La cordonnerie mécanique au Québec
L’arrivée de la cordonnerie mécanique a changé la vie du Québec. Depuis 1864, on commence à fabriquer des chaussures à la machine, sauf pour la taille de l’empeigne.
Autrefois, l’ouvrier faisait un lot de 12 paires à la fois, mais avec l’avènement du procédé mécanique on en fabrique par douzaines de caisses. Un artisan faisait sa chaussure en entier, le machiniste n’en fabrique qu’une partie, toujours la même. Pour devenir maître – cordonnier, il fallait y consacrer des années d’apprentissage, mais on devient machiniste du jour au lendemain.
Bref, le machiniste a supplanté le cordonnier. Le bonheur des uns…
La cordonnerie mécanique s’établit à Québec au cours du mois de juillet 1864, quand trois jeunes cordonniers nés au Québec mais émigrés dans le Massachusetts retournent au pays pour ouvrir dans la ville de Québec une manufacture de chaussures. Ils se mettent résolument à l’œuvre. Les noms de ces trois entrepreneurs sont Guillaume Bresse et les frères Georges et Louis Côté.
C’est d’ailleurs ce qui a sauvé la ville de la ruine économique qui la menaçait après la disparition des chantiers navals et le déplacement des activités portuaires vers le port de Montréal.
Inutile de dire que les cordonniers traditionnels n’entendaient pas se faire couper l’herbe sous le pied par ces trois petits Américains. Alors les ouvriers se liguent contre les trois machinistes et proposent de leur faire une concurrence acharnée. La conspiration ne réussit pas et la machine a raison de l’alêne et du marteau du cordonnier. Qui veut la fin, prend les moyens…
Les Américains, sans se laisser intimider, augmentent la production de leur usine installée rue Desfossès, près du Palais de l’Intendant. Sans cérémonie, les bras chargés de bottines, les trois partenaires vont eux-mêmes livrer la marchandise aux détaillants. Grâce à la technique industrielle que l’on commence à appeler la taylorisation, ils fabriquent à bien meilleur compte et leurs produits coûtent beaucoup moins cher.
Petit à petit, sur les tablettes des magasins, les marchandises américaines prennent la place de la bottine traditionnelle et menacent de la détrôner complètement.
Partis en guerre pour tordre le cou à ces trois va-nu-pieds, les artisans locaux revinrent en boitant.. Alors ils changent leur fusil d’épaule et adoptent la nouvelle méthode de fabrication des chaussures. Même les plus farouches adversaires de la machine, notamment l’entreprise Woodley, passent à la cordonnerie mécanique. Notons en passant que la lutte inégale entre l’alêne et le marteau d’une part, et la machine d’autre part, n’a pas duré longtemps et que la confection en série l’a vite emporté.
Pendant quelques temps la chaussure des maîtres-cordonniers eut les faveurs des traditionnalistes qui croyaient que les chaussures fabriquées à la main étaient de qualité supérieure. Certains tiraient vanité de leurs souliers faits à la main. Ces chaussures se vendaient plus cher et les marchands n’avaient pas de scrupules à exploiter cette vanité pour carotter quelques sous à leurs clients.
Mais la victoire revint aux machinistes. En 1871, il y avait au moins sept grandes manufactures mécanisées à Québec. Elles employaient alors environ deux mille cordonniers qui produisaient annuellement 1 530 000 paires de chaussures au coût de $2 300 000 (prix des années 1870).
Les sept manufactures appartenaient aux propriétaires suivants: Guillaume Bresse, Samuel Woodley, Binet et Laroche, J.-B. Richard, Octave Migner, Louis Bilodeau el Paul Couture. Ce dernier avait la réputation de ne faire que de la fine chaussure cousue en n’utilisant que des cuirs anglais ou français. Chausser ses chaussures était vu comme un signe d’élégance.
Remarquons qu’au début certaines usines s’installèrent sur les hauteurs de Québec et dans la Basse-Ville, mais peu de temps après presque toutes les entreprises se fixèrent dans le faubourg Saint-Roch, centre industriel et commercial de Québec.
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