Consolidation de la république française

La Consolidation du régime français républicain (1876 – 1889)

La République « opportuniste » : La montée du sentiment républicain s’affirme après 1875 et le nouveau régime sait résister au choc du « Boulangisme »

Victorieux dès 1876 à la Chambre des Députés, les républicains cherchent à obtenir le départ de De Broglie, qui fait dissoudre la Chambre. A la suite d’une campagne électorale très dure, les républicains conservent la majorité et Gambetta invite le Président de Mac-Mahon à se « soumettre ou se démettre ». Il cède effectivement et accepte de former un gouvernement reflétant la nouvelle majorité : 1876 marque donc la victoire du suffrage universel et du régime parlementaire.

Puis, en 1878, les royalistes perdent la majorité de nombreux conseils municipaux, et celle du Sénat, en 1879. Durant cette même année, le maréchal de Mac-Mahon démissionne et est remplacé par Jules Grévy, républicain modéré. Un certain nombre de décisions montrent clairement l’orientation des nouveaux dirigeants : le Parlement revient à Paris, les anciens Communards sont amnistiés, le 14 juillet devient une fête nationale et La Marseillaise, l’hymne national.

Les « opportunistes » – au pouvoir

De 1881 à 1885, le gouvernement est dominé par les républicains dits « opportunistes », en ce sens qu’ils désirent s’adapter à la réalité en acceptant les institutions et le Concordat avec l’Église catholique.

Soucieux de rassurer l’opinion, ils respectent la propriété privée et fondent leur action sur le développement des libertés publiques concernant la presse, le droit de réunion (1881) et celui de créer des syndicats professionnels (1884), sur l’extension de l’enseignement public gratuit, laïc et obligatoire, sur le rôle actif, mais limité de l’État dans l’économie (protection douanière, chemin de fer) et sur l’expansion coloniale.

Restant anti-cléricaux, ils s’efforcent de réduire le poids de L’Église en interdisant certaines congrégations religieuses (expulsion des Jésuites), en laïcisant le divorce et en cherchant à développer l’instruction civique. Le fer de lance de cette « révolution culturelle » qui provoque de vives polémiques et de nombreux incidents avec l’Église et les fidèles, est constitué par le corps des instituteurs formés dans les Écoles Normales, sorte de « séminaires laïcs ».

Les deux grandes personnalités « opportunistes » de ces années sont Léon Gambetta, chef du gouvernement en 1882, et Jules Ferry, président du Conseil en 1880 – 1881 et de 1883 à 1885). Gambetta dirige un « grand ministère » (novembre 1881 – janvier 1882) que son autoritarisme rend éphémère en raison de l’opposition de la droite, de l’extrême gauche et de Jules Ferry. Ce dernier organise avec Ferdinand Buisson l’enseignement public laïc, gratuit et obligatoire (lois de 1880 – 1882) et avec Camille Sée fait ouvrir des écoles pour jeunes filles. Jules Ferry est aussi un chaud partisan de l’expansion coloniale. Mais il a à faire face à l’opposition des milieux catholiques et à celle des républicains « radicaux » (Clémenceau); ces derniers, qui lui reprochent sa politique extérieure, veulent supprimer le Sénat, Chambre de notables, étendre la propriété publique (en particulier aux Chemins de fer), créer un impôt sur le revenu et des lois sociales. L’échec de l’armée française à Langson, en Chine, provoque son départ.

En 1885 et 1886, les « opportunistes » doivent s’allier aux « radicaux » pour former des gouvernements de « concentration républicaine » et faire face à la remontée électorale des royalistes (désormais réunis derrière le comte de Paris), au mécontentement des catholiques et à celui des classes populaires (touchées par les difficultés économiques et la montée du chômage). De plus des scandales politiques se produisent, comme celui qui touche le propre gendre du président Grévy, à la suite d’une affaire de trafic d’influence (affaire des décorations). Jules Grévy, qui avait été réélu en 1886, est contraint de démissionner l’année suivante.

Léon Gambetta (1838 – 1882)

Brillant avocat aux discours hostiles à l’Empire, il devient député républicain en 1869. Il fait proclamer la République le 4 septembre 1870, devient ministre de l’intérieur du gouvernement provisoire et s’échappe en ballon de Paris assiégé par les Prussiens (octobre 1870), pour organiser la poursuite de la guerre. Puis, député d’extrême gauche, il soutient cependant Thiers contre les royalistes, organise l’Union Républicaine tout en cherchant le rapprochement avec le centre, qui aboutit aux lois républicaines de 1875. Il préside ensuite la Chambre des Députés.

Jules Ferry (1832 – 1893) – montée du sentiment républicain

Comme Gambetta, il est avocat et est élu député de Paris en 1869. Maire de Paris en Novembre 1870, il s’oppose à la Commune. Plusieurs fois ministre et Président du Conseil de 1879 à 1885, il fait voter les lois de 1881 et 1884 sur les libertés publiques et syndicales et celle de 1882 prévoyant l’élection des maires par les Conseils municipaux. Malgré l’hostilité de l’extrême gauche et celle des nationalistes cherchant la revanche contre l’Allemagne, il mène une politique d’expansion coloniale (Tunisie, Congo, Madagascar, Tonkin), pour des raisons de prestige national mais aussi économiques : « une colonie c’est un débouché qui permet de pallier in saturation des marchés européens » affirme-t-il.

Le Boulangisme – montée du sentiment républicain

Les divers mécontents vont alors trouver un catalyseur et un rassembleur en la personne du général Boulanger, commandant de l’armée française de Tunisie, ministre de la Guerre en 1886 et 1887. Il rassure la droite et les « patriotes », en tant que militaire défenseur de l’idée de revanche contre l’Allemagne, et il constitue pour les royalistes et les catholiques un cheval de bataille contre la république laïque; il a conquis des radicaux par son discours républicain-populiste et son refus de recourir aux armes contre les grévistes de Decazeville; il séduit les foules par son allure et ses manières. Par ailleurs, son désir de révision de la Constitution laisse la porte ouverte à tous les espoirs, même radicalement opposés.

Menant des campagnes électorales « à l’américaine », il se fait élire à l’occasion d’élections législatives partielles, pour démissionner et se représenter ailleurs.

Élu à Paris le 27 janvier 1889, il refuse par peur d’échec et de l’effusion de sang le coup d’État que le soir de son succès parisien Déroulède et Barrès le pressent de tenter. Ce « loyalisme » lui est fatal : il est éloigné à Clermont-Ferrand, alors que la « ligue des patriotes » de Déroulade est dissoute, et ses partisans sont battus aux élections de 1889; il part ensuite pour la Belgique et se suicide devant la tombe de sa maîtresse en 1891. Cet épilogue est finalement assez révélateur de la personnalité passionnée et fragile du général Boulanger.

Le « Boulangisme » rappelle par certains côtés l’ambiguïté des débuts du Second Empire; mais il n’a finalement été qu’un phénomène ponctuel, dû surtout à la conjonction de mécontentements contradictoires qui en expliquent la faiblesse et l’effondrement rapide.

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Paris, centre-ville. Place et esplanade devant le musée d’Orsay. Photo – Megan Jorgensen.
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Quoiqu’il n’y eût pas un seul de nous qui ne portât la trahison dans le cœur, nous nous mîmes à table avec un air de confiance et d’amitié. (Abbé Prévost Manon Lescaut.) Les toits de Paris. Photographie par Megan Jorgensen.

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