Chronique criminelle et judiciaire du Québec, fin d’août 1940
Ces nouvelles témoignent des problèmes à qui la justice québécoise se heurtait vers la fin du mois d’août 1940.
André Massey est acquitté
André Massey, 25 ans, 98, rue Bélanger, Ville-La-Salle, subissait son procès la semaine dernière sous une accusation de vol avec violence, crime punissable de l’emprisonnement à perpétuité, devant le juge J.-C. Langlois. Après la preuve du ministère Me Yves Pelletier, avocat de la Massey, fit entendre ses témoins. L’ensemble des déclarations laissa un doute dans l’esprit du tribunal, puisqu’il ajourna le tout à hier. Dans un bref jugement oral, le juge Langlois accorda le bénéfice du doute à Massey et le libéra à l’ouverture des enquêtes judiciaires.
Elle savait en tout cas invectiver en français
Trois-Rivières. 27 août 1940. – Une prévenue du Nouveau-Brunswick au nom français et qui d’ailleurs avait montré sa connaissance du français appréhendée ivresse, a reçu une leçon du recorder Jean-Louis Marchand. Elle voulait que les témoignages fussent en anglais ainsi que le jugement.
Les témoignages seront entendus en français, déclara le recorder, et vous aurez votre sentence en français. Elle s’était, d’ailleurs, servie de la langue de Racine pour abreuver la police d’injures et prétendre (ô comble d’ignominie) que les policiers trifluviens sont laids. Elle fut condamne a $10 d’amende, et elle paya avec de la monnaie bilingue.
La récidive et le juge De Serres
Un vol de $10 conduit son auteur au bagne pour deux ans
Le vol d’un colis de cotonnades, évalué à $10 a conduit Roger Prévost, 27 ans, au bagne pour deux ans. Le juge Rodolphe DeSerres lui imposa cette peine, hier, après lui avoir demandé: – Quand êtes-vous sorti du pénitencier? – Le cinq mars, cette année. – Après combien de temps? – Je venais d’y passer deux ans. – Vous avez eu d’autres condamnations ? – Au moins sept, et toutes pour vol. – Vous retournerez donc au bagne pour deux ans.
Prévost avait volé ce colis dans le camion de Gérard Rondeau, cultivateur de Sainte-Brigide, qui s’était installé au marché Bonsecours.
Homicide involontaire
Dominique Leclairc, 41 ans, sauvage de Caughnawaga tenu criminellement responsable de la mort de M. Eugène Dagenais, 35 ans, de Sainte-Martine, par le jury de la cour du coroner, était traduit hier devant le juge Édouard Archambault, pour répondre à une accusation d’homicide involontaire. Le tribunal exigea un cautionnement de $2,000 et fixa l’enquête judiciaire au 3 septembre. Me Orner Legrand, C.R., représentait le ministère public.
La victime travaillait sur la route aux abords du pont Mercier, avant-hier, lorsqu’elle fut frappée par l’automobile de Leclairc. Le chauffeur filait 40 milles a l’heure, et il ignora les signaux de danger sur la route. Dagenais fut traîné sur une longueur de 100 pieds et il expira. dans la soirée, à l’hôpital du Sacré-Cœur, à Caughnawaga.
Fausses déclarations
W. E. Rannigcr, 1434 est, rue Sainte-Catherine, passait devant le juge Édouard Archambault, hier après-midi sous huit accusations d’avoir eu recours à de fausses déclarations pour importer au Canada des produits pharmaceutiques. Le prévenu enregistra un plaidoyer de non-culpabilité et le tribunal exigea deux cautionnements de $950 chacun en attendant le procès, fixé au 3 septembre.
Un « arrangement »
Olivier Lévesque, 25 ans, 92 ruelle Leduc, coupable d’avoir volé, en deux occasions différentes les sommes de $29.75 et $20 à Télesphore Lussier, le 10 octobre 1939. revenait hier devant le juge Rodolphe DeSeires. pour le prononcé de sa sentence. Le tribunal lui imposa une peine de prison de deux mois. Lévesque demanda au tribunal: – Ji voudrais un « arrangement ». – Vous l’avez: c’est deux mois de prison, tranche le juge.
Stylo et clémence
Georges Defoy, 60 ans, 919, boulevard Saint-Laurent, surpris ces jours derniers avec un stylo de $12, propriété de M. Charles Goulet, 10771, avenue Henri-Julien, avait fait des aveux lors de sa comparution devant le juge Rodolphe DeSerres. Hier, le prisonnier revenait devant ce même tribunal pour le prononcé de sa sentence, et le juge de lui demander: – Vous avez remis le stylo à son propriétaire? – Oui, Son Honneur. – Je vous condamne au temps déjà passé en prison, mais ne revenez plus devant moi.
Tirage de cartes avent le tirage des cheveux
Une dispute entre femmes intéresse vivement le juge DeSerres aux Sessions de la Paix
Une délicieuse affaire a intéressé hier le juge Rodolphe DeSerres. Pendant plus d’une heure, Mes René Larivée, avocat du ministère public, et Maurice Fauteux, avocat de la poursuite privée, firent entendre des témoins pour prouver au tribunal que Mme Joseph Maurice, surnommée madame Evangeline, pour ceux qui aiment la cartomancie, et la fille Thérèse, à la rutilante chevelure avaient intimidé Mme Eugénie Froustey, leur logeuse, dans une chambre à 4157, rue Drolet.
La plaignante, âge de 45 ans, exposa au tribunal :
–Pendant quatre jours je ne pouvait ouvrir ma porte sans être insultée de la plus basse façon. La jeune fille me « barrait » la route avec ses bras et je devais, moi, la propriétaire, sortir par la porte de l’escalier de service, qui ouvre sur la ruelle. On m’ volé les lettres et je fus enfin obligée de demander la protection de la police. La mère, elle, a brûlé mes repas à deux reprises, parce que j’ai refusé de m’associer avec elle dans la cartomancie.
–C’est donc une tireuse de cartes? – demande Me Fauteux.
–Oui, et pour les fins du procès, le ministère public va mettre au dossier l’annonce publiée dans la « Presse » par madame Evangeline.
Me René Larivée donne lecture de ce document : « Madame Evangeline vous fera réussir dans vos troubles d’affaires et d’amour (tu parles) : elle réunit les séparés et ramènera auprès de vous celui que vous aimez ».
*
Un autre témoin à charge, Henri Froustey, fils de la plaignante, dit à son tour :
–Quand maman allait ouvrir la porte, on l’avait nsultée. J’ai entendu madame Evangeline crier à ma mère : « Avant que je parte, je vais t’assommer, et, ce soir, je vais t’écraser (brrr!) assez « ben » pour que tu ne puisses marcher. »
Mlle Suzanne Lippens, autre locataire de la plaignante, corrobore et la mère et le fils, puis le ministère public annonce qu’il a terminé sa preuve. Le juge De Serres demande à la prévenue si elle désire rendre témoignage: elle n’y est pas tenue, bien entendu, mais mame Maurice ne se fait pas prier. Elle prête serment et déclare tout d’un trait: – Dans cette maison, des messieurs descendaient sur le bout des pieds, et nous avions peur.
*
–Voudriez-vous qu’ils marchassent sur la tête, demande le tribunal.
–Non, Votre Honneur, mais nous avions peur, bien peur, et c’est elle, la plaignante, qui nous a menacé, ma fille et moi. Elle a voulu enfoncer le crâne de ma jeune fille, et je mets ma main sur « la Sainte Évangile » pour jurer que tout cela est vrai !
–Vous tirez les cartes? demande Me Larivée.
–Oui, mais nous nous sommes tirés (?) entre nous autres…
–Avant de vous tirer les cheveux, dit encore le juge.
–Cette femme, reprend le témoin, est effrayante. Elle nous a « coupé » l’eau pour nous dire d’aller boire aux « cabinets » (excusez l’expression), si nous avions soif. Elle nous a fermé le gaz et la lumière (premier black-out local), elle a…
–Une minute, interrompt le tribunal. Qui a menacé?
–C’est elle.
–Vous le jurez?
–Je le jure.
–Tous les témoins du ministère public se sont alors parjurés?
–Ils se sont tous parjurés.
La jolie Thérèse, aux tresses rousses, entre dans la boite. Elle hésite à rendre témoignage, mais le juge l’empresse de dire: – Allez, je vous acquitte. II n’y a pas de preuve contre vous. Mais je déclare madame Evangeline coupable. Elle devra fournir un cautionnement pour garder la paix pendant six mois, à défaut de quoi elle purgera une peine de prison de 30 jours.
Browning coupable
Edward-William Browning, âgé de 56 ans, un comptable de la Bush Service Corporation, rue Saint-Pierre, ramené de Windsor (Ontario), pour répondre d’un abus de confiance et du vol de la somme de $3,000 à ses patrons, s’avouait coupable, hier, avant l’enquête judiciaire, devant le juge J.- C Langlois. Le tribunal ajourna le prononcé de la sentence au 3 septembre.
La police découvre une loterie énorme à Philadelphie
À la suite de la découverte par la police de l’État de Pennsylvanie d’une loterie énorme ayant comme centre la ville de Philadelphie, on probablement arrêtera 500 ou 600 personnes.
Sept homme ont comparu, hier, devant le magistrat Edward Williams sous l’accusation d’avoir eu en leur possession des billets de loterie, des machines pour en imprimer et des circulaires. Ils ont été laissés en liberté sous un cautionnement de $3,500. Ils subiront leur procès le 4 septembre 1940.
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