Cinéma et religion au Québec
Tous les exploitants de salles de cinéma et tous les distributeurs de films connaissent beaucoup de difficultés avec l’Église, à compter de décembre 1907, quand Mgr Paul Bruchési, archevêque de Montréal publie le mandement sur la sanctification du dimanche.
Déjà les autorités civiles, poussées par l’archevêché, prétendaient que la loi de 1906, interdisant le théâtre le dimanche, s’appliquait également au cinéma. Toutefois, le mandement marque le début de la lutte féroce que le clergé fera au cinéma durant les trois décennies suivantes :
« … Nous avons interdit, entre autres choses, les représentations théâtrales, les séances et les concerts payants, même pour un motif de charité, les courses de chevaux et les tournois entre clubs et associations, donnés comme spectacles publics et payants.
Ce règlement, nous le confirmons aujourd’hui, et nous déclarons qu’il s’applique à tous ces spectacles de cinématographe, de vues animées ou stéréoscopiques, et de curiosités quelconques présentées sous toutes sortes de noms. Ce sont là des entreprises lucratives, un négoce véritable, une exploitation qui ne peut être permise.
* Cinéma et religion au Québec
Ces endroits d’attractions publiques se sont multipliés d’une manière alarmante depuis quelque temps. Si nous gardions davantage le silence, le désordre se verrait bientôt dans toutes nos rues. Ceux qui tiennent ces établissements en perçoivent, nous le savons, des profits considérables. Mais ils admettront que le dimanche n’est nullement fait pour nous enrichir en spéculant sur les passions populaires.
Ces représentations et ces attractions diverses devront être discontinuées le dimanche. Nous en faisons un ordre exprès à tous ceux qui dépendent notre juridiction.
Les autres jours, nous espérons que l’on scrupuleusement respectera la moral. Que l’on ne mettra sous les yeux des spectateurs que des scènes irréprochables. On comprend en effet le mal immense que peuvent faire sur l’âme de tous, mais des jeunes gens et des enfants en particulier, des images inconvenantes ou suggestives… »
Après la parution de ce mandement, la Ville de Montréal émet un règlement qui interdit toutes les représentations cinématographiques le dimanche. Les exploitants s’unissent alors pour contester ce règlement en cour. Au terme de procès qui durent quatre ans et qui vont jusqu’en Cour suprême en 1912, le cinéma du dimanche obtient gain de cause…
Heureux Mgr. Bruchési qui n’a pas vécu assez pour voir les films d’aujourd’hui…
Sources utilisées :
- Jean Béraud, Léon Franque et Marcel Valois, Variations sur trois thèmes, Montréal, Éditions Fernand Pilon, 1946.
- Bélanger, Léon-H, Les Ouimetoscopes : Léo-Ernest Ouimet et les débuts du cinéma québécois, Montréal, VLB éditeur, 1978.
- Histoire générale du cinéma au Québec, éditions Boréal, Québec, 1994.