Le choléra

Le choléra : les morts vivants à Montréal

C’est au mois de juin 1832 que le choléra se déclare chez nous. Venu de très loin, il a d’abord attaqué l’Europe. Un immigrant fraîchement débarqué tombe un jour malade dans un hôtel de Québec et meurt. Il était atteint du choléra dans sa phase la plus contagieuse. En peu de temps, des centaines de personnes sont touchées par l’affreuse maladie. On relève 145 décès rien que durant la première semaine. Il est trop tard pour arrêter la marche de la mort. À l’automne, on dénombre 4000 décès. Bientôt, la contagion atteint Montréal et galope même jusqu’en Ontario. On estime qu’au moins 7000 personnes sont foudroyées.

Dans les rues de Montréal, des charrettes ramassent les cadavres et font constamment la navette entre la ville et le cimetière de l’ouest, sis à cette époque au square Dominion, actuelle place du Canada. Au cours de leur tournée macabre, plusieurs charretiers s’arrêtent dans quelque taverne pour refaire leurs forces et s’immuniser contre la maladie.

Entassés au cimetière, les corps attendent qu’on puisse creuser des fosses. On parle alors de les brûler. Finalement on opte pour en enterrement rapide. Voici ce que rapporte Hector Grenon : « À cette époque, on donnait des pastilles à base d’opium aux malades. L’inévitable devait se produire : plusieurs malades passant pour morts furent jetés vivants dans une fosse. On rapporte que des défunts ayant repris conscience se sauvaient vêtus de leur linceul, effrayant ainsi les voisins. En outre, plus tard, lorsqu’on a creusé à cet endroit pour exécuter de nouveaux travaux, il fut découvert que des personnes enterrées avaient visiblement tenté de sortir de leur impasse mais en vain, à cause des obstacles que l’on devine ».

Le choléra frappera encore chez nous en 1834, 1849, 1851 et 1854.

Notons finalement que nos ancêtres avaient-ils mis au point une panoplie de recettes censées guérir miraculeusement ou, à tout le moins, soulager les malades. Toutes ces recettes, transmises de mère en fille ou de bonne femme à bonne femme sur le perron de l’église, reçurent le nom de « remèdes de bonne femme » et à juste titre, car, avant de consulter le médecin, on essayait toute la gamme de ces remèdes. Les « produits naturels » qui envahissent aujourd’hui nos pharmacies en sont les reliquats. Ces remèdes étaient faits de racines, d’herbes, d’écorce, de fruits, etc. Les fraises arrêtaient la diarrhée, les pissenlits faisaient passer la bile, le chiendent diminuait la pression, la camomille faisait baisser la fièvre et la moutarde, la plus grande des guerrières, combattait la bronchite.

Aucun de ces remèdes n’a cependant empêché le peuple d’être frappé par des épidémies d’envergure. En 1832 et 1834, deux épidémies de choléra firent en tout plus de dix mille morts. En 1918, la grippe espagnole s’agrippa à près de 500 000 personnes et en tua autour de 14 000.

(Extrait du livre Marcel Tessier raconte, chroniques d’histoire, tome 1. Éditions de l’Homme, une division du groupe Sogides, 2000).

Cathédrale Sainte-Anne
Parc de Griffintown à Montréal, ancien emplacement de la cathédrale de Sainte-Anne de la communauté irlandaise qui a été décimée par les épidémies en 1832 et 1834. Photo : Histoire-du-Quebec.ca.

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