Canots d’écorce de bouleau

Canots d’écorce de bouleau des Amérindiens

Les canots d’écorce de bouleau sont le chef-d’œuvre de l’art des Sauvages. Rien n’est plus joli et plus admirable que ces machines fragiles, avec quoi cependant on porte des poids immenses, et l’on va partout avec beaucoup de rapidité. Il y en a de différents grandeurs, de deux, de quatre, jusqu’à dix places distinguées par des barres de traverse. Chaque place doit contenir aisément deux nageurs, excepté les extrêmes qui n’en peuvent contenir qu’un. Le fonds du canot est d’une ou de deux pièces d’écorce, auxquelles on en coud d’autres avec de la racine, qu’on gomme en dedans et en dehors, de manière qu’ils paraissent être d’une seule pièce. Comme l’écorce qui en fait le fond n’a guerre au-delà de l’épaisseur d’un ou de deux écus, on la fortifie en dedans par des clisses de bois de cèdre extrêmement minces, qui sont posées de long, et par des varangues ou des courbes du même bois, mais beaucoup plus épaisses, rangées près à près dans le sens de la courbure du canot d’un bout à l’autre. Outre cela, tout le long des bords, règnent deux préceintes ou maîtres, dans lesquelles servent à affermir tout le corps de l’ouvrage. On n’y distingue ni poupe ni proie. Les deux extrémités ou pinces sont entièrement semblables, parce qu’on n’y attache point de gouvernail, et que celui qui est à l’un des bouts gouverne avec l’aviron ou avec la perche quand il faut refouler l’eau en piquant de fond. Les avirons sont fort légers, quoique faits d’un bois d’érable qui est assez dur. Ils n’ont guère que cinq pieds de long, dont la belle en emporte un et demi sur cinq ou six pouces de largeur.

Si ces petits bâtiments son commodes, ils ont aussi leur incommodité; car il faut user d’une grande précaution en y entrant, et s’y tenir assez contraint pour ne pas tourner et pour soutenir l’erre du canot lorsqu’il est en train d’aller. Ils sont d’ailleurs très fragiles. Pour peu qu’ils touchent sur le sable ou sur les pierres, il s’y fait des crevasses par où l’eau entre et gâte les marchandises ou les provisions qu’on porte; de sorte qu’il ne se passe guère de jour où il ne se trouve quelque endroit qu’il faille gommer.

On y peut nager assis ou debout dans les eaux douces et tranquilles; mais il est mieux de nager à genoux dans les rapides. C’est encore une autre incommodité de n’y pouvoir porter beaucoup de voile, et de ne pouvoir se servir de la voile que dans les vents modérés, sans s’exposer aux risques de périr. La traversée des lacs est pour cette raison très difficile; les plus sages ne l’entreprennent guère sans avoir bien consulté le temps; ils rangent avec cela les terres autant qu’ils peuvent, ou coupent de cap en cap, et tâchent de gagner d’île en île. Toutes les fois qu’on entre, ou qu’on sort du canot, il faut être pieds nus; et lorsqu’on met pied à terre, il faut décharger le canot, le tirer de l’eau, et le mettre à l’abri sur le sable, ou sur la vase, de peur que le vent ne le brise.

Quand il s’y fait des crevasses, il faut les gommer, ainsi que je l’ai déjà dit, et il faut avoir soin pour cela de les visiter presque à chaque fois. On gomme les canots d’écorce de bouleau avec de la gomme d’épinette, ou de quelque autre arbre résineux, dont l’Amérique ne manque point dans sa vaste étendue. Mais pour ce qui est des canots d’écorce, on les étoupe avec de l’écorce de perruche brisée et concassée en filaments qui en bouchent parfaitement bien les ouvertures.

Les nations de la langue algonquine ne se servent que de canots d’écorce de bouleau et les travaillent. Mais il y a quelque différence des uns aux autres. Ceux des Abenaquis, par exemple, sont moins relevés de bord, moins grands, et plus plats par les deux bouts, de sorte qu’ils sont presque de niveau dans toute leur étendue; parce que ceux-ci voyagent dans de petites rivières qui débordent et s’étendent sur l’eau des deux côtés du rivage; au lieu que les Outaouacs et les nations d’en haut, ayant à naviguer dans le fleuve Saint-Laurent, où il y a beaucoup de cascades et de chutes, ou bien dans les lacs, où la lame est toujours fort grosse, doivent avoir des canots dont les pinces soient hautes et élevées, afin de briser la vague et d’être moins exposés à emplir. Il y a dans l’Amérique méridionale, du côté de la mer du Sud, des Sauvages qui s’exposent sur l’Océan avec des canots d’écorce. Ceux-là ont les pinces encore beaucoup plus relevées pour la même raison.

Canots d’écorce d’orme

Les Iroquois ne travaillent point les canots d’écorce de bouleau, mais ils en achètent des autres nations, ou en font à leur place d’écorce d’orme. Ceux-ci ne servent guère qu’une campagne, et parce qu’ils sont moins solides que les autres, et parce qu’il est plus facile d’en réparer la perte. Ils sont d’une seule pièce, et travaillés avec toute la malpropreté et toute la grossièreté possible. Ils coupent cette écorce aux quatre coins, où il est nécessaire de la replier pour faire les pinces, et après l’avoir cousue dans ces coins, et aux deux bouts qu’ils affermissent avec des bâtons fendus, pour la gêner, et l’empêcher de s’ouvrir, ils font les varangues, les barres et les préceintes de simples branches d’arbre.

Ces branches ne sont qu’écotées, et si mal rangées, que la vue seule en fait mal au cœur et doit naturellement inspirer de la défiance à ceux qui ont à exposer leur vie dans ces machines sur des rivières aussi dangereuses que le sont celles du Canada. Cependant, ils s’y abandonnent avec une confiance merveilleuse à la rapidité des eaux, dans les sauts et dans les cascades, lorsqu’ils descendent les rivières, ou qu’ils les refoulent avec des fatigues incroyables en piquant de fond avec la perche.

(Tiré du Mœurs des Sauvages Américains, comparés aux mœurs des premiers temps, par Joseph-François Lafitau).

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Lac paisible. Photo: Histoire-du-Québec.ca.

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