Ville-Marie : Coureurs de bois et Congés
Coureurs de bois et congés : Les récits de guerre ne sont pas les seuls que nous apporte l’écho de ces jours lointains. À côté de l’activité militaire du temps, se développaient des entreprises d’ordre économique et social qui consolidaient l’établissement de Montréal.
L’industrie, on le sait, ne fut jamais florissante sous le régime français. Elle n’existait pratiquement pas au temps que nous étudions. En tout cas, nous n’en connaissons rien.
Le commerce local s’alimente tout juste des besoins de quelques mille habitants, groupés dans une petite ville et quelques villages à peine formés. Il ne devait pas être bien considérable.
Quant au trafic des fourrures, c’est la grande source d’activité et de richesse du temps. Une bonne partie de la population y est intéressée, d’une façon ou d’une autre. Un grand nombre en font leur unique occupation. On a vu que les excursions militaires de La Barre et Denonville n’y étaient pas étrangères. Mais les plus actifs agents de l’exploitation des produits de chasse furent les fameux coureurs de bois. Il est incontestable qu’ils rendirent d’utiles services aux compagnies comme aux traitants particuliers. Ils causèrent aussi beaucoup d’ennuis.
Malgré les sévères ordonnances rendues contre eux, avec sanction (( d’amende arbitraire,)) d’emprisonnement, de dégradation, ou même de pendaison, on ne réussit jamais à empêcher ce genre d’industrie commerciale.
L’avidité d’un gain facile, parfois considérable, poussait irrésistiblement les colons à abandonner leurs terres pour courir l’aventure dans les forêts. Les autorités, il faut le dire, furent souvent inconséquentes dans leur conduite à l’égard des audacieux (( voyageurs )) des pays d’en Haut. Elles les employèrent souvent pour le service de l’État ou le bénéfice des personnes en charge de l’administration. On l’a bien vu sous le gouvernement de François Perrot.
Pour obvier aux abus d’un trafic irrégulier, illicite et sans contrôle, le roi décida d’accorder chaque année vingt-cinq (( congés de traite »( «… Le gouverneur pourra accorder permission à 25 canots, équipés de 3 hommes chacun, d’aller traiter avec les sauvages dans les profondeurs des bois.» — Ordonnance du roi, 2 mai 1681. — Archives de la Marine: «Collection Moreau St-Méry », vol. 4, folio 10.) pour faire concurrence aux coureurs de bois. Ces congés étaient donnés à des personnes méritantes, à des institutions religieuses et même à des familles pauvres. Quelques-uns des donataires organisaient à leurs frais ces voyages de commerce, mais la plupart les vendaient à leur bénéfice. C’était le cas généralement des institutions et des pauvres.
Chaque printemps, une flottille de canots d’écorce partait de Montréal avec équipages, provisions, marchandises d’échange et se dispersait sur les rivières et les lacs de l’Ouest, guettant les sauvages au retour des grandes chasses. Les traitants revenaient à l’automne avec leurs riches ballots de fourrures, que les compagnies de commerce expédiaient en France.
Montréal était forcément le centre de rayonnement et d’aboutissement des voyageurs et coureurs de bois, le principal marché des échanges commerciaux. L’achalandage que développait ici le trafic des fourrures faisait se greffer sur la grande industrie des activités secondaires, des branches connexes du commerce, dont l’ensemble faisait la prospérité croissante de la ville.
En 1696, les congés de traite furent abolis, à cause des abus que l’on disait en résulter. Les compagnies de commerce reprirent l’exercice de leurs privilèges exclusifs et seuls les coureurs de bois continuèrent de leur faire concurrence en marge des lois. On dut plus tard revenir au système des congés de traite, pour empêcher les colonies anglaises de détourner à leur profit tout le commerce des fourrures.
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