Les capitaines des navires de l’Âge des découvertes
À l’âge des découvertes, lors des expéditions maritimes, le désir de s’enrichir aurait pu servir de mobile aux capitaines, c’est vrai. Et pourtant, aucun des grands explorateurs, et même pas Christophe Colomb, ne mourut riche. Seuls les conquistadores et les gouverneurs, qui gérèrent des provinces dans les Indes pour le compte des Portugais, de vastes pays aux Amériques pour celui des Espagnols, laissèrent de grandes fortunes à leurs descendants.
Du temps de la Renaissance, le principal mobile de toutes les grandes entreprises résidait dans le besoin de se créer un renom. On souhaitait devenir célèbre, se tailler une réputation de sagesse, de courage, de munificence. Ainsi, les ouvriers de routes se voyaient récompensés d’une façon moins tangible, sous forme d’honneurs et de gloire.
Capitaines de l’Âge des découvertes
Au Mexique, Fernand Cortez incita ses hommes à s’inspirer des Romains. Chroniquer et compagnon de Cortez, Bernal Diaz, en contemplant la chaussée empierrée qui menait à la ville de Mexico, note avec un sentiment d’exaltation que les Espagnols montraient un courage qu’ils n’auraient pas eu la latitude de déployer dans leur patrie :
Nous ne savions que dire ; toutes ces villes autour et jusque sur le lac, cette chaussée avec tous ces ponts, et, s’étendant devant nous, la grande ville de Mexico existaient-elles vraiment? … Écoutez, ô lecteurs curieux ! Ce que j’écris ne donne-t-il pas grandement à réfléchir ? A-t-il existé de par le monde des hommes qui aient fait preuve de plus de témérité ?
Assoiffés de gloire, les grands capitaines étaient imprégnés à des degrés divers de l’idée de la croisade. En cette matière, les attitudes des chefs isolés étaient extrêmement variées ; elles allaient de la religiosité conventionnelle de Frances Drake au zèle fanatique, très espagnol, de Queiros.
Certes, les capitaines ne mettaient guère en doute la notion de chrétienté. Pour la plupart, évidemment, ils avaient subi au cours de leur éducation l’influence de la littérature d’évasion de l’époque, autrement dit des romans chevaleresques, décrivant les chevaliers chrétiens aux prises avec les païens, les enchantements de pays étranges, les monstres. Cet état d’esprit était universel et peut-être, les explorateurs se sont-ils pris pour des héros populaires plutôt que pour les descendants des Croisés.
L’Europe disposait donc de capitaines ambitieux, d’équipages entraînés, de techniques avancées et ceci explique pourquoi, sous la pression de besoins économiques, l’Âge des Découvertes pouvait prendre son essor à partir de l’Europe.
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Un étrange voyage dans la jungle
« Nous autres, Espagnols », a dit Fernand Cortez, « souffrons d’un mal que seul l’or peut guérir ». Pour se guérir de leur mal, pour faire moisson de gloire en leur nom personnel et en celui de l’Espagne, les successeurs de Colomb se détournèrent du Mexique et des Caraïbes qu’ils avaient conquis et se lancèrent dans des aventures plus grandes encore, tant en direction du nord que du sud. Fernand de Soto et François Coronado lancèrent des reconnaissances de la Floride à l’Arizona. François Pizarre écrasa les Incas du Pérou. Leurrés par des histoires de l’El Dorado, – il s’agissait parfois d’une cité en or, parfois d’un chef tout enduit de poussière d’or – les conquistadores s’enforcèrent dans l’hinterland de l’Amérique du Sud.
Le plus étrange de ces voyageurs est peut-être François de Orellana, le chevalier borgne, qui, en 1541, traversa les Andes pour rejoindre Gonzague Pizarre, le frère de François, afin de rechercher avec lui de l’or et la Terre de la Cannelle. Il émergea de la forêt dix-huit mois plus tard, à l’embouchure de l’Amazone, à près de 5000 kilomètres de son point de départ. Les régions qu’il traversa conservent de nos jours à peu près les mêmes caractéristiques.
Une brèche dans la Cordillère des Andes
Alors qu’Orellana se trouvait à quelque distance derrière lui, Gonzague Pizarro partit de Quito en février 1541. Le premier obstacle qu.il rencontra fut la Cordillera des Andes, avec ses pentes glacées, ses pics culminants à près de 6 mille mètres. Montant vers les passes que balayaient des vents glacés, avec, à sa tête plus de 300 Espagnols endurcis qui, pour la plupart, portaient d’étincelantes armures; la moitié d’entre eux était à cheval, 4 000 Indiens portaient les vivres, faisaient avancer des troupeaux de cochons destinés au ravitaillement, utilisés au combat contre les tribus hostiles. La première des nombreuses épreuves, qui allaient en fin de compte réduire à une poignée de combattants la glorieuse force de Pizarre, s’abattit sous la forme d’effroyables tempêtes de neige; le mauvais temps dispersa les soldats, obligea l’expédition à abandonner partie de ses vivres tandis que de nombreux Indiens mouraient de maladie et de froid.
Les Espagnols se regroupèrent et, après être redescendus le long du versant opposé, s’engagèrent dans l’étuve de la jungle pour découvrir que leurs épreuves ne faisaient que commencer.
Un franchissement difficile de la jungle
Avec ses vingt-trois hommes, Orellana descendit des Andes à marches forcées sur les traces de Pizarre et s’engagea dans l’étouffante chaleur de la forêt; à coups de lance et de sabre, à coups de lance et se sabre, à coups de flèches d’arbalète ou d’arquebuse, les Espagnols repoussaient les attaques des Indiens. Pendant deux mois, ils subirent la pluie qui détériorait les vivres, pourrissait leurs vêtements, rouillait leurs armures.
En fin de compte, Orellana rattrapa Pizarre dans l’actuelle province de Morin. Ensemble, ils débouchèrent sur la Coca, un affluent du cours supérieur de l’Amazone, et lentement en descendirent les rives. Terriblement à court de vivres et constatant que leur avance était très lente, les deux capitaines convinrent que, pour gagner les riches terres situées en aval, selon les Indiens, il était préférable d’emprunter la voie fluviale.
Un voyage hasardeux
Les Espagnols établirent un camp sur les berges de la Coca et choisirent les arbres nécessaires à la charpente et au bordé de leur navire. Dans leurs rangs, il n’y avait que peu d’artisans, mais ils réussirent à fabriquer des clous à partir de fers à cheval, de l’étoupe pour calfater le bordé avec le bordé avec des lambeaux de chemise qu’ils enduisaient de résine et de cordages en liane de vigne sauvage. Le San Pedro, leur brigantine, n’était qu’une chaloupe mais qui réussit à naviguer pendant deux mois, avec, à son bord, des prêtres de l’expédition, les malades et les vivres, tandis que le gros de la troupe suivait le long de la berge.
La mort prélevant son tribut quotidien, Orellana et une soixantaine d’hommes escortés par le bateau et quelques pirogues partirent en éclaireurs pour trouver des vivres frais. Gonzague Pizarre ne devait plus le revoir. Orellana, déserta-t-il ? Ses hommes ou les courants, l’empêchèrent-ils de faire demi-tour ? Le point demeure obscur. Plus bas sur la rivière, Orellana et sa bande construisirent un second bâtiment, le Victoria, plus important que le San Pedro, puis ils poursuivirent leur route, s’arrêtant dans les villages à l’accueil amical, pillant les autres, luttant contre les tempêtes, repoussant parfois les hordes de grandes pirogues de guerre. À un certain moment, la famine poussa les Espagnols à manger leurs ceintures et leurs chaussures, dont ils faisaient bouillir le cuir dans des décoctions d’herbes.
Vers la fin de son voyage, Orellana eut à combattre, dit-on de grandes filles blondes et robustes, expédiées pour intercepter les Espagnols par des tribus entièrement composées de femmes vivant dans la forêt. Peut-être, l’Amazone doit-il son nom à l’intervention de ces guerrières, dont la réalité reste à démontrer, et qui rappelaient les amazones de la légende grecque.