaine marocain; il s’y consacrait surtout à ses trois fermes modèles. Lorsqu’il est mort hier, il était entouré de sa femme, la duchesse Isabelle, sœur du feu duc d’Orléans, et de ses filles: la princesse Françoise, épouse du prince Christophe de Grèce; la princesse Anne, sœur du duc des Pouilles, cousin du roi d’Italie; la comtesse Isabelle, veuve du comte Bruno d’Harcourt.

Les obsèques auront lieu demain à Larache; on prévoit qu’y assisteront de nombreux royalistes.

Ne à Paris du duc de Chartres et de la princesse Françoise d’Orléans, le duc de Guise avait épousé sa cousine germaine, la princesse Isabelle de France, sœur du duc d’Orléans. Il avait fait ses études militaires dans l’armée danoise. Au début de la Grande Guerre, il avait demandé à servir dans l’armée française, mais sa demande avait été rejetée par le gouvernement français. Cependant, il était resté longtemps sur le front de Champagne comme délégué de la Société de secours aux blessés militaires, et avait été cité à l’ordre du jour de l’armée.

À la mort du duc d’Orléans, en 1926, il était devenu sous le nom de Jean III prétendant à la couronne de France, mais avait dû s’exiler en Belgique en vertu de la loi de 1886 relative aux membres des familles ayant régné en France. Son fils, le prince Henri, fut fait compte de Paris en 1929.

Le duc de Guise

Le décès du duc de Guise remet l’actualité la question de la possibilité d’une restauration monarchique en France, déjà soulevée lorsque le gouvernement du maréchal Pétain déclara la déchéance de la Troisième République pour donner à son pays une constitution et des institutions assez semblables à celles de l’ancien régime. Car même si leur prince ne règne pas, les royalistes ne manquent pas de crier à la mort du prétendant : Le roi est mort, vive le roi!

Il n’y a pas cette fois de discussion au sujet de la succession au titre hypothétique du roi de France. Le duc de Guise se donnait le nom de Jean III. Quel nom choisira son fils, le comte de Paris? Celui-ci avait déjà succédé en fait à son père comme prétendant au trône de France. Car les royalistes français ne voulaient pas d’un coup d’État qui eût peut-être pris le peuple par surprise et n’eût rétabli que pour un temps un régime monarchique aussi éphémère qu’un cabinet de la Troisième République.

Ce coup d’État, prétendent-ils, ils auraient pu le faire à plusieurs reprises, en particulier lors des émeutes du 6 février 1934, alors qu’on s’attendait un peu à voir le maréchal Pétain ou le général Weygand renverser les politiciens qui avaient fait tirer sur la foule parisienne. Mais les gens de l’Action française préféraient attendre, disaient-ils que l’opinion fût mieux préparée à accepter, voire à réclamer un changement de régime qui se serait alors produit avec plus de chances de durée. Ce jour-là serait-il venu sans la guerre et sans la défaite du mois de juin? C’est difficile à dire. Mais comme les royalistes préparaient une longue échéance, c’est au fils du prétendant plutôt qu’au duc de Guise lui-même qu’ils semblaient surtout songer, c’est sur le comte de Paris qu’ils faisaient reposer tous leurs espoirs.

Le duc lui-même semblait favoriser cette succession anticipée en mettant sans cesse de l’avant ce fils à qui il avait fait donner l’éducation la plus propre à se préparer à la tâche qui, espérait-il, lui serait un jour confiée. C’est pourquoi quand, en marge de l’Action française, avec laquelle elle devait rompre un peu plus tard, la famille royale voulut avoir un journal monarchiste, c’est le comte de Paris et non le duc de Guise qui fonda le Courrier royal et en fut le directeur apparent. C’est encore le fils qui fit paraître des articles de revue et qui signa un « Essai sur le gouvernement de demain », livre écrit évidemment avec la collaboration du père qui y inséra n « Message ». Le duc de Guise avait ainsi lui-même de son vivant préparé la carrière du comte de Paris. Le jeune prétendant connaît donc déjà son rôle. Pour le remplir avec dignité et discrétion, il lui restera l’exemple de son père.

Voir aussi :

Le décès du duc de Guise et la France
Un cimetière triste. Illustration de Bing.

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