Crimes et châtiments en Nouvelle-France
Châtiments en Nouvelle-France : Autrefois, la vie était dure. Les châtiments aussi. Même ceux qu’on on infligeait pour des crimes qui nous paraissent aujourd’hui tout à fait anodins. Des châtiments tels la potence, le cheval de bois, le carcan et même l’écartèlement, apparaissent dans les archives de la Nouvelle-France. On y apprend par exemple qu’un homme qui a volé une vache et une femme qui a subtilisé quelques ustensiles ont été marqués au fer rouge.
Ce qui rend la punition plus dramatique encore, c’est qu’elle est infligée en public. À Québec, par exemple, un certain Pierre Nicolas dit Lavallée est pendu et étranglé en 1667. Lavallée était un dur. Il n’en était pas à sa première condamnation. On l’avait déjà marqué au fer de la fleur de lys pour vol qualifié. Il eut l’oreille droite coupée pour un autre vol. Il avait été condamné au carcan durant quatre heures pour une troisième infraction. Finalement, les autorités décidèrent d’en finir avec lui.
À Montréal, ces spectacles sont présentés place Royale. Les gens intéressés ont ainsi pu assister, en 1741, à l’exécution d’un dénommé Louis Mallet et de sa femme, reconnus coupables d’avoir fabriqué de la fausse monnaie de carte.
*
Un peu plus tard, le révérend Douglas Bothwick, chapelain militaire et civil, raconte qu’un soldat qui a désobéi aux ordres reçoit 500 coups de fouet et 300 autres pour avoir vendu de l’alcool sans autorisation. Cela se passe en 1759. Un autre soldat est condamné à 500 coups pour avoir volé la boisson de son officier. Deux simples soldats en reçoivent 1000 coups pour avoir osé se revolver contre l’autorité. Comme nous pouvons le constater, nos ancêtres sont suivis de près. Et malheur aux récidivistes! Même au XIXe siècle, la justice reste sévère. Ainsi peut-on lire dans les vieux registres de Montréal qu’entre 1812 et 1840, 54 personnes sont pendues : 13 pour vols de bestiaux, 12 pour cambriolages, 2 pour vols à la tire et 2 autres pour blasphème.
Châtiments en Nouvelle-France : Jean Berger
L’histoire de Jean Berger vaut la peine qu’on s’y attarde. Pour l’anecdote, mais aussi pour la compréhension de la société des siècles passés.
Berger est un jeune homme de 27 ans, peintre de son métier. Berger est marié et vit à Montréal depuis deux ans. Un beau matin, on vient l’arrêter : il est accusé d’avoir, en compagnie d’un caporal nommé Lambert Thuret, blessé sérieusement à coups de poing l’apothicaire Le Boiteux de Saint-Olive, au moment où ce dernier sortait de chez Daniel Dulhut, le célèbre explorateur, rue Saint-Paul, à Montréal, le soir du 24 février 1709. Mais Berger réussit rapidement à prouver son innocence. On arrête le vrai coupable : un soldat du nom de Latour.
Toutefois, durant les quelques heures qu’il passe en prison, Jean Berger a une bien mauvaise idée pour se remonter le moral : il compose quelques couplets ironiques sur sa mésaventure. Mal lui en prend, en fait on le traite de pamphlétaire séditieux, peu respectueux de l’autorité établie, et on le condamne sur-le-champ au carcan. Il sera exposé pendant une heure, attaché par le cou, sur la place de marché.
*
Un écriteau expliquera aux badauds : Auteur de chansons. Pire, il sera banni à jamais de Ville-Marie, en plus de payer une amende. Imagine-t-on les punitions qu’auraient à subir les humoristes d’aujourd’hui? Il a beau supplier, expliquer que jamais il n’a eu l’intention de ridiculiser l’autorité, le pauvre Jean Berger doit subir la peine. Puis il quitte la vile. On ne l’y reverra jamais.
Les deux soldats coupables sont emprisonnés. Mais une nuit, déguisés en femmes grâce aux vêtements que des amis leur ont fait passer, ils s’évadent. La justice suit son cours. Thuret et Latour, même disparus, sont condamnés à 200 livres d’amende et à être pendus et étranglés. La sentence sera exécutée en effigie « sur un tableau ».
(Source : Marcel Tessier raconte… Chroniques d’histoire, tome I. Éditions de l’Homme, une division du groupe Sogides, 2000).