Colons et artisans de Montréal au XVIIe siècle
Par une lettre de cachet du 8 avril 1653, le roi avait confirmé Paul de Chomedey de Maisonneuve dans ses fonctions de gouverneur de Montréal.
Cette sanction royale de son autorité donna au fondateur une plus grande fermeté dans la poursuite de son entreprise, une plus large indépendance à l’égard du gouvernement central du Canada. M. de Maisonneuve usa cependant avec discrétion de ses pouvoirs étendus; il n’en abusa jamais.
Il reprit donc son œuvre avec une ardeur et une activité plus grandes, car il pouvait maintenant compter sur des éléments nouveaux et des valeurs en hommes plus que triplées.
Jusque-là Ville-Marie n’avait guère été qu’un poste militaire; mais avec le contingent de 1653, commence l’établissement de la colonie de Montréal.
Tous les hommes avaient été engagés en France pour cinq ans; mais lorsqu’ils furent arrivés à Montréal, le gouverneur prit les moyens de les y retenir en permanence. Dans ce but, il leur donna des terres ou des terrains de ville et leur fit des remises d’argent. Le partage de biens-fonds avait commencé en 1648; il se continua dans la suite à mesure que les habitants manifestaient le désir de s’établir à demeure. Les premiers qui profitèrent de ces avantages furent Pierre Gadoys (concession du 4 janvier 1648) et Jean Desroches (contrat du 10 janvier 1648).
Sous l’administration de M. de Maisonneuve, 103 titres de propriétés foncières furent donnés aux colons de Ville-Marie, mais on peut croire qu’un plus grand nombre occupaient des terrains de ville ou cultivaient des terres pour leur compte, en attendant d’en recevoir les titres légaux.
Les terres concédées comprenaient de trente à quarante arpents. La plupart commençaient à peu près à la hauteur de la rue Saint-Jacques et s’étendaient dans la direction ouest.
Le territoire de la ville délimité et les terres arables ainsi partagées, on entreprit un large déboisement de la forêt pour faire place à des champs de culture, sur lesquels s’élevèrent bientôt de petites maisons de bois, les premiers foyers de la future métropole. ((Ces maisons, dit l’abbé Faillon, étaient en 1659 au nombre d’une quarantaine, situées en face les unes des autres, de manière à se protéger mutuellement. Dans chacune, on avait eu soin de pratiquer des meurtrières d’où l’on pouvait faire feu sur les assaillants.
Elles rendirent moins utile le fort de Ville-Marie, où ne logèrent plus que le gouverneur, la famille d’Aillebout, le major Closse, Marguerite Bourgeoys et les soldats de la garnison.
MM. de La Dauversière et de Maisonneuve avaient fait un choix judicieux d’éléments utiles pour constituer en corps de société bien organisée la petite colonie.
Tous les hommes engagés avaient un métier ou une occupation professionnelle. Le groupe des artisans comprenait trois meuniers, deux boulangers, un brasseur de bière, un tonnelier, quatre tisserands, un tailleur d’habits, un chapelier, trois cordonniers, un coutelier, un sabotier, deux armuriers, trois maçons, un tailleur de pierre, quatre couvreurs, neuf charpentiers, deux menuisiers, un taillandier, un cloutier, un serrurier, un paveur, deux jardiniers, un maréchal, trois chirurgiens; les autres étaient défricheurs ou colons.
Ces détails peuvent paraître fastidieux, mais ils montrent tout le soin que la Compagnie de Montréal avait pris de n’envoyer ici que des hommes qui, par leurs aptitudes diverses, pourraient contribuer utilement à l’établissement de la ville et, au besoin, à sa défense. (Abbé Faillon: «Histoire de la Colonie française,» vol. Il, p. 192).
Tels furent ces valeureux pionniers qui ont bâti notre Montréal: Braves artisans, tous savants dans leurs métiers, et tous gens de cœur pour la guerre, Dieu bénisse au centuple ceux qui ont commencé cet ouvrage.»
Concessionnaires de terres ou terrains, de 1648 à 1665:
- (1648): Pierre Gadoys, Jean Desroches.
- (1650): Biaise Juillet, Gilbert Barbier, Jean Descaries, Louis Prud’homme.
- (1651): Urbain Tessier, Jacques Archambault, Nicolas Godé.
- (1653): Jean de St-Père, Jean Milot, (1654): Jacques Beauvais, Henri Perrin, Eloy Jarry, Jacques Picot, Jean Aubuchon, Pierre Godin, Gabriel Lesel, Martin Janot, Mathurin Langevin, Charles Le Moyne, Simon Després, Toussaint Huneault, Simon Galbrun, Jean Le Mercher, Bertrand de Rennes, Hôtel-Dieu, Robert LeCavelier.
- (1655): Pierre Chauvin, Jean Gervaise. Andre Charly, Jean Desroches, Toussaint Huneault, Nicolas Hubert, Gilles Lauzon, Marin et André Hurtebize, Jean Leduc, Jean et André Du May ou Dumer, Jean Milot
- (1656): Louis Guerretin. (1658): veuve Godé, Nicolas Milot.
- (1659): Christophe Gaillard, Mathurin Jouannot, Simon LeRoy, Jacques Testard de la Forest, Michel Théodore, François Roisnet, Laurent Archambault, Michel Lonnard, Jacques de La Porte, Jean’Valiquet, Léger Haguenier, Paul Benoit.
- (1660) : Michel Guilbert, Jacques LeBer, Charles LeMoyne.
- (1661): Pierre Picotté de Bellestre, à qui fut donnée la terre que possédait Dollard des Ormeaux, Jacques LeBer.
- (1662): Tobie Jetté, Pierre Perrat, Etienne Lair, Jacques Beauchamps, Pierre Malet, Marin Deniau, Jean Leduc, Mathurin Laurion, Bénigne Basset, Jean Auger, Gilbert Barbier, Louis Chevalier, Pierre Lorrain, Fiacre Ducharme, Claude Robutel, Louis Prud’homme, Marguerite Bourgeoys, Jean Gasteau.
- (1664): Mathurin Goy’er, Catherine Gauchet, André Charly, Jacques Picot, Jean Aubuchon.
- (1665): Claude Fezeret, Antoine Courtemanche, Elie Beaujean, Simon Cardinal, Etienne Campot, Jean Roy, Suzanne Guilbault, Jacques Mouceau, Jean Chicot, Pierre Caillé, Paul Benoît, Pierre Lorrin, Jean Mee, Nicolas Gias, Pierre Desautels, Pierre Perruisseau, René Cullerier, Mathurin Thibaudeau, Charles d’Ailleboust.
(Extrait des Archives du Séminaire de Saint-Sulpice. « Papier terrier de la Seigneurie ».)
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