Les bons chemins dans la province de Québec : Une motion de M. Chicoyne
La question des bons chemins est de plus en plus à l’ordre du jour devant le public. Une province relativement jeune, mais étendue comme la nôtre, ne peut en un jour, faire tous les progrès désirables, mais lorsque l’opinion publique s’éveille aux bonnes suggestions qui sont faites, il y a lieu d’avoir confiance dans l’avenir.
La classe agricole se réjouit aujourd’hui du développement de l’industrie laitière et des bénéfices qu’elle en retire, mais il ne faut pas oublier qu’il a fallu nombre d’années de luttes et de sacrifices avant d’arriver au succès.
Faudra-t-il aussi longtemps pour mettre notre voirie en bon état et faire disparaitre la situation mauvaise dans laquelle nous nous trouvons? C’est le problème qui se pose actuellement à l’attention du gouvernement et de tous ceux qui ont à cœur les intérêts du cultivateur.
M. Chicoyne, dans une motion, a proposé que la Chambre passe une résolution en faveur des bons chemins. Le député de Wolfe dit:
« Que pour assurer à nos campagnes tous les avantages, offerts par nous différents réseaux de chemin de fer, il serait absolument nécessaire d’améliorer ou transformer nos chemins ruraux de manière à en rendre l’usage commode et facile en tout temps de l’année.
Pour en venir là, il faudrait l’adoption d’une politique à la fois généreuse et énergique, et telle politique, du moment qu’elle serait appliquée, suivant un programme large et rendant justice égale à toutes les parties du territoire, ne manquerait pas de recevoir l’appui de cette Chambre et du peuple de cette province, sans distinction d’opinions politiques. »
Tout le monde est d’accord sur le besoin d’améliorer nos voies rurales et les députés qui ont pris la parole sur ce sujet, ont été unanimes à proclamer qu’il faut sortir des errements du passé.
MM. Prévost, Blancard, Chaurest, Leblanc ont, à tour de rôle, adressé la parole sur le sujet et ont constaté que sous le rapport de la voirie, nous sommes beaucoup en retard sur les autres pays.
Cependant, depuis 1897, l’on constate une amélioration sensible et dans nombre de comtés, comme l’a dit l’honorable M. Turgeon, ministre de l’agriculture les populations de nos campagnes ont profité des octrois du gouvernement qui a tenu à pousser de l’avant cette politique des bons chemins. Il a été dépensé de ce chef plus de $60,000 de plus que sous le gouvernement précédent et si l’on parcourt les rapports du surintendant des Chemins, l’on constate qu’il n’est fait chaque année beaucoup de travaux pour amélioration des routes.
Malheureusement, le progrès ne s’est pas réalisé partout et il faut, suivant l’honorable Ministre, faire l’instruction du peuple, c’est-à-dire lui faire comprendre tous les avantages qui résultent d’une bonne voirie avant d’intervenir par une mesure législative trop coercitive. Il faut en un mot convaincre les gens par des données certaines qu’il leur en coûterait moins cher de mettre les routes sous le contrôle de la municipalité que de les faire entretenir par chaque particulier comme cela se pratique de nos jours.
Il faut leur faire connaître les économies qu’ils réaliseront durant l’usure de leurs voitures et les salaires de leurs hommes, tout aussi bien que les avantages de transports rapides, économies et avantages qui compenseront plus que largement les déboursés versés dans les mains du Conseil Municipal.
Cette éducation se fera par des brochures, conférences et l’intervention des journaux qui peuvent rendre sur ce sujet d’immenses services au pays.
Quant au gouvernement, il va continuer sa politique d’encouragement aux municipalités et aux comtés qui voudront profiter de ses octrois. Il est même probable qu’il va pouvoir donner des primes aux municipalités qui auront à cœur d’avoir de bons chemins et pour ce qui concerne l’éducation, la propagande, les conférencier agricoles recevront l’ordre d’attirer chaque fois que l’occasion s’en présentera, l’attention des cultivateurs sur cette importante question.
Que chacun fasse donc preuve de bonne volonté et avant longtemps, la situation déplorable dans laquelle se trouvent nos chemins ruraux aura disparu et nous n’aurons rien à envier à Ontario ou aux autres pays.
Je crois que le plus grand obstacle, dit l’inspecteur des routes, à la rapide amélioration des routes publiques est le système de construction et d’amélioration des chemins par fronteaux ou parts. Par ce système, le travail étant disséminé et séparé, il ne reste plus de liens communs, qui puissent amener les gens à se grouper ou combiner sur un but déterminé. Ainsi on ne peut dire « nous allons réduire telle côte » ou « nous allons faire telle amélioration » parce que la réduction de cette côte ou l’amélioration en vue tomberait peut-être sur un seul individue, et la charge causerait peut-être sa ruine. Si, au contraire, les chemins étaient à la charge de la municipalité, ces travaux se feraient sans qu’on s’en aperçoive.
C’est mon opinion qu’il faut concentrer les efforts individuels vers un seul point pour accomplir de grandes améliorations en prélevant sur toutes les propriétés une taxe payable en travail ou en argent et ensuite dirigeant ce travail vers l’accomplissement d’un but pour le bénéfice du plus grand nombre. Si, au lieu de dépenser deux cents dollars sur une distance de quatre milles, comme nous le faisons à présent individuellement, ces deux cents dollars étaient appliqués à un seul endroit, disons deux milles de chemin, à chaque année, nous verrions bien d’autres résultats que ceux que nous voyons à présent. Les pays européens ont bien compris cela et se sont débarrassés de ce système pour adopter un système de concentration qui leur a valu les belles routes qui font l’admiration des voyageurs.
(Texte paru dans le journal Le Canada, le 4 avril 1903).
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