Le Canada entre en guerre
Canada en guerre : Entre 1939 et 1945, il s’en est passé, des choses, chez nous. La crise économique avait pas mal secoué la population. La pauvreté due au chômage avait fait des ravages terribles chez les Canadiens.
Au Québec, Maurice Duplessis, au pouvoir depuis 1936, a du mal à gouverner. Le mécontentement grandit un peu partout. Il déclenche des élections à l’automne 1939. La guerre contre l’Allemagne est commencée. Duplessis se lance en campagne électorale le 23 septembre, pensant pouvoir profiter de la situation, se souvenant sûrement des troubles provoqués par la conscription lors de la Première Guerre mondiale. Il mène l’offensive contre le pouvoir fédéral qui, dit-il, va sûrement profiter de ce conflit pour faire main basse sur des droits provinciaux. Il tient un discours autonomiste :
Depuis plusieurs années, une campagne a été conduite et des tentatives directes et indirectes ont été faites en vue d’amoindrir considérablement et même d’anéantir l’autonomie provinciale dans le but de ne former qu’un seul gouvernement dirigé par Ottawa. L’Union nationale considère que l’autonomie provinciale, garantie par le pacte confédératif, est essentielle aux meilleurs intérêts de la province, conforme à ses traditions, à ses droits et à ses prérogatives indispensables.
Son adversaire Adélard Godbout lui répond que ce sont les conservateurs de Robert Borden qui ont imposé la conscription en 1917 et que jamais les libéraux ne les imiteront. Le 30 septembre, il déclaré « Je m’engage sur l’honneur, en pesant chacun de mes mots, à quitter mon parti et même à le combattre si un seul Canadien, d’ici la fin des hostilités, est mobilisé contre son gré sous un régime libéral et même sous un régime provisiore auquel participeraient nos ministres actuels dans le cabinet de King. » En effet, à Ottawa, c’est le libéral William Lyon Mackenzie King qui est au pouvoir; le très populaire Ernest Lapointe, son bras droit au Québec, appuie la promesse de Godbout : « Nous avons dit à nos compatriotes de tout le pays que jamais nous ne consentirions à la conscription et que nous refuserions d’appuyer un gouvernement qui essaierait de la mettre en vigueur. Entre vous et la conscription, nous sommes le rempart. »
Voilà, c’est dit. Il faut absolument fermer la porte à Duplessis. Les candidats libéraux se font entendre partout au Québec, surnommant d’ailleurs le parti de Duplessis l’Union « nazionale ». Le soir du 25 octobre 1939, c’est le triomphe! Les libéraux sont élus par une majorité de 70 députés sur 85 à l’Assemblée législative.
Entre-temps, le premier ministre King, qui, en 1937, disait de Hitler qu’il était un « simple paysan allemand qui voulait le bien de son pays », a commencé à se rendre compte qu’il s’était trompé royalement. En 1938, après avoir annexé l’Autriche, Hitler donne la main à Mussolini et continue sa marche à travers l’Europe. En 1939, la Tchécoslovaquie tombe aux mains de Hitler tandis que Mussolini envahit l’Albanie et signe un traité de non agression avec la Russie, ce qui lui ouvre la voie à déclencher la guerre. Le 1er septembre 1939, c’est au tour de la Pologne, alliée de l’Angleterre et de la France. C’est parti. Le conflit s’étend partout en Europe.
King déclare que le Canada est en situation de guerre. Le 1er septembre 1939, il fait une déclaration en ce sens et convoque une session spéciale pour le 7 septembre. Le lendemain, il s’engage : « Le régime actuel ne croit pas que la conscription des Canadiens pour le service outre-mer soit nécessaire ni qu’elle soit une mesure efficace. Une telle mesure ne sera pas proposée par le présent gouvernement » Le premier ministre sent le besoin d’unir tous les Canadiens, car, même dans son parti, Ernest Lapointe en tête, plusieurs sont opposés à toute action pour forcer les Canadiens à s’enrôler. Lapointe déclare, le 8 septembre, à Québec : « Je suis autorisé par mes collègues de la province de Québec dans le Cabinet… à déclarer que nous ne consentirons jamais à la conscription, que nous ne serons jamais membres d’un gouvernement qui essaiera d’appliquer la conscription et que nous n’appuierons jamais un tel gouvernement. » Voilà pour les déclarations officielles. Vont-ils tenir leurs promesses?
Le 9 septembre 1939, la France et l’Angleterre déclarent la guerre à l’Allemagne. Deux jours plus tôt, King avait réuni les membres de son gouvernement et avait décidé que si le Royaume-Uni entrait en guerre, le Canada suivrait. Nous sommes donc en guerre.
(Source : Marcel Tessier raconte, chroniques d’histoire, Éditions de l’homme, 2000. Tome 1).
Voir aussi :