Bataille pour le statut du français

Le statut du français au Québec sera le cheval de bataille du PQ (en 1969)

On peut dire avec certitude que le statut de la langue française au Québec sera le véritable cheval de bataille du Parti québécois aux prochaines élections provinciales.

Même si cette question a été étudiée, aux derniers moments, à la réunion importante que le conseil national tenait samedi à Montréal, l’importance qu’a pris le statut du français dans un Québec qui semble s’angliciser à vue d’oeil, en particulier dans la région de Montréal, a tenu une place prépondérante dans les délibérations.

M. René Lévesque, président du Parti québécois n’assistait pas à la réunion, retenu à Québec par les délibérations de l’Assemblée législative qui ont continué toute la journée de samedi. C’est M Gilles Grégoire, vice président, qui assistait à la réunion, et la conférence de presse prévue pour 18 heures n’a pas eu lieu, pas plus d’ailleurs que celle prévue pour hier à 16 heures, étant donné la température très mauvaise qui paralysait la province.

Prêt à tout

Que le Parti québécois se prépare aux élections générales cela ne fait aucun doute. Il n’y a qu’à mentionner que le conseil national a étudié des questions aussi importantes que son budget, ta « caisse électorale », et un règlement des «conventions».

À ce dernier chapitre nous avons pu entendre, par une fenêtre ouverte que le Parti québécois se préparait à une « urgence ». En effet, l’exécutif pourra lui-même déterminer le candidat qui briguera les suffrages sous l’étiquette du Parti québécois à une élection ordonnée rapidement.

Le comité des finances a été particulièrement actif. Il a scruté le financement du parti dans les régions qui ne sont pas encore complètement déterminées et les comtés, selon la carte électorale provinciale.

Il s’est surtout préoccupé qu’il n’y ait pas d’enjambement entre la haute direction du parti, les organisations régionales et celles de comtés

Toute souscription au parti d’un montant supérieur à $2.500 (ou des souscriptions multiples d’une même source totalisant plus de $2,500 au cours d’une année financière) doit être approuvée par l’exécutif du parti. Ce qui revient à dire que le Parti québécois ferme en quelque sorte la porte A des souscriptions énormes venant de gros financiers, désireux de ver le nouveau parti à des intérêts qui ne seraient pas exactement ceux de la province, selon les vues de ses dirigeants.

Il y a au domaine du financement une innovation : les livres du parti seront vérifiés à intervalle régulier de façon à ce que tous les membres soient au courant de ce qu’on peut appeler la caisse électorale.

Bill 85

Il reste évident que le Bill 85 protégeant en quelque sorte les droits des minorités anglophones au Québec, a été le point tournant des discussions que le Conseil national a tenues pendant plus de dix heures d’affilée. On sait que M. René Lévesque a présenté au Conseil national un projet de loi qui pourrait être intitulé selon lui: « Loi définissant, dans les limites du « B.N.A. ACT », le statut de la langue française au Québec ainsi que la garantie de droits scolaires pour la minorité de langue anglaise ».

Selon les notes explicatives de re projet de loi qui pourrait être éventuellement présenté à la prochaine session, il y a entre l’inertie et l’hystérie également néfaste, une place pour la fermeté d’une nation à la fois fière et equitable.

Le communiqué remis aux journalistes samedi soir précise « Ce projet de loi s’efforce d »atteindre à un tel équilibre, qui seul évitera au Québec de s’abîmer, peut-être irrémédiablement, dans des excès désastreux.

Il s’appuie sur un principe clair et net: c’est à l’État de fixer les dimensions et tes droits de la minorité anglophonne au Québec, au lieu passivement de la laisser continuer à se définir elle-même, et par conséquent, se renforrer sans cesse aux dépens de la majorité ».

Réalisable

Le préambule du projet de loi déclare: « S’inspirant du programme officiel du Parti québécois, toutes les dispositions de ce texte sont parfaitement réalisables sous le régime actuel. Elles ne requièrent du gouvernement et de rassemblée nationale qu’une dose de lucidité pour être votées et de volonté pour être appliquées ».

Soulignons que cette définition du statut de la langue française nu Québec ainsi que la garantie de droits scolaires pour la minorité de la langue anglaise, ont toujours été dans l’esprit de René Lévesque, le minimum qu’on doit accorder aux anglophones dans la province. Cette loi nomme un secrétaire général qui aura charge de la linguistique et dont la responsabilité relèvera directement au ministère du Conseil exécutif.

Le bill définit que la langue française est la langue principale de la vie économique, il définit aussi que le français est la langue principale de travail et des communications internes dans les tntreprises, ainsi que des communications de celles-ci avec le public. Le français de même prédomine dans l’étiquetage et l’emballage de tous produits fabriqués et mis en vente au Québec.

Immigration et citoyenneté

Le projet de loi de M. René Lévesque prévoit une Direction générale de la citoyenneté au ministère de l’Immigration. Cette dernière aura pour fonction de voir à l’exécution de la loi sur les citoyennetés québécoises.

Toute personne immigrant au Québec aptes le premier janvier 1969, devra subir avec succès un examen de français, dont les modalités seront prescrites par le ministère de l’Éducation, afin d’obtenir son certificat de citoyenneté, conformément aux dispositions de la loi.

Tout enfant d’âge scolaire immigrant au Québec après le premier janvier 1969 devra, s’il se dirige vers l’école publique ou toutes autres institutions d’enseignement subventionné, être accueilli dans le secteur français.

Enseignement

Aux fins de financement des écoles publiques, la minorité anglophone est définie comme suit:

a) On détermine combien de ménages (au sens du recensement) ont des enfants inscrits dans des écoles publiques de langue anglaise, primaire, secondaire et collégiale, au cours de l’année scolaire 1968-69.

b) On recense les caractéristiques démographiques de ces ménages et les caractéristiques scolaires de leurs enfants (localisation, âge, scolarité, cas exceptionnels, inadaptés, etc.)

c) Pour les années suivantes, une projection est établie du nombre et ries caractéristiques des élèves provenant de la population décrite aux alinéas a et b.

Notons que le bill prévoit des écoles publiques de langue anglaise pour les effectifs scolaires qui découleront de l’article II du bill. Leur financement sera fait de la même façon que les écoles de langue française.

Les écoles privées de langue anglaise seront subventionnées de même que peuvent l’être les écoles privées de langue française.

Les institutions universitaires anglophones recevront de même des subventions déterminées par une commission.

«À compter du premier janvier 1971, tout élève finissant d’une école secondaire ou collégiale de langue anglaise, publique ou privée, devra subir avec succès un examen de français, dont les modalités seront prescrites par le ministère de l’Éducation afin d’obtenir son diplôme.»

C’est donc dire

C’est donc, dire que le Parti québécois, ne perdant pas le nord et jouant sur l’actualité, tablera doublement sur la priorité du français, et la nécessité pour un gouvernement d’établir cette priorité dans la vie économique, coeur de la vie québécoise.

Dernièrement, M. René Lévesque, comme d’autres hommes politiques, d’ailleurs, prédisait des élections générales hâtives.

La maladie de M. Bertrand, un certain malaise s’inscrivant autour du Bill 85 donnant, selon certains ministres de l’Union nationale, trop do libertés aux anglophones, la présence de M. Jean-Guy Cardinal, ministre de l’Éducation, parachuté au fauteuil de premier ministre intérimaire, tout cela semble donner raison aux observateurs.

À ce compte le Parti québécois pourrait bien tabler sur quelque chose qui dans certaines parties de la province, à Montréal en particulier, pourrait être rentable électoralement.

Orienter l’action

La conseil national du Parti québécois a pour principale fonction d’orienter l’action du Parti québécois. Les statuts du PQ lui confèrent en outre les pouvoirs de surveiller l’exécution ou les décisions du congrès national et de prendre des dérisions relativement à toute matière urgente sur lesquelles le congrès national ne s’est pas prononcé.

Le conseil national est composé de quelque 159 membres dont ceux du conseil exécutif du parti, les directeurs de chacun des comités nationaux, les coordonnateurs régionaux, ainsi que les présidents des associations de comtés.

Notons que c’est la première réunion que le conseil national tient. On peut ainsi expliquer que la conférence de presse prévue pour 18 heures, samedi, n’ait pas eu lieu, étant donné l’ampleur de l’ordre du jour à être étudié.

Soulignons enfin que la tempête qui a sévi hier dans la province a malheureusement force M. Lévesque a annuler une conférence de presse que les journalistes espéraient.

Ce texte date du mois de décembre 1969.

Le statut du français au Québec sera le cheval de bataille du PQ (en 1969)
Le statut du français au Québec sera le cheval de bataille du PQ (en 1969). Photo de Megan Jorgensen.

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