Balzes

Balzes des Amérindiens

Les Indiens du Pérou ont une autre sorte de bateau de cuir fort singulier appelé balze, dont le père Feuillée et M. Frezier nous ont donné la figure dans leurs voyages de la mer du sud (Père Louis Feuillée, Journal des observations physiques, mathématiques et botaniques depuis l’année 1707 jusqu’en 1712, Paris, 1714, 2 volumes, II, p. 590). Il consiste en deux espèces de vaisseaux taillés de la forme d’un canot, et faits de peaux de loup marin bien cousues et bien fermées en tout sens, à l’épreuve de l’eau. On remplit de vent ces vaisseaux par le moyen d’un tuyau à chacun dont on bouche soigneusement l’orifice après les avoir enflés comme un ballon. On les assujettit ensuite, et on les attache l’un à l’autre, de manière cependant que le devant soit plus approche que le derrière, par le moyen d’un châssis de bois composé de barres de la largeur de deux pouces, auquel ils sont fortement amarrés avec des cordes de boyau.

Les barres du châssis sont tellement disposées que la plus longue va de poupe à proue et sert de quille; les autres s’écartent de bâbord à tribord, c’est-à-dire, d’un flanc à l’autre. On étend sur ce châssis une grande peau composée de plusieurs autres cousues ensemble dont on attache les extrémités aux quatre coins du châssis. Ceux qui doivent naviguer sur ces sortes de bâtiments s’assoient sur ces peaux, et nagent avec une pagaie ou aviron à double palette, comme celui des petits canots esquimaux, dont nous venons de parler. Si le vent peut servir, ils mettent une petite voile, et pour remplacer l’air qui pourrait se dissiper, il y a toujours sur le devant deux boyaux attachés à l’orifice des ballons pour lesquels on peut les souffler quand il est besoin. La manière de coudre les ballons est particulière. On perce les deux peaux avec une alêne ou une arête, et dans les trous on passe ou des arêtes ou des morceaux de bois, sur lesquels, de l’un à l’autre, on fait croiser par-dessus et par-dessous des boyaux mouillés pour fermer exactement les passages de l’air.

Il se fait des balzes d’un grand port, et M. Frezier assure qu’il y en a sur lesquelles on peut charger jusqu’à douze quintaux et demi. Thomas Candish, voyageur anglais qui a fait le tour du monde, 1685 – 1593, dont le récit se retrouve dans les collections anglais de Hakluyt (Volume III) et de Purchas (Volume I), cf. Théodore de Bry, Grands Voyages, America, part 8, Frankfort, 1599 – il a voulu parler des balzes, quand il dit d’une nation située dans la mer du Sud vers le 23e degré de latitude méridionale, qu’ils ont une espèce de canot de peau, lequel se soutient sur l’eau par le moyen de deux vessies enflées. Mais la figure qu’on en a donnée dans le Recueil des voyages aux Indes occidentales de Théodore de Bry et de ses héritiers est fort différente de celle qu’en ont donnée les autres qui en ont parlé, et de ce qu’elle doit être, il n’y a qu’à la voir pour juger qu’elle est entièrement imaginaire.

Les Celtibériens espagnols usaient de semblables bateaux au temps de Jules César, ainsi qu’il le rapporte lui-même dans ses Commentaires (César, La Guerre civile, I, p. 54). La nécessité de ses affaires l’ayant obligé de passer d’Italie en Espagne, où tout se déclarait en faveur de Pompée, son armée pensa entièrement périr entre la Segre et la Cinca, qui s’étant débordées par la fonte des neiges emportèrent les ponts qu’il avait jetés sur ces rivières, et lui ôtèrent par là tous les moyens de la faire subsister. L’infanterie légère des Lusitaniens, et celle de la Celtibérie qui connaissait parfaitement le pays, et était accoutumée de traverser les fleuves sur les peaux de bouc enflées qu’ils portaient toujours à la guerre, harcelaient continuellement ses troupes, et ne laissaient écarter impunément aucun de ses soldats. Dans cette extrémité, il s’avisa d’un stratagème, par lequel il trompa l’attente de ses ennemis, qui s’en promettaient déjà une défaite bien entière. Il fit construire par ses soldats des canots, dont il avait appris de la forme et l’usage dans son expédition des îles Britanniques. La quille et le fond de ces petits bateaux étaient d’un bois fort léger, et le reste d’osier couvert de cuir. Son projet réussit, ainsi qu’il l’avait imaginé et il se tira par là d’un des plus grands dangers où il se soit peut-être jamais trouvé.

On traverse encore aujourd’hui le Tigre et l’Euphrate, selon le témoignage du père Avril (père Philippe Avril, Voyages en divers États d’Europe et d’Asie, tome I, p. 36, Paris, 1692), sur une machine composée de plusieurs peaux de bouc enflées, qu’on joint de quatre côtés par autant de perches qu’on lie étroitement ensemble, et qu’on couvre ensuite de plusieurs branches d’arbre qu’on a soin de mettre en travers. Le père Acosta (Père Joseph de Acosta, S.J. Histoire naturelle et morale des Indes tant orientales qu’occidentales, II, 18, Paris, 1598, p. 110 verso) dit qu’en Amérique on fait de semblables radeaux pour la traversée des fleuves et des rivières; mais au lieu de peaux de bouc, on se sert de courges sèches, vidées, et bien bouchées, afin que l’eau n’y puisse pas entrer.

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L’histoire opère lentement. (Ulrich Wickert, journaliste allemand). Photographie par Megan Jorgensen.
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