Chronique judiciaire de Montréal, août 1940

Quelques faits témoignant de la situation dans les tribunaux de justice à Montréal en août 1940

Une juge donne raison à la poursuite et déclare la prévenue coupable

Tribunaux de justice à Montréal : Celina Martha Delannoy, rousse Flamande qui frise la quarantaine, pleurait à chaudes larmes, hier, devant le juge Amédée Monet, lorsque sa fille, Marie Verburge, blonde enfant de seize ans, de nationalité belge, expliquait au tribunal :

Maman est venue au logis après une défense de n’y plus mettre les pieds par un juge de la cour Supérieure. Elle était ivre et, après avoir bouleversé la table « à l’envers », elle a mordu le bras de mon père à deux endroits. À moi, elle a dit qu’elle me tuerait.

Disons de suite que la prévenue subissait son procès pour vagabondage à la suite de son arrestation par la suite de son arrestation par le chef de police de Ville Saint-Laurent, M. Romuald Lecavalier. Me Jean-Maurice Cousineau, avocat de la poursuite, fit ensuite entendre le mari, militaire aux moustaches en fer de lance, qui, après avoir dut qu’il se nommait Alphonse Verburge, se laissa interroger par Me Cousineau.

– Vous êtes le mari?

– Parfait.

– Vous êtes séparé du corps?

– Parfait.

– Depuis quatorze ans?

– Plus que parfait. Et lorsque ma femme n’est pas saoule, elle est « all right ».

– Votre nationalité? Demande le juge Monet.

– Je suis Belge.

– « All right », conclut le tribunal. Cela veut aussi dire O.K.

Me Cousineau produit le jugement en séparation de corps défendant à la femme de retourner au foyer conjugal. Sur une explication du mari, relativement aux 30 comparutions de sa légitime tant en correctionnelle que devant les recorders, le juge Monet déclare l’inculpée coupable, avec prononcé de sentence fixé au 29 août.

À la Maison des jeunes délinquants

M.Lée Ratté vient d’être nommé directeur de la Maison des jeunes délinquants. Il prêtera le serment d’office ce matin, le 21 août, à 10 heures, au bureau de Me Louis-Philippe Caisse le shérif de district de Montréal.

Cour Supérieur – Division de Pratique, le 21 août 1940

Président : L’honorable juge Denis. Les jugements suivants furent rendus :

Dame Isabelle DuSablon Lefebvre contre Alfred Denis et Sessenwein’s Bros Ld, tierce saisie; jugement déclarant saisie-arrêt bonne, valable et tenant, etc.

Joseph Tremblay contre T. – H. H. Howard; jugement pour $125, avec int. Sur la somme de $50 et les dépens.

Armand Richard contre Stanley Miller; jugement déclarant saisie-arrêt avant jugement bonne et valable, etc.

Lyman Corporation Ld contre C. Dubois; jugement annulant ledit bail, etc.

Iron Fireman Manufactring Co of Canada Ltd contre Héritiers feu Mlle Boychuk et autres; jugement pour $374 avec int. et dépenses.

Moses Feigenbaum contre National Security Loan Syndicate et Banque de Montréal, tierce – saisie; jugement déclarant saisie-arrêt bonne, valable et tenante, etc.

The Commercial Acceptance corporation Ld contre Roméo Godo et autres; jugement pour $395 avec int. et dépens.

Wilfrid Dumont contre Dame Ida Bédard; motion accordant substitution sans frais.

Dame G. Gilman contre Wilfrid Mayer; motion ordonnant l’interrogatoire de la demanderesse à une date à être fixée frais à suivre.

N. Cooperman contre Gérard Boisclair et autres; motion enjoignant le demander de se soumettre à un examen médical à une date à être fixée entre les parties.

Dame Delphina Towner contre F.-X. Nadeau; jugement accordant motion pour homologation du partage produit en cette cause.

Ambassadore Garage contre A. J. McDonald et André Patrice à Co Ld t.s. et E. Gareau, opt.; motion ordonnant à l’opposant de comparaitre pour interrogatoire, frais à suivre.

Hedwidge Chatel contre Alphonse Nobert; jugement pour $5,253 avec int. et dépenses.

Commercial Crédit Corporation of Canada Ld. Contre Camille Dufour; jugement pour $150,41 avec int. et dépenses.

Girard Automobile Incorporé contre Roméo Heatcoat et autres; jugement condamnant le défendeur Roméo Heatcoat à payer à la demanderesse $199,99 avec int. et dépenses.

20 mois de prison pour défaut de rendre compte

Trois-Rivières, 21 août — Le juge F.-X. Lacoursière a condamné Marc Brousseau, comptable à l’emploi du garage Julien et Veillet, de Louiseville, à vingt mois de prison pour avoir omis de rendre compte d’une somme de 1500. La plainte avait été portée par M. Bruno Veillet, l’un des propriétaires du garage.

Deux femmes battues

Fernand Girard, 21 ans, 4434, rue Rivard, non content d’avoir battu sa femme au point de la blesser, se serait ensuite porté à des voies de fait graves sur la personne de Mlle Anita Blanchette. Traduit hier devant le juge Rodolphe Dr Serres, le prévenu protesta de son innocence. Procès le 29 août et tout cautionnement refusé.

Battu puis volé

Charles Martel. 23 ans. sans domicile connu, accusé de vol avec violence devant le juge Rodolphe De Serres, a protesté hier de son innocence. Le tribunal fixa le procès au 29 août. Martel aurait battu Maurice Joly avant de le soulager de trois dollars.

« Œil pour œil, dent pour dent » et deux époux

Un cas peu banal de menaces après une séparation de corps qui date de huit ans

Une séparation de corps qui date de huit longues années n’a plus empêché Ernest Legault, 810 est, rue Ontario, de rendre visite à sa jeune fem?me, bien jolie brunette d’ailleurs, et de lui crier, après avoir enfoncé d’un coup d’épaule la vitre de la porte d’entrée: « Tu vas me payer tout. Œil pour œil et dent pour dent. Ça va finir ».

Madame Legault, après avoir dit au juge Amédée Monet qu’elle avait une peur bleue de son homme, fit entendre une de ses pensionnaires. Mme Joseph La Hayes, âgée de 50 ans, qui déclara:

—Je suis une chambreuse, Votre Honneur et j’ai entendu les pas de monsieur qui montait chez madame et la demanda en faisant des menaces et parlant de l’œil pour l’œil et de la dent pour la dent.

Le prisonnier dans sa défense, admit la visite nu logis et déclara au juge Monet:

—J’ai demandé madame, bien poliment. J’ai poussé la porte et, ne voyant personne, je suis sorti par en
arrière.

—N’avez-vous pas enfonce la porte principale? demande ici le tribunal.

—Oui, parce que j’étais au désespoir, mais je n’ai pas parlé de ses yeux et des dents. Dire que cette femme a fait saisir mon salaire, un pauvre salaire de sept piastres par semaine!

—C’est mon avocat qui a saisi le salaire! s’écrie la plaignante.

—Madame reprend le tribunal, votre mari dit ne pas vous avoir vue lors de cette visite?

—Il ment, et je me suis trouvée face à face avec lui. Je ne puis pas vivre ainsi. Que venait-il faire chez
moi?

—Ne me le demandez pas, commente le juge Monet.

—Ma femme sort bras dessus, bras dessous avec des hommes, tonne le mari.

—C’est faux, crie madame. Si j’avais agi ainsi, je ne serais pas devant le juge et je n’aurais pas marché bien loin.

– Je rendrai mon jugement le 4 septembre, de conclure le tribunal. Vous être libre, Legault, mais laissez votre femme en paix. Pas même une taquinerie! Sinon, vous irez taquier une cellule de la prison commune. Vous voyez bien que votre femme désire avoir la paix et ne pas vous voir.

Voir aussi :

Au malaise provoqué par la nouveauté des tribunaux, les derniers incidents de justice et l’inconduite notoire de certains magistrats
Au malaise provoqué par la nouveauté des tribunaux, les derniers incidents de justice et l’inconduite notoire de certains magistrats. Photo de Megan Jorgensen.

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