La Convention (Septembre 1792 – octobre 1795)
Le radicalisme révolutionnaire
Après l’exécution du roi, le pouvoir se durcit en raison des troubles intérieures et des difficultés extérieures. Mais les excès de la Terreur conduisent à une réaction libérale.
La nouvelle Assemblée compte 749 membres essentiellement composés de révolutionnaires, car l’électorat modéré, effrayé par les massacres de septembre a peu voté. Dominé par les Girondins, elle n’en comprend pas moins une forte minorité montagnarde, parmi lesquelles s’illustreront Danton, Robespierre, Marat, Saint-Just et bien d’autres.
Une Constitution démocratique sans lendemain
La Constitution de l’an I (votée le 24 juin 1793), rédigée en partie par Condorcet et Séyès, prévoit l’élection au suffrage universel d’une Assemblée législative, et par celle-ci d’un conseil exécutif de 24 membres ; elle proclame le droit au travail et à l’instruction, envisage le recours au référendum et une grande décentralisation : mais elle n’est pas appliquée en raison de la situation extérieure et des troubles dans les régions.
Le durcissement
La Convention a deux problèmes prioritaires à régler : celui de la nature du régime et celui de la guerre extérieure. Pour ce qui est du premier, elle abolit la royauté le 21 septembre 1792 et déclare la République une et indivisible, le 25 septembre. Après la découverte le 20 novembre, des papiers secrets du roi (dans l’armoire de fer des Tuileries, où se trouve sa correspondance avec l’étranger), elle organise le procès de Louis XVI. À une voix de majorité, la Convention vote la mort du roi, qui est exécuté le 21 janvier 1793.
Pendant ce temps, les armées françaises remportent des succès importants : Dumouriez bat les Autrichiens à Jemmapes (le 6 novembre 1792); Custine occupe Mayence et Francfort, ainsi qu’une partie de la Belgique; la Savoie et Nice sont annexées par la France. Mais l’exécution du roi et la politique expansionniste ne peuvent que durcir l’attitude des autres pays européens : le 1er février 1793, la France prend les devants en déclarant la guerre à l’Angleterre et à la Hollande, et lève une armée de 300 000 hommes, alors que se forme contre elle la première coalition; après que la Convention ait déclaré la guerre à Espagne (7 mars), les coalisés battent Dumouriez à Neerwinden (18 mars), puis les Français perdent la Rhénanie.
La situation devient aussi très difficile à l’intérieur : les paysans réclament la taxation des grains; des troubles et des pillages se produisent dans les villes, en raison du chômage, de la pénurie et de la hausse des prix; les royalistes manifestent en janvier à Rouen, en mars à Lyon; la Vendée se soulève et devient le lieu de formation d’une armée royaliste et catholique.
En réponse à ces périls, la Convention durcit sa politique : en mars sont créés le Tribunal révolutionnaire, ainsi que les comités de surveillance révolutionnaire dans les communes, puis en avril le Comité de Salut public, formé d’abord de neuf, puis de douze députés, il devient l’organe du gouvernement, centralisant tous ses pouvoirs.
La Terreur
Les Montagnards vont en fait exercer une véritable dictature à partir de l’été 1793, après la trahison de Dumouriez, la mise en accusation de Marat par les Girondins puis son assassinat par Charlotte Corday (13 juillet), et la formation de bataillons révolutionnaires par les sans-culottes parisiens. Ceux-ci exigent la poursuite du processus révolutionnaire, font pression sur la Convention, qui fait arrêter 29 députés girondins.
La situation militaire demeurant indécise, la Convention décrète le 23 août 1793 la levée en masse, qui permet la formation d’une armée dont l’enthousiasme, la discipline et l’audace (avec les jeunes généraux Carnot, Hoche, Marceau, puis Bonaparte) compensent l’inexpérience et le sous-équipement). Si les royalistes livrent Toulon aux Anglais, les Français l’emportent à Hondschoote (8 septembre).
À l’intérieur, le même élan conduit à une radicalisation politique : après des émeutes parisiennes, la Terreur est mise à l’ordre du jour (4-5 septembre); le 17 septembre est votée la loi sur les suspects, et les tribunaux révolutionnaires exercent une justice expéditive contre les ennemis de la révolution réels ou supposés (les plus célèbres Enragés de la Terreur étant Fouché à Lyon et Carrier à Nantes).
Le 5 octobre est adopté le calendrier républicain (le début de l’an 1 étant fixé au 21 septembre 1792), et l’on proclame le culte de la Raison et de la Liberté.
Pourtant l’An II est celui où les tensions seront les plus vives et les plus meurtrières : après l’exécution de Marie-Antoinette (16 octobre 1793), et la répression contre les « suspects », la tension monte entre, d’un côté, Hébert et les Sans-Culottes, d’un autre Robespierre et Saint-Just, et d’un troisième Danton et Camille Desmoulins, plus modérés. Après l’arrestation des Enragés Hébertistes, et leur exécution (24 mars 1794), c’est au tour de Danton et de ses amis d’être arrêtés le 30 mas et exécutés le 5 avril. Robespierre, qui a éliminé l’opposition « de gauche » et « de droite », est le maître du pouvoir. Le 4 juin, il est élu président de la Convention, et organise le 8 la Fête de l’«Être suprême » pour donner une grande ampleur à son rêve mystique d’une révolution inspirée par la vertu et la foi. Mais celle-ci passe par un renforcement de la Terreur (loi du 10 juin qui accentue le rôle du Tribunal révolutionnaire). La dictature de Robespierre devient vite insupportable, d’autant plus que les victoires extérieures n’imposent plus la nécessité d’un pouvoir absolu. Les anciens amis Saint-Just, Couthon, Le Bas : arrêté, puis libéré, Robespierre est repris et exécuté avec une centaine de ses partisans (28-30 juillet 1794). Le 9 thermidor An II, la Terreur s’achève, et la Convention Thermidorienne est celle du retour des républicains modérés et de l’ordre bourgeois : le Comité de Salut Public disparaît, le Club des Jacobins est fermé, et la Commune de Paris dissoute.
Les mesures économiques de 1793
Après l’emprunt forcé d’un milliard sur les riches, et l’établissement du prix maximum des grains et farines (en mai), tous les droits féodaux sont abolis, sans indemnité (17 juillet); un décret punit de mort les « accapareurs » de denrées, et le 20 septembre, la Convention vote le décret du maximum général, sur le prix des biens de première nécessité et sur les salaires. On décide également que les biens communaux pourront être partagés et que les biens nationaux seront vendus aux enchères.
Les effets de la Terreur
On estime à environ 17 mille le nombre de condamnés à la guillotine, auxquels s’ajoutent plus de 20 000 exécutions sommaires liées à des opérations militaires intérieures.
L’acharnement de la Terreur résulte de l’attitude des accusateurs publics dont les plus terribles sont Fouché, Tallien, Barras, Fréron, Fouquier-Tinville, Carrier, etc.
Les victimes sont des nobles, des prêtres, des « accaparateurs » (dont les anciens fermiers généraux), mais aussi des conventionnels hostiles au Comité de Salut public, des généraux jugés incapables, des personnalités libérales (Madame Roland, etc.).
La Convention Thermidorienne
La fin de la dictature permet le retour d’un vent de libéralisme sur le plan de l’expression politique (réouverture des salons, liberté des cultes accordée le 21 février 1795), et économique (suppression du maximum le 24 décembre). Mais cela crée d’autres problèmes, car les prix s’envolent, la monnaie se déprécie, le peuple souffre du marasme économique : les Sans-Culottes parisiens se révoltent début avril et fin mai 1795, l’armée intervenant pour écraser l’insurrection. Parallèlement, les royalistes relèvent la tête : des Jacobins emprisonnés à Lyon sont massacrés début mai et d’autres à Marseille début juin; des émigrés débarquent à Quiberon fin juin, mais ils sont défaits par Hoche le 21 juillet; puis des émeutes royalistes se produisent début octobre : la Convention est attaquée par les manifestants, mais défendue victorieusement par Barras, Bonaparte et Murat.
Malgré ces difficultés intérieures, les armées françaises remportent d’importants succès : Kléber prend Maëstricht (4 novembre 1794) et Nimègue est investie (8 novembre); c’est le tour d’Amsterdam le 20 janvier 1795, la flotte hollandaise étant encerclée au Helder quelques jours plus tard. Le 5 avril, la France et la Prusse signent la paix de Bâle qui permet à la France d’occuper la rive gauche du Rhin. Puis la Hollande signe à la Haye un traité d’alliance avec la France, et l’Espagne souscrit elle aussi à la paix de Bâle; elle cède la partie espagnole de Saint-Dominique et se rapproche de la nouvelle république française (juillet 1795). Le 1er octobre 1795, la Belgique est annexée.
Dans ce contexte de retour à la paix aux frontières, mais d’incertitude intérieure, est préparée une nouvelle Constitution de l’An III, qui, par mesure de précaution, prévoit que les deux tiers des futurs députés devront être choisis parmi les conventionnels.
Le texte est voté par la Convention le 22 août 1795. Le 6 septembre débute le référendum constitutionnel qui conduit à son adoption. Le 21 octobre ont lieu les élections au Corps législatif, constitué de deux assemblées, le Conseil des Anciens qui propose les lois et celui des Cinq-cents qui les vote. Le pouvoir exécutif revient à un Directoire de cinq membres élus par le Corps législatif, et renouvelable par cinquième tous les ans. Mais le suffrage n’est plus universel, car il faut maintenant justifier d’une propriété ou d’un loyer au moins égal à cent journées de travail.
C’est le triomphe de la République bourgeoise.
La situation militaire
L’An II sera celui du redressement : le 16 octobre 1793, les Autrichiens sont battus à Wattignies ; Toulon est repris aux Anglais le 19 décembre; Hoche l’emporte au Geisberg le 26 et Strasbourg est sauvé. Après un début d’année 1794 indécis (victoire de Jourdan à Dinant, bataille navale au large d’Ouessant), les Français remportent l’importante bataille de Fleurus (26 juin 1794). Les ennemis de la France (Angleterre, Espagne, Prusse, Autriche) sont maintenant divisés et sur la défensive.
À l’intérieur, la rébellion est réduite, après la victoire de Marceau au Mans (fin 1793) et l’action des « colonnes infernales » du général Turreau en Vendée (janvier 1794). L’agitation s’y poursuit néanmoins jusqu’à la Paix de la Jaunaye (17 février 1795), qui fait d’importantes concessions aux Catholiques.
Voir aussi :
