Arrivée des Hospitalières à Montréal
Mlle Mance, qui dirigeait l’hôpital de l’Hôtel-Dieu depuis quinze ans, était allée en France en 1659 pour confier aux religieuses Hospitalières de Saint-Joseph l’œuvre de charité qu’elle avait fondée et soutenue dans les moments les plus difficiles.
Madame de Bullion ayant doté ces religieuses de 22 000 livres pour assurer leur existence à Ville-Marie, M. de La Dauversière s’entendit avec l’Ordre qu’il avait fondé pour l’envoi au Canada de trois sœurs professes. Les sœurs Judith Moreau de Bresolles, Catherine Massé et Marie Maillé furent choisies pour cette délicate et pénible mission lointaine.
On dirait vraiment que tout ce qui touche à Ville-Marie doit être marqué du sceau de la contradiction humaine. Quand on apprit à La Flèche le départ projeté des religieuses, les habitants se soulevèrent en masse. Le matin qu’elles quittèrent la ville, les gens qui les escortaient durent tirer l’épée pour leur frayer un chemin. Au moment de s’embarquer à la Rochelle, on tenta de nouveau de les retenir en leur disant qu’elles ne seraient point reçues en Canada. À l’heure même du départ, le capitaine du navire, le « Saint-André », ne voulut pas démarrer avant d’être payé des frais de voyage.
L’affaire finit cependant par s’arranger et le vaisseau prit la mer (2 juillet 1659). Après une traversée orageuse de dix longues semaines, elles arrivèrent à Québec le 8 septembre. De nouvelles épreuves les y attendaient. Mgr de Laval demanda aux religieuses d’abandonner leur institut pour se joindre aux Hospitalières de Dieppe, établies à Québec depuis vingt ans.
La mère de Bresolles refusa énergiquement, comme avait fait naguère M. de Maisonneuve, de renoncer à l’œuvre qu’on lui avait confiée. L’évêque dut se rendre aux solides raisons que lui exposa l’héroïque femme et il l’autorisa à poursuivre son voyage jusqu’à Montréal. (Abbé Faillon: «Histoire de la Colonie française,» vol. Il, p. 352, seq.)
Durant l’absence de Mlle Mance, M. de Queylus avait confié l’administration de l’hôpital à deux religieuses de Québec, dans l’intention de leur en abandonner dans la suite la direction permanente. L’arrivée des Hospitalières de Saint-Joseph, déterminées à garder pleine fidélité à leur institut, dérangea ces plans. Il fallut bien en passer par les conventions établies entre les directeurs de la Compagnie de Montréal, Jeanne Mance et l’Institut de La Flèche. Les sœurs de Dieppe retournèrent dans leur hôpital de Québec et les nouvelles Religieuses prirent définitivement charge de l’Hôtel-Dieu de Montréal. De son côté, Mlle Mance leur abandonna en partie la direction générale de l’œuvre qu’elle avait solidement établie. Elle continua de vivre à l’hôpital jusqu’à sa mort, arrivée le 18 juin 1673.
Lors de son voyage en France pour en ramener les Hospitalières, la fondatrice avait été l’objet d’une étonnante guérison. Au mois de janvier 1657, étant tombée sur la glace, elle s’était rompu le bras droit et démis le poignet. Après deux ans de souffrances, il était résulté de cet accident une sorte de paralysie localisée. Des médecins de France s’étaient déclarés impuissants à la guérir jamais. La pieuse fille eut recours à d’autres moyens pour obtenir sa guérison. Un jour qu’elle avait entendu la messe à Saint-Sulpice et vénéré le cœur de messire Olier, conservé dans un reliquaire de vermeil, elle se déclara complètement guérie. Elle fit de ce fait une solennelle déclaration; la sœur Morin, dans ses Annales de l’Hôtel-Dieu, et Dollier de Casson, dans son Histoire de Montréal, rapportent le fait comme parfaitement authentique et jamais, croyons-nous, ces témoignages n’ont été infirmés par personne. (Dollier de Casson: «Histoire du Montréal,» p. 132 — Sœur Morin: « Annales de l’Hôtel-Dieu,» p. 97.)