Pirogues et canots des Amérindiens
Les pirogues
Les pirogues étaient et sont encore aujourd’hui des arbres creusés par lesquels Virgile (Les Géorgiques) a cru que la navigation avait commencé, ainsi qu’il l’exprime par ce vers : Alors, pour la première fois les fleuves sentirent les troncs creuses des aulnes.
On y employait toutes sortes de bois légers. Les Égyptiens, les Arabes et les Indiens en faisaient de jonc; c’est-à-dire de ces roseaux dont parlent Diodore de Sicile, Julius Solin (Polyhistor) et Pline (Histoire naturelle), et qui deviennent d’une hauteur et d’une grosseur si prodigieuses.
Canots
Les canots étaient de deux sortes, les uns faits des branchages d’osier et couverts de peaux. Tels étaient ceux des Lusitaniens et des peuples de la Grande Bretagne sur l’Océan; des Hénètes ou Vénitiens dans le golfe Adriatique; des Assyriens sur le Tigre et sur l’Euphrate; des Éthiopiens sur le Nil (Strabon), etc. Les autres étaient faits de papier ou d’écorce, comme ceux des Égyptiens et de plusieurs peuple de leur voisinage. Lucain dans la Pharsale a décrit magnifiquement ces sortes de petits bateaux dans les vers suivants : D’abord on mouille des baguettes de saule argenté pour les entrelacer en forme de nacelle; recouvertes de la dépouille des bœufs immolés, elles portent le passager et bondissent sur le fleuve gonflé. Ainsi le Vénète navigue sur le vaste Océan. Ainsi, quand le Nil est maître du pays, la barque de Memphis est construite avec l’aquatique papyrus.
Les auteurs donnent à ces bateaux les épithètes de subtiles et de plicatiles, parce qu’il fallait les coudre à cause de la matière dont ils étaient, et qu’il y en avait qui se pliaient facilement, de manière qu’on pouvait aisément les porter. Les Éthiopiens, selon le témoignage de Pline, en avaient de cette espèce qu’ils pliaient comme le reste de leur bagage, et qu’ils portaient lorsqu’ils étaient arrivés aux cataractes du Nil.
Canots de peaux
Les Esquimaux et quelques autres peuples du Nord nous ont conservé le modèle et la forme de ces canots de peaux dans ceux dont ils font usage, lesquels sont aussi de deux espèces. Les premiers ne sont que pour une personne seule. Ils sont de la longueur depuis douze jusqu’à quinze et seize pieds, tout plats et de la forme d’une navette de tisserand. Le dessus est tout couvert de peaux comme le dessous, et n’a qu’une ouverture au milieu, dans laquelle l’homme passe à mi-corps pour se mettre sur son séant. Il ferme cette ouverture comme une bourse, et la serre contre son corps comme une ceinture. Quand il a ajusté tout autour les bords d’une casaque qui ne lui laisse que le visage à découvert le canot et le canotier ne paraissent faire qu’une seule pièce, et pas une goutte d’eau ni saurait entrer. Ils gouvernent avec un aviron double, qui est terminé en forme de palette par les deux bouts. Ils nagent des deux côtés avec tant de dextérité et de promptitude que le canot semble glisser sur l’eau et disputer avec le vent pour la légèreté. Un javelot attaché aux côtés du canot par une longue corde leur sert à darder le poisson qu’ils mangent cru, et comme ils ne appréhendent point que l’onde les domine; qu’ils se font même un plaisir de faire tourner leur canot, et de faire le moulinet deux ou trois fois de suite. Il semble qu’ils peuvent entreprendre de longs voyages sans crainte, pourvu qu’ils puissent se flatter que le poisson ne leur manquera pas.
Leurs autres canots sont de la forme ordinaire en est de bois et de pièces bien emmortaisées et liées ensemble, qu’on couvre ensuite d’un bout à l’autre de peaux de chien de mer, bien cousues comme les premières. Ils sont de la longueur des grandes pirogues, et peuvent porter cinquante ou soixante personnes. Dans le temps calme on les conduit à la rame : mais lorsque le vent peut servir, ils attachent au mât des voiles de cuir.
(Tiré du Mœurs des Sauvages Américains, comparés aux mœurs des premiers temps, par Joseph-François Lafitau).
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