La chapelle et le tombeau de Champlain : En deçà du mystère
Tombeau de Champlain. Par Pierre Dubeau, Comité Champlain 2008.
En 2010, on a commémoré le 375ième anniversaire de la mort de Samuel Champlain. Malgré 150 ans de recherches, rappelons que la sépulture de l’un des fondateurs de Québec est toujours mystérieusement introuvable. Cependant, suite aux travaux de recherches de l’archéologue Carl Lavoie entre 1997 et 1999, ce dernier remet en question sérieusement ce soi-disant mystère. Le présent exposé a donc pour but de présenter certaines embuches rencontrées lors de cette quête et de situer l’emplacement probable de la chapelle Champlain suite à l’analyse de l’archéologue Carl Lavoie.
Les sources historiques
Bref, rappel pour dire que le 25 décembre 1635, Champlain meurt. On l’enterre dans l’église paroissiale Notre-Dame de Recouvrance. A l’été 1636 le gouverneur Charles-Huault de Montmagny érige une chapelle particulière pour ensevelir la dépouille de Champlain. En juin 1640, cette chapelle est la proie des flammes ainsi que la résidence des Jésuites et l’église Notre-Dame-de-Recouvrance. Seule est reconstruite la chapelle Champlain. Elle accueillera François Derré de Gand en mai 1641 et le père Charles Raimbault, en octobre 1642.
Les sources historiques qui mentionnent la présence de la Chapelle Champlain sont peu nombreuses, trop peu nombreuses, on n’en compte que deux.
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C’est la concession du Gouverneur d’Ailleboust et la concession de Mathieu Huboust Sieur des Longchamps. A cela, on peut ajouter le plan de Jean Bourdon de 1660, seul plan qui exprime adéquatement la situation géographique entre 1640 et 1661.
On mentionne l’existence de la chapelle Champlain dans la concession du Gouverneur d’Ailleboust en date du 10 février 1649. Ce terrain, appelé réserve d’Ailleboust se situe à la haute ville correspond approximativement au quadrilatère des rues du Fort, Sainte-Anne, du trésor et de la rue Buade actuel. La chapelle se trouve près de cette concession du coté nord-est.
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En 1661, la fabrique de la censive Notre-Dame de Québec, concède à l’un des ses marguillers, un lot ayant 45 pieds sur 90 pied au nord-est de la réserve d’Ailleboust. Dans cet acte on mentionne que la chapelle se situe de front, du coté est.
Finalement, on peut retrouver trace de la réserve d’Ailleboust sur le plan de 1660 de Jean Bourdon. Ce plan confirme le texte de 1649 par la présence d’une orientation sud sud-est qu’avait la rue du fort à cette époque.
Une quête très émotive et remplie d’embûches
Le personnage de Champlain représente un acteur important dans la construction identitaire de la société québécoise. Mathieu d’Avignon a constaté que les historiens du 19e siècle ont bien décrit l’œuvre de Champlain, certains même avec un peu trop de zèle. Ainsi, il n’est pas étonnant que les recherches archéologiques pour retrouver sa sépulture, aient suscité et continue de susciter autant d’intérêts. Les aspects symboliques de cette quête font l’objet d’une étude par l’ethnologue Sylvie Sagnes, membre du Comité Champlain 2008.
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En 1988, le géographe René Lévesque a stimulé les émotions patrimoniales du grand public et des médias, bien que sa démarche ne fût pas reconnue par les milieux archéologiques et scientifiques. Paradoxalement, les recherches prometteuses et plus rationnelles de Georges Gauthier-Larouche (1988) et Carl Lavoie (1999) sont inconnues du grand public. Bref, les enjeux identitaires et la science se confrontent dans le présent dossier, et cela malheureusement, au détriment de cette dernière.
* Tombeau de Champlain
L’étude commandée par la Ville de Québec et dirigée par Mme Françoise Niellon, constate cette dialectique et l’exprime en ces termes : « … Il s’agissait plutôt de conceptions différentes de l’archéologie qui se manifestaient : l’immortalité d’un évènement pour les uns et l’absence de contenu scientifique pour les autres. » Et un peu plus loin « Toute couverture médiatique devenait nationale. Le contenu scientifique du projet était moins important dans l’esprit des médias que l’aspect spectaculaire de la découverte. »
En tenant compte de ces enjeux identitaires, signalons que certaines recherches entourant la localisation de la chapelle Champlain ont provoqué des émotions patrimoniales tant chez certains chercheurs que dans le grand public.
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Ainsi les chercheurs Pierre-Louis Morin et Silvio Dumas ont imaginé respectivement un univers cartographique et archéologique, ignorant parfois certains textes historiques connus. Ces hypothèses ont été par la suite confrontées sur le terrain, par les fouilles archéologiques hasardeuses de Sylvio Dumas d’une part, et la production du plan hypothétique de Pierre-Louis Morin d’autre part. C’est ce qui nous allons aborder maintenant.
Les fouilles de Sylvio Dumas entre 1951 et 1957
La fouille de Sylvio Dumas n’a pas donné des résultats concluant. Dumas localise la chapelle Champlain dans l’ilot de la réserve d’Ailleboust bien que les textes mentionnent que la chapelle est bien à l’extérieur de la réserve. Il identifie toujours la petite bâtisse le long de la rue du Fort (voir plan) comme étant la chapelle Champlain. Déjà en 1947, l’abbé Provost avait déterminé que cette bâtisse n’était pas la chapelle Champlain. Il s’agissait en fait une cabane en écorce occupée par Martin Boutet, pour l’enseignement du chant.
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Malgré cet échec, ces fouilles n’ont pas été vaines car elles révélaient bien l’orientation de la rue du Fort du plan de Bourdon de 1660. Cette orientation sud sud-est est également compatible avec le texte de 1649 concernant la concession d’Ailleboust.
Les études de Thomas O’Leary faites en 1894 ont amené le chercheur René Levesque en 1988, à situer la chapelle Champlain à l’ouest de la rue du Trésor, sous la tour sud de la basilique.
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Il est étonnant qu’il ait persisté à valider l’hypothèse d’O’Leary malgré les commentaires contradictoires de l’historien Michel Gaumond sur ce sujet. En date du 14 mars 1986, en réponse à une lettre de René Levesque, il affirme :
« La thèse d’O’Leary me paraît très sérieuse.Alors le seul point où je suis en désaccord avec lui réside dans le fait qu’il a pensé que le terrain concédé par la Fabrique Notre-Dame à Mathieu Huboust des Longchamps en 1661 dans laquelle concession se mentionne, la chapelle Champlain est celui sur lequel est aujourd’hui Holt Renfrew. Le bon terrain est en fait celui où est le magasin Darlington au coin de Buade et du Fort…. »
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Madame Raymonde Gauthier découvre cette carte en 1976 dans la bibliothèque de la Ville de Montréal. Celle-ci doute de l’authenticité de cette carte car elle ne figure pas dans l’inventaire des plans de Jean Bourdon.
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Curieusement, sur cette carte de 1640, figurent des bâtiments qui seront construits ultérieurement. D’autre part, d’après le père Lucien Campeau, il n’y a pas de preuve que l’église Notre-Dame-de-Recouvrance occupait l’emplacement de la basilique actuelle. Ceci l’amène à douter de l’authenticité de cette pièce ajoutée récemment au dossier. Autre interrogation, pourquoi ne trouvons nous pas cette même chapelle sur le plan de Bourdon de 1660 ? La chapelle Champlain existait toujours en 1661. Finalement, le rapport de Françoise Niellon commandé par la Ville de Québec en 1990, conclue que ce plan « doit être considéré comme une création de l’auteur, localisant des bâtiments à titre d’hypothèse ».
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Ce plan de Pierre-Louis Morin fût totalement discrédité en 1992, lors des fouilles touchant la construction de la chapelle dédiée à Mgr de Laval sous le transept sud de la basilique Notre-Dame de Québec. On a bien trouvé le mur d’enceinte détruit en 1843, mais aucune trace de la chapelle Champlain. On a complètement écarté du dossier ce plan.
Conclusion sur le Tombeau de Champlain
Les sources historiques retenues par Carl Lavoie en 1999, l’amène donc à situer la chapelle Champlain au coin des rues de Buade et du Fort à Québec. Cette localisation rejoint finalement celles de Myrand (1898) et de Baby-Casgrain (1909), mais cette fois-ci avec beaucoup plus de précision grâce également, aux relevés d’arpentage de Paul Grimard et au plan précis de Jean Bourdon de 1660.
Pierre Dubeau, Comité Champlain 2008
Pour en savoir plus :
Les membres du Comité Champlain 2008
Carl Lavoie a publié en 1999 une étude multidisciplinaire disponible entièrement sur internet. S’il y avait qu’un livre à retenir dans ce dossier, c’est cette étude :
Georges Gauthier-Larouche s’intéresse à cette question depuis plusieurs années. Il a publié en 1998 ce document:
Gauthier-Larouche, Georges, Nouvelles précisions relatives au site de la chapelle Champlain, Québec, 1988, 21p.
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Il s’intéresse également à la toponymie. Il a publié un texte érudit sur l’origine française du mot Québec :
Sylvie Sagnes s’intéresse aux dimensions symboliques de la recherche du tombeau de Champlain. Elle a publié un article pour l’Encyclopédie du patrimoine culturel de l’Amérique française : ameriquefrancaise.org/fr/article-255/Tombeau_de_Champlain.html
Pierre Dubeau est l’auteur de ce présent texte il a publié un site internet sur Facebook.
Sources documentaires sur le sujet du tombeau de Champlain:
- Gauthier Larouche, Georges, Nouvelles précisions relatives au site de la chapelle Champlain, Québec, 1988, 21 p.
- Lavoie, Carl, Georges Gauthier Larouche, La Chapelle Champlain : En deçà du mystère. Québec, 2000, 55 pages.
- Lavoie, Carl, Recherche multidisciplinaire sur la localisation du site de la chapelle Champlain à Québec, 1999, 58 p. avec la participation de Paul Grimard, Georges Larouche et Maurice K. Séguin. Publié pour le mouvement Francité.
Bonjour Monsieur Lavoie,
Je crois que je pourrais vous aider è retrouver le tombeau de Champlain. Téléphonez-moi s’il vous plaît et je vous expliquerai
Res: 418-626-7845 / Cel: 418-569-1313