Charles VIII et Louis XII

Charles VIII et Louis XII, les marchands en France

Le coûteux rêve italien (1483 – 1515)

Charles VIII et Louis XII – Moins avisés que leur prédécesseur, ils entraînent la France dans des guerres italiennes inutiles et ruineuses.

Charles VIII (1483 – 1498)

À la mort de Louis XI, en 1483, son fils Charles VIII n’a que treize ans. La régence est exercée par sa sœur Anne de Beaujeu qui doit faire face à tous ceux qui ont dû subir l’ancienne autorité royale : les conseillers de Louis XI sont chassés, les États généraux de 1484 obtiennent des réductions d’impôts, et le duc Louis d’Orléans, cousin du roi, mène une révolte de grands princes, la « guerre folle » qu’Anne de Beaujeu réussit à maîtriser. Par la suite, l’essentiel du règne de Charles VIII est marqué par son attirance pour l’Italie et son désir de reconquérir le royaume de Naples pour la famille d’Anjou.

À ces fins, il doit obtenir la neutralité de l’Espagne en cédant le Roussillon et la Cerdagne (1493), de l’Autriche en abandonnant l’Artois et le Franche-Comté (1493), et celle de l’Angleterre en s’engageant à lui verser 745 000 écus d’or.

C’était payer bien cher la possibilité d’entreprendre une campagne italienne, qui, après la prise de Naples (1495), tourne court. Charles VIII doit rentrer précipitamment, et les troupes françaises cèdent progressivement. En 1498, Charles VIII meurt alors que, décidément obstiné, il préparait une nouvelle expédition vers l’Italie. Comme il ne laisse pas de descendant mâle, la couronne revient à Louis d’Orléans, que l’on avait forcé à épouser la fille de Louis XI, Jeanne de Valois.

Louis XII (1498 – 1515)

Il a participé aux soulèvements de la minorité de Charles VIII et après avoir été emprisonné, il suit Charles VIII durant sa campagne italienne de 1494. Cela lui donne le goût pour ce pays, puisqu’il envahit l’Italie dès 1499, prend Gènes et Milan, puis Naples. Il s’attaque ensuite à Venise (1508). Le pape Jules II entreprend alors de chasser les Français, avec l’aide des Anglais et des Suisses : les Français perdent leurs possessions italiennes et la France est même envahie en 1514. Louis XII meurt l’année suivante, en laissant des finances exsangues, sa politique extérieure l’ayant amené à endetter considérablement l’État. Le seul élément positif de son règne, pour l’unité du royaume, est son remariage avec Anne de Bretagne, veuve de Charles VIII, qui renforce l’intégration de la Bretagne à la France. De ce mariage ne naquirent que deux filles, dont l’une, Claude, épouse François d’Angoulême, duc de Valois, le futur François Ier.

Les effets des guerres italiennes

Les guerres italiennes des successeurs de Louis XI, Charles VIII et Louis XII, seront désastreuses sur le plan militaire et financier. Elles auront cependant pour conséquence d’importer en France la mode italienne, en matière architecturale, artistique, vestimentaire et littéraire. Princes et riches bourgeois voudront alors vivre comme leurs congénères transalpins et prolongeront en France le “quattrocento” italien.

Les marchands en France

Moins dynamiques que les Italiens, les Hollandais, les Allemands ou les Anglais, les marchands français se mêlent peu au grand commerce international et sont attirés par le mode de vie somptuaire de la noblesse.

L’attrait considérable pour les fonctions liées au développement de l’appareil d’État, et le système fiscal dissuasif expliquent en grande partie le faible dynamisme commercial et productif de la bourgeoisie française, qui subsistera à travers les siècles. L’esprit d’entreprise qui dans le même temps va éclore en Hollande et en Grande-Bretagne, favorisé pour une grande part par les révolutions politiques et religieuses, fait cruellement défaut à ceux qui, en France, possèdent l’instruction ou des moyens financiers permettant d’envisager une prise de risques. Le meilleur exemple est fourni par le destin des manufactures aidées par l’État au temps de Colbert, et qui périclitent dès que les subventions se font rares.

Des placements peu productifs

Au XVe siècle pourtant, certains ont osé se lancer dans l’aventure commerciale, et réussi à amasser une énorme fortune. C’est le cas de Jacques Cœur, dont le destin illustre cependant la précarité de ces entreprises. Mais bien vite, ceux qui s’enrichissent sont surtout des financiers, vivant dans l’entourage royal, et qui consacrent une partie de leur revenu à faire construire ou à acquérir de somptueuses résidences : Langeais est dû à Jean Bourré, notaire et trésorier de Louis XI, Chenonceaux à Thomas Bohier, receveur des finances de Charles VIII, Louis XII et François Ier, Azay-le-Rideau au financier Gilles Berthelot, Cheverny à Philippe Hurault, Villandry à Jean Le Breton, Vaux-le-Vicomte (qui donna à Louis XIV l’idée et le désir de construire Versailles) à Fouquet, surintendant des Finances. D’une façon plus générale, les placements financiers, surtout auprès des grands, apparaissent comme plus rentables et plus sûrs, dès la fin du XVe siècle. Or ceux qui prêtent sont les marchands, seuls susceptibles de collecter des fonds suffisants.

Cette spéculation financière se fait donc au détriment de l’investissement dans le commerce ou la production, et conduit de plus en plus à la ruine de ceux qui ont mal placé leur confiance: ainsi les financiers génois ou la famille de Fugger dilapident leurs richesses en avançant de l’argent aux rois d’Espagne, Charles Quint et Philippe II qui, acculés à la banqueroute malgré l’afflux de métal des colonies américaines, suspendent le remboursement de leur dette, ou l’effectueront en monnaie de singe. Pourtant, ceux qui sont lésés sont amenés à reconduire leurs prêts, en espérant contribuer au redressement financier de leurs prestigieux débiteurs. La situation est comparable à celle de certains pays sous-développés, surendettés, bien que producteurs de pétrole, qui aujourd’hui envisagent de ne pas rembourser leur dette extérieure et que les nations riches continuent de soutenir financièrement pour éviter une situation encore plus grave.

Mais la France ne connaît pas, Jacques Cœur excepté, de grandes familles ou entreprises marchandes ou financières, comparables à celles de Fugger, Welser, Schatz, Haug, Inhof, Scheuerl en Allemagne, ou à celles de Médicis, Spinola, Strozzi, Baldini, Bonvisi, Frescobaldi, Chigi en Italie.

Naturellement, des milliers de feuilles publiques s'emparèrent de la question, la traitèrent sous toutes ses formes, l'éclaircirent ou l'obscurcirent, rapportèrent des faits vrais ou faux, alarmèrent ou rassurèrent leurs lecteurs, dans l'intérêt du tirage, — passionnèrent enfin les masses quelque peu affolées. Du coup, la politique fut par terre, et les affaires n'en allèrent pas plus mal. Mais qu'y avait-il? (Robur le Conquérant par Jules Verne). Photo de graffitti à Montréal par Megan Jorgensen.
Naturellement, des milliers de feuilles publiques s’emparèrent de la question, la traitèrent sous toutes ses formes, l’éclaircirent ou l’obscurcirent, rapportèrent des faits vrais ou faux, alarmèrent ou rassurèrent leurs lecteurs, dans l’intérêt du tirage, — passionnèrent enfin les masses quelque peu affolées. Du coup, la politique fut par terre, et les affaires n’en allèrent pas plus mal. Mais qu’y avait-il? (Robur le Conquérant par Jules Verne). Photo de graffiti à Montréal par Megan Jorgensen.

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