Coup de charme
Chef ouvrier bien connu accusé de manœuvres indignes envers une jeune fille de 14 ans
Affaire de mœurs au début du XXe siècle. Les don juan de l’époque n’agissaient guère différemment qu’aujourd’hui
(Note : On notera l’usage abondante du pointillé, de manière à protéger toutes personnes impliquées jusqu’au début du procès).
Le 31 mai 1900, la paroisse ….. du comté de Champlain était en émoi à cause de la disparition soudaine d’une jeune fille, appartenant à une brave famille de la localité. La jeune fille avait quitté le domicile de ses parents sans raison apparente. La police fut informée du fait, des perquisitions furent faites dans tous les coins de la province, mais tout fut inutile. Les parents pleuraient leur enfant, l’excitation causée par cette mystérieuse affaire s’apaisa peu à peu. Peu après, il n’en fut plus question.
La jeune enfant est d’une beauté remarquable; elle se distingue par une intelligence extraordinaire, mais elle est timide, et comme tous les enfants de la campagne, elle est d’une naïveté qui révèle la candeur et l’honnêteté.
Le chef ouvrier que nous désignerons sous le nom de X, arriva aux chantiers, situés à une couple de milles de la paroisse où demeurait la jeune fille, de bonne heure au commencement du printemps dernier. Il se fit remarquer aussitôt par ses allures cavalières et entreprenantes. Il se disait garçon et agissait en conséquence.
Le coup du charme
Un jour, le malheur voulut qu’il rencontrât dans la rue, par hasard, la jeune fille. X fut frappé par la beauté incomparable de cette jeune fille, … qui n’avait connu d’autre amour que celui qu’elle avait toujours entretenu pour ses vieux et vénérables parents.
Il résolut la perte de cet enfant. Il manœuvra d’une façon tellement habile, qu’il réussit à se faire présenter à la jeune beauté par l’intermédiaire d’un ami de la famille. Il résulta de cette première entrevue un échange de correspondance que la famille découvrit plus tard et qui démontre toute la perfidie du corrupteur de l’innocence. Dans quinze de ces épitres, brûlantes de passion, il parle de bonheur, d’espérance, et de ce que lui procurera une union consacrée par la religion.
Il promet voiture, maison, piano, joie de vivre dans la tranquillité de la famille…
Déjà marié
Il mentait à cette jeune et naïve enfant, comme il trahissait honteusement une épouse avec ses trois enfants qu’il avait abandonnés plusieurs mois avant, et qui attendaient vainement de ses nouvelles.
Un jour, la jeune fille quitta la maison pour rendre une visite à son oncle. Sa mère était malade, et avant de partir, elle lui donna de la monnaie pour acheter un peu de cognac. X, qui guettait depuis plusieurs jours les allées et venues de la jeune fille, l’accosta et finit par convaincre l’enfant de son amour. Il proposa une visite au théâtre d’une ville voisine.
Après le théâtre, X prit la direction de la gare. Il mit l’enfant sous l’impression que le train qu’ils allaient prendre les conduirait à la paroisse où demeuraient ses parents. Il acheta cependant deux billets pour Montréal. L’arrivée du couple à Montréal s’opéra sans encombre. Pendant deux jours, ce ne fut que théâtre, soupers fins, amusements divers. De là, X conduisit l’enfant à Lachine. Elle voulut s’en retourner, il s’interposa. Voyant que sa proie allait lui échapper, il partit avec elle pour une petite ville du district de Montréal, où il arriva le 15 juin dernier. Rendu là, il loua des meubles et présenta la jeune fille au public comme étant sa jeune sœur.
Dernièrement, il se fit beaucoup de bruit autour du nom de X. Il résolut donc de s’en enfuir avec la jeune fille.
Épilogue
(La Presse poursuit l’article, en expliquant que c’est grâce à la ténacité, à la patience et à la compétence du capitaine L., et un peu à la chance aussi, qu’on a retrouvé la jeune fille.
En effet, après avoir franchi pas moins de 1500 milles à suivre la trace de X, le capitaine L. le rejoint finalement dans un petit village peu connu de l’Ontario où il arrêta X pour d’autres motifs.
C’est quelques jours plus tard, à l’occasion d’un voyage à Trois-Rivières qu’il apprit l’existence de la fugue de la jeune fille et de sa correspondance amoureuse avec X. Après avoir reçu la déposition de la jeune fille, le capitaine L. eut le bonheur de la rendre à ses parents lors de retrouvailles fort pathétiques.
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