Bourses : Les règles du jeu

Les règles du jeu des bourses

Pour protéger ceux qui « jouent » à la Bourse, il faut bien quelques règlements. Deux «arbitres» sont chargés de les appliquer.

Les Diplômés, n° 356, hiver 1987, article de Ronald Prégent. Ce texte n’a que la valeur historique

Dans un lointain champ aurifère de l’Abitibi, un foreur à l’emploi de Mines d’or A.B.C., Inc. réalise soudain qu’il est tombé sur le gros lot! Dans la carotte qu’il vient d’extraire du sous-sol, il aperçoit distinctement des traces d’or ! Aucun doute n’est possible : il s’agit là d’un filon extrêmement riche.

Plutôt que de faire part immédiatement de sa découverte à son employeur, notre foreur se rend discrètement téléphoner à un courtier de ses connaissances.

Ensemble, ils achètent sur le parquet de la Bourse pour plusieurs milliers de dollars d’actions de Mines d’or A.B.C. Une fois connue la bonne nouvelle, la valeur de ces actions grimpe. Du jour au lendemain, elles valent le double, le triple et même plus de leur valeur initiale !

Beau profit en perspective pour notre foreur et son courtier. Sauf qu’il y a fort à parier qu’ils ne l’emporteront pas en paradis ! Car, bien entendu, une « passe » aussi «fumante» est illégale… et les autorités veillent…

Des enjeux colossaux

En 1985, à la Bourse de Montréal, il s’est transigé pour une valeur de plus de 10,5 milliards de dollars sur le seul marché des actions. À l’heure actuelle, on estime qu’environ 11 % de Québécois et de Québécoises sont détenteurs d’actions.

Les enjeux sont donc colossaux. Et les investisseurs, les petits comme les gros, exigent que les règles du jeu soient les mêmes pour tous… et qu’elles soient respectées. Car ils ne sont pas sans savoir que chaque fois que l’un d’entre eux fait un profit d’un dollar sur une transaction boursière, quelqu’un d’autre (eux-mêmes, qui sait ?) doit sortir le dollar en question de sa poche !

Comme toutes les grandes sociétés canadiennes, les compagnies pétrolières sont cotées à la Bourse.

Au Québec, ce rôle de protection du public investisseur échoit à deux organismes : la Commission des valeurs mobilières du Québec (C.V.M.Q.) et la Bourse de Montréal.

« Il y a deux grands principes qui guident notre action et celle de la C.V.M.Q. », explique Richard Morin, assistant-directeur au Service des entreprises de la Bourse de Montréal. « Primo, le public doit avoir accès à toute l’information pertinente pour faire de sains investissements. Secundo, tout le monde doit avoir accès à cette information en même temps. »

L’information privilégiée

Cet accès à l’information « privilégiée », comme celle recueillie par notre hypothétique foreur de mines d’or, préoccupe particulièrement le Service de la surveillance du marché de la Bourse de Montréal.

« Une compagnie qui s’apprête à rendre publique une information importante la concernant doit nous en aviser au préalable », poursuit Richard Morin. « Si, après consultation avec cette compagnie, nous jugeons que la nouvelle risque d’avoir un impact sur la valeur des actions, nous allons suspendre temporairement les transactions sur ce titre, tant que nous ne serons pas assurés que l’information complète a été diffusée. »

« Il n’est pas toujours nécessaire de suspendre les transactions », précise Richard Morin. « Mais, dans tous les cas, nous devons nous assurer que l’ensemble des investisseurs ont accès à la même information en même temps. »

Cette précaution est loin d’être superflue. Certains événements risquent en effet d’avoir un impact considérable sur la valeur des titres d’une entreprise.

« L’affaire impliquant les compagnies LAC Minerais et International Corona est un classique dans le genre», raconte Richard Morin. «International Corona contestait à LAC Minerais la propriété de l’une des plus importantes mines d’or du Canada. Le jugement du tribunal, favorisant International Corona, fut rendu public un vendredi soir, tout juste à la veille du congrès annuel de l’Association des prospecteurs miniers !

Les actions de LAC Minerais avaient clôturé à 41$ le vendredi. Elles se transigeaient à 21$ à l’ouverture le lundi matin ! »

L’épreuve du prospectus

Avant d’être transigées à la Bourse (sur le marché secondaire), les actions d’une compagnie doivent d’abord être émises (sur le marché primaire). Ce processus est réglementé par la Commission des valeurs mobilières. Cette dernière exige notamment de toute compagnie qui désire émettre des actions sur le marché public de l’épargne qu’elle publie au préalable un prospectus.

Qu’est-ce qu’un prospectus ?

Grosso modo, explique Paul Guy, président de la Commission, il s’agit d’une brochure d’une trentaine de pages, d’apparence plutôt humble, qui porte en frontispice l’identification de la compagnie émettrice du titre. Ce document contient une foule de renseignements.

On y retrouve l’histoire de la compagnie, le détail de ses activités de production ainsi que l’évolution de son chiffre d’affaires et de ses profits. Les noms des dirigeants, leur importance comme actionnaires et leur rémunération globale y sont aussi indiqués. Mais, surtout, on peut y lire à quelles fins la firme entend utiliser les argents qu’elle recevra de la vente de ses actions ou obligations. Le prospectus définitif est examiné à la loupe par la Commission.

Une liste de remarques est dressée et soumise à la firme émettrice et à son intermédiaire, le courtier. « Il s’ensuit une négociation portant sur les corrections qui seront apportées», explique le président Guy. Plus souvent qu’autrement, les critiques de la Commission touchent le manque de clarté des informations financières. À l’occasion, la C.V.M.Q. relève aussi des informations erronées.

Pour serrés qu’ils soient, les filets de la C.V.M.Q. n’empêchent pas toujours que des informations frauduleuses se retrouvent dans le document. Lorsque pareille chose se produit, la Commission peut décider d’entamer des poursuites.

Une enquête approfondie

La Bourse de Montréal voit, elle aussi, à ce que les compagnies remplissent des conditions minimales pour l’inscription de leurs titres. (Pour être inscrite chez nous», explique Richard Morin, (une compagnie doit satisfaire à différentes exigences qui touchent par exemple la valeur de son actif net tangible, le nombre minimal de ses actionnaires, sa profitabilité et la qualité de son administration. »

« À l’heure actuelle, poursuit-il, il y a environ 90 nouvelles compagnies qui ont déposé une demande d’inscription à la Bourse de Montréal. Dans chaque cas, nous procédons à une enquête approfondie.» Et la surveillance continue de s’exercer même après l’admission. Ainsi, la Bourse exige des compagnies qui en sont à un stade de développement moins avancé qu’elles obtiennent son autorisation préalable pour effectuer des changements majeurs comme l’acquisition d’une autre entreprise ou la vente d’une partie de leurs actifs.

Qu’arrive-t-il en cas de violation des règles ou, pire encore, de fraude ? La Bourse peut suspendre la compagnie fautive et même la désinscrire. « Mais cela ne se ferait que dans des cas extrêmes », précise Richard Morin.

« La raison majeure, c’est que de telles mesures pénaliseraient fortement les actionnaires qui n’ont rien à voir avec l’infraction reprochée et qui ne pourraient plus transiger leurs actions. »

N’est pas courtier qui veut

Tant pour acheter une nouvelle émission d’actions que pour transiger par la suite ces actions sur le parquet, l’investisseur «normal» doit passer par l’intermédiaire d’un courtier. Au Québec, n’est pas courtier qui veut. Pour s’afficher tel, il faut en effet l’approbation préalable de la Commission des valeurs mobilières.

Cette approbation n’est accordée que moyennant respect de certaines conditions, dont entre autres le maintien d’un capital en garantie et l’adhésion à un code d’éthique. La C.V.M.Q. procède régulièrement à une inspection des maisons de courtage, question de s’assurer qu’elles respectent les règles. Elle procède de plus à une enquête lorsque des plaintes relatives au comportement d’un courtier lui sont adressées.

La Bourse de Montréal a également le pouvoir de mener une enquête approfondie sur les activités de tout courtier inscrit. Nous vous garantissons une entière discrétion, chez elle. Les nouvelles technologies sont également mises à profit pour dépister les activités douteuses : on a récemment implanté un logiciel de surveillance des marchés, capable de détecter toute anomalie de prix ou de volume sur un titre donné.

Éduquer le public

Dernier volet de cette vocation de protection du public investisseur : l’éducation. « À la Bourse de Montréal, affirme Richard Morin, nous avons créé divers programmes d’information et d’éducation. La réponse du public est fort encourageante. »

En 1985, 4 000 personnes se sont inscrites aux cours d’initiation au marché boursier offerts à Montréal, à Québec et dans six autres villes de la province. Un concours de simulation des transactions boursières pour les étudiants des niveaux secondaire, collégial et universitaire a intéressé quelque 14 000 participants. Quant au Salon de l’épargne-placements de Montréal, il a attiré cette année 86 000 visiteurs !

Bref, l’investisseur québécois semble jouir d’une série de mesures de protection à rencontre des pratiques frauduleuses ou « irrégulières ».

Par contre, si la valeur d’un titre acheté à prix fort chutait abruptement, vous n’obtiendriez probablement pas grande chose en allant vous plaindre à la Commission des valeurs mobilières ou à la Bourse de Montréal. On vous répondrait sans doute que « la loi (du marché) est dure, mais c’est la loi ! » (Collaboration : Jean-Claude Dauphin).

Voir aussi:

Ours
Ours comme symbole du bear-market. Photographie d’Histoire-du-Quebec.ca.

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